Walras et l`Etat Dire libre concurrence n`est pas du tout, comme on

Walras et l'Etat
Dire libre concurrence n'est pas du tout, comme on voit, faire absence de toute intervention de l'État. Et,
d'abord, cette intervention est nécessaire pour établir et maintenir la libre concurrence là où elle est pos-
sible. La tendance des propriétaires fonciers, travailleurs et capitalistes est de constituer le monopole des
services ; celle des entrepreneurs est de constituer le monopole des produits. Si ce monopole est contraire
à l'intérêt public, l'État doit l'empêcher toutes les fois qu'il n'est pas fondé sur le droit naturel. (…)
Ce sera l'honneur des premiers économistes d'avoir reconnu et ce sera notre mérite, à nous autres éco-
nomistes-mathématiciens, d'avoir démontré que la libre concurrence est, dans certaines limites, un méca-
nisme automoteur et autorégulateur de production de la richesse par les hommes en société, si on peut
supposer que ces hommes sont capables de connaître leur intérêt et de le poursuivre, c'est-à-dire qu'ils
sont des personnes raisonnables et libres. A cette condition, qui est fondée et légitime, nous démontrons,
comme on l'a vu, que, sous le régime de la libre concurrence, les choses tendent d'elles-mêmes vers un
équilibre correspondant au maximum d'utilité effective et coïncidant avec la proportionnalité des valeurs
des services et produits à leurs raretés. Si la quantité possédée d'un produit diminue ou que l'utilité aug-
mente, la rareté croissant, le prix s'élève; le prix s'élevant, il y a bénéfice pour l'entrepreneur du produit
qui développe sa production, et la quantité augmente. Si la quantité possédée du produit augmente ou que
l'utilité diminue, la rareté décroissant, le prix s'abaisse ; le prix s'abaissant, il y a perte pour l'entrepreneur
du produit qui restreint sa production, et la quantité diminue. Et tout cela, toujours en vue de l'utilité
maxima. Aucune science appliquée ne saurait offrir dorénavant une règle générale et supérieure mieux
démontrée que ne l'est celle de la libre concurrence. Et, toutefois, répétons ici qu'instituer et maintenir la
libre concurrence économique dans une société est une œuvre de législation, et de législation très compli-
quée, qui appartient à l'État.
Monnaie. Tous les produits ne remplissent pas les conditions de détail requises par la libre concurrence.
Une de ces conditions, par exemple, est que l'utilité du produit soit dans un certain rapport avec la quanti-
té consommée, la rareté augmentant avec la diminution de la quantité et réciproquement. Cela n'a pas lieu
pour la monnaie, métallique ou de papier, dont la quantité nous est en elle-même indifférente et dont la
valeur seule nous importe. Puis, il ne faut pas que la variation dans la quantité détermine une crise géné-
rale. Et c'est le cas pour la monnaie dont les augmentations ou diminutions de quantité amènent une
hausse ou une baisse proportionnelle de tous les prix. Donc il convient que l'État émette la monnaie et
qu'il règle, s'il le faut, la production des métaux précieux sur les besoins de la société, qu'il interdise ou
réglemente l'émis sion des billets de banque et l'usage de la monnaie de compte.
Autres exceptions à la règle de la libre concurrence. Une autre condition de la libre concurrence est
que l'appréciation de l'utilité soit possible pour l'individu, ce qui n'est pas le cas, en général, pour les ser-
vices publics. Donc il faut que l'État produise les services publics. Une autre condition encore est que l'ap-
préciation de la qualité soit possible pour le consommateur, ce qui n'est pas le cas pour certains services
privés. Donc il faut soumettre la production de ces services à l'autorisation ou à la surveillance de l'État.
Une troisième enfin est que la multiplication indéfinie des entreprises soit possible, ce qui n'est pas le cas
des monopoles naturels et nécessaires tels que les mines, carrières, eaux minérales, chemins de fer, etc.,
etc. Donc il faut que l'État organise les monopoles de façon à y ramener et y assurer l'égalité du prix de
vente des produits à leur prix de revient en services telle qu'elle s'établit et se maintient d'elle-même dans
les entreprises susceptibles de concurrence indéfinie.
C'en est assez pour montrer que la théorie appliquée de l'industrie est bien loin de pouvoir se réduire aux
quatre mots: Laisser-faire, laisser-passer, et qu'elle comporte, tout au contraire, une longue série d'études
relatives au partage des attributions entre l'État et l'individu dans la production de la richesse. Après quoi
viendra une longue série d'études de réformes pratiques en vue de réaliser l'idéal de la science. Le collec-
tivisme est donc la moitié de la vérité en économique appliquée, comme le communisme en économie
sociale. Les modes divers de son intervention sont : l'entreprise aux mains de l'État, l'entreprise avec
l'autorisation ou sous la surveillance de l'État, l'entreprise aux mains d'entrepreneurs monopoleurs en-
suite d'adjudication par l'État, avec cahier des charges rédigé par l'État. A côté et en dehors de cette action
collective, subsistera l'action individuelle dont les modes divers d'intervention sont : l'entreprise aux
mains d'individus, l'entreprise aux mains de sociétés, l'entreprise aux mains des consommateurs des pro-
duits ou sociétés coopératives de consommation, l'entreprise aux mains des propriétaires des services
producteurs, ou sociétés coopératives de production.
L. Walras Etudes d'économie appliquée - 1898
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