Paris le 18 février 2004
fichier : f:\groupes\macro\pv\txchange\m6p.doc
version provisoire de fin janvier 2004.
Modèles de taux de change à deux pays,
avec marché boursier.
par Henri Sterdyniak et Pierre Villa
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1
H. Sterdyniak, OFCE, 69 quir d’orsay, 75007 Paris, e-mail : sterdyniak@ofce.sciences-po.fr, P. Villa, CEPII, 9
rue Georges Pitard, 75015 Paris, e-mail : [email protected].
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I. Introduction.
Les modèles macroéconomiques usuels ne rendent pas compte de l’évolution des taux
de change entre les grandes zones monétaires comme celles du G3. Les modèles inspirés de
Mundell-Fleming et Dornbusch prédisent qu’un choc de demande positif apprécie le taux de
change el à moyen terme et qu’un choc d’offre favorable de productivité le déprécie. Or
l’évolution du dollar, après les gains de productivité du travail qu’ont connu les Etats-Unis
jusqu’à la fin 2001 et la politique budgétaire restrictive qu’ils ont menée, dans le but de
réduire la dette publique et de résorber le déficit extérieur en pesant sur la demande, est à
l’opposé de cet enseignement. Il est tentant de faire appel aux modèles de portefeuille et
d’équilibre de la balance des paiements qui prévoient à l’inverse qu’un choc de demande
expansionniste déprécie le taux de change à long terme et qu’un choc d’offre positif
l’apprécie. Mais l’ampleur du déficit extérieur américain et sa persistance incitent à penser
que le long terme décrit par ces modèles reste un horizon. D’autre part ces modèles ne sont
stables que si la substituabilité des capitaux est limitée. Le développement des marchés
financiers et des actifs dérivés ont au contraire diminué l’aversion pour le risque en
augmentant les possibilités d’assurance. Il est ainsi nécessaire de disposer d’une modélisation
qui reste pertinente quand la substituabilité des actifs devient complète. Le décloisonnement
des marchés et la levée des restrictions aux mouvements de capitaux ont introduit une relation
étroite entre marchés des changes et marchés d’actions. Dans ce cadre, une partie de
l’excédent européen ou japonais de la balance courante est allouée à des achats d’actions, à
des investissements directs et à des prises de participations dans des entreprises américaines
qui lèvent la contrainte extérieure, même à long terme. En effet, ces investissements sous
forme d’actions résolvent les excès et déficits d’épargne entre les zones et changent la nature
de l’équilibre de la balance des paiements dans la mesure les actions sont des droits de
propriété jamais remboursés. Par exemple, si les nouveaux projets ainsi financés échouent, les
investisseurs subissent les moins values sans pouvoir exiger le remboursement. La perte en
capital se traduit par une diminution du prix du capital sans qu’il apparaisse de contrainte sur
la balance des paiements et sans remettre en cause la valeur relative de la monnaie à long
terme.
L’article tente de rendre compte de ces caractéristiques nouvelles en proposant une
modélisation qui abandonne la contrainte de balance des paiements et qui décrit les marchés
des changes et du capital simultanément à travers un modèle de portefeuille généralisé. Les
taux de change et les cours de bourse sont les prix qui équilibrent les marchés des dettes
publiques et du capital physique engagé dans la production. Cette approche présente
l’avantage d’englober les modèles anciens qui faisaient l’hypothèse de substituabilité parfaite
des capitaux et de pouvoir être combinée avec les conceptions récentes de la politique
économique mixte les banques centrales contrôlent le taux d’intérêt et l’Etat la fiscalité
afin de stabiliser la production, l’inflation et la dette publique.
Afin de justifier notre démarche, nous relisons de manière critique la littérature
théorique et économétrique concernant les modèles d’économie ouverte introduisant le
marché des actions. Puis nous proposerons un modèle à deux pays comprenant des marchés
financiers intégrés concernant le capital et la dette publique, une offre de biens déterminée par
l’accumulation du capital des entreprises et une demande globale gérée par la politique mixte,
cohérente avec les choix de portefeuille des agents privés. Enfin des simulations à l’aide d’une
maquette dynamique à deux pays nous permettrons de discuter du court terme et du long
terme selon les chocs et des corrélations entre cours de bourse et taux de change.
3
II. Les travaux antérieurs.
La discussion des interactions entre marchés boursiers et marchés des changes s’est
insérée dans les deux approches traditionnelles de détermination des taux de change, à savoir
les modèles de type Mundell-Fleming, dynamisés par Dornbusch (1976), les actifs
financiers nationaux et étrangers sont des substituts parfaits et les modèles de portefeuille et
d’équilibre de la balance des paiements dont on trouvera la présentation dans Branson (1976)
et Branson, Henderson (1985). Dans cet esprit, les travaux empiriques qui ont suivi ont
cherché soit à mettre en évidence une corrélation entre cours de bourse et taux de change sous
l’hypothèse de substituabilité parfaite, soit à expliquer le taux de change par la structure
complète des portefeuilles. Nous allons passer en revue les deux modélisations théoriques,
puis quelques travaux économétriques.
II.1. La bourse dans les modèles de type Dornbusch.
Gavin (1989) est le premier, à notre connaissance, à introduire le marché boursier dans
un modèle dynamique de taux de change. Il veut montrer qu’à long terme, la corrélation entre
taux de change et cours de bourse est toujours positive, mais qu’elle est incertaine à court
terme. Son argumentation est fondée sur la détermination du taux d’intérêt. A long terme, le
taux d’intérêt est fixé par des considérations extérieures aux marchés financiers (Keynes aurait
parlé, en son temps, de productivité marginale du capital). Une appréciation du taux de change
améliore les revenus du capital. Pour un même niveau de taux d’intérêt, les cours de bourse
doivent alors augmenter afin de maintenir la rentabilité exigée par les actionnaires A court
terme le taux d’intérêt est déterminé par la politique économique. Sa variation modifie
simultanément le rendement désiré sur les actifs boursiers et les anticipations de variation du
taux de change. Mais ce dernier influence la rentabilité effective du capital. La relation entre
les niveaux des cours de bourse et du taux de change dépend donc de la comparaison des
impacts sur la rentabilité effective et la rentabilité exigée.
Pour le montrer, il se place dans une économie ouverte de taille moyenne possédant
deux actifs financiers parfaitement substituables, les titres et les actions. Le modèle est écrit
en écart par rapport une situation d’équilibre la production d’équilibre est mise à 0 par
commodité :
Demande de biens :
y g vq n x
 
Parité non couverte de taux d’intérêt :
*
x r r
Arbitrage actions et titres :
*
qRr
qq
 
Taux de profit des entreprises :
01
R R nx R y  
Inflation :
py
Courbe LM :
0
r p y r

 
Notations :
est la production,
*
,rr
sont les taux d’intérêt réels national et étranger,
*
est la prime de risque sur les actions,
p
est le niveau des prix,,
q
est la valeur réelle des
cours de bourse ou
q
de Tobin,
e
est le taux de change nominal,
x
est le taux de change réel
défini par
*
x p e p  
,
R
est le taux de profit sur le capital physique. Les termes
00
,,g r R
sont le choc de demande (dépenses publiques), le choc monétaire (politique monétaire
expansionniste si
00r
) et le choc d’offre de répartition ou de productivité. Les variables
4
pointées sont les dérivées. L’environnement international est indépendant de la conjoncture du
pays. Les marchés boursiers étrangers sont équilibrés :
*1q
, la rentabilité du capital étranger
est :
* * *
Rr

.
L’introduction de la bourse se fait par trois canaux :
a) En raison de la substituabilité, les actionnaires exigent un rendement égal au taux
d’intérêt additionné d’une prime de risque.
b) Du côté de l’offre, la rentabilité réalisée augmente quand les coûts des
consommations intermédiaires ou finales diminuent.
c) La demande dépend d’un effet de richesse qui est fonction croissante des cours de
bourse.
A l’équilibre de long terme
0y
,
*0
rr
p
,
*
rr
,
0
**
()
gR
qrv


,
** 0
**
()
()
r g vR
nx rv


 
,
0
** 0
()
gR
q n x
r g vR
 
. On retrouve les résultats traditionnels du
modèle de Mundell-Fleming sur les chocs d’offre et de demande lorsque
**
( ) 0rv

 
.
Les cours de bourse sont corrélés négativement au taux de change réel parce qu’une
amélioration du taux de change réel réduit les coûts.
La dynamique du modèle s’écrit :
( ) ( )p n x x v q q
 
 
( ) ( ) ( )x n x x v q q
 
 
**
11
( ) (1 ( ) )( ) ( ( ) )( )q n R x x r R v q q
 
   
Le polynôme caractéristique s’écrit :
3 * * 2
1
* * * *
( ) ( ( ))
(( ) ) ( ) ( ) 0
H r vR v n
n r v v n n r v
 
    
 
 
   
 
Comme il y a deux variables non prédéterminées (les cours de bourse et le taux de
change réel) et une variable prédéterminée (les prix), la dynamique doit être de sentier selle.
Après une hausse déstabilisante de la demande, une augmentation du taux d’intérêt provoque
une appréciation du change
0A
qui a un effet :
nA
sur la compétitivité et une
appréciation des cours de bourse
**
/( )nA r

qui a un effet :
**
/( )vnA r

sur l’effet de
richesse. La stabilité est obtenue lorsque l’effet de compétitivité est supérieur à l’effet de
richesse :
**
( ) 0r
 
 
.
En supposant que les prix sont rigides à court terme, on peut calculer les ajustements sur
les marchés financiers. Appelons
la valeur propre négative, on a :
0( / )x x p


00
( ) ( )n x x v q q p
 
 
d’où :
2
00
( ) ( / )( )v q q n x x
 
 
Les politiques ou les chocs inflationnistes conduisent à un surajustement du taux de
change. La corrélation entre cours de bourse et taux de change est du signe de :
2n
 
.
Une hausse du taux d’intérêt est une anticipation de dépréciation du taux de change, donc une
appréciation immédiate. Lorsque cette hausse du taux d’intérêt signifie une hausse de la
rentabilité exigée des actions plus faible que la hausse de la rentabilité effective consécutive à
l’appréciation du taux de change, les cours de bourse baisse. C’est ce que Gavin appelle le
« bad news model », il correspond à
2n
 
. La corrélation entre cours de bourse et
dépréciation du taux de change est positive à court terme. Cela correspond à une condition sur
5
la demande de monnaie ou sur la politique monétaire :
2
1
(1 )R
n

. Lorsque la demande de
monnaie est peu sensible au taux d’intérêt ou que la banque centrale réagit fortement au
niveau des prix, la corrélation entre cours de bourse et taux de change est négative. C’est ainsi
que Cohen et Loisel (2001) interprètent les corrélations positives et négatives de l’euro avec
les cours de bourse aux Etats-Unis et en Europe.
Ce modèle de base a donné lieu à des extensions. Ainsi Uctum et Wickens (1989)
montrent que les résultats peuvent subsister dans le cas les entreprises financent
l’investissement non seulement par les actions mais aussi par l’endettement.
Il reste à savoir si la propriété subsiste lorsqu’on lève les hypothèses simples faites sur
l’équilibre et la politique économique. A long terme, les stocks, capital et dette publique,
devraient influencer le taux de change réel d’équilibre. Le prix du capital joue non seulement
sur la demande par effet de richesse, mais encore sur l’offre à travers l’investissement. La
production d’équilibre dépend de la formalisation de la boucle prix-salaire. Dans un modèle
WS-PS, elle dépend du taux de change réel et du taux d’intérêt ; dans un modèle de Phillips,
elle n’en dépend pas si le travail n’est pas mobile. Enfin, il reste à vérifier si les résultats du
court terme sont conservés lorsqu’on adopte des fonctions de réaction réalistes pour la
politique économique, taux d’intérêt relié à l’inflation et non au niveau des prix, fiscalité pour
stabiliser la dette publique.
II.2. Les modèles de portefeuille et de balance des paiements.
Ces modèles ont été développés pour rendre compte de l’aversion pour le risque et de la
contrainte de balance des paiements. Ils décrivent l’équilibre des stocks et permettent ainsi de
distinguer le court terme les stocks sont constants et la production fixée par la demande,
du long terme les stocks et les prix s’ajustent. Leur apport principal est d’inverser la
sensibilité du taux de change réel d’équilibre aux chocs d’offre et de demande. Une croissance
de la demande à court terme induit un déficit de la balance commerciale. L’endettement
extérieur qui en résulte se traduit par des charges d’intérêt qui doivent être financées par un
excédent commercial. Celui-ci est obtenu par la dépréciation du taux de change et la hausse
du taux d’intérêt. Cet enchainement n’est réalisable que si le taux d’intérêt peut s’écarter
suffisamment du taux étranger, donc si la substituabilité des actifs est suffisamment faible
(voir Branson (1976), Branson-Henderson (1985), Feroldi-Sterdyniak (1987), Benassy-
Sterdyniak (1992)). Il s’agit de savoir si l’extension du choix de portefeuille aux actions
modifie la réponse du taux de change aux chocs et la relation entre taux de change et cours de
bourse évoquée précédemment. La réponse est négative si on maintient deux hypothèses
cruciales, à savoir faire dépendre les profits du taux de change réel et garder la contrainte
d’équilibre de la balance des paiements, tout en l’étendant aux actions.
Ce type de modèle a été développé par Varoudakis (1990). Celui fait une hypothèse
simplicatrice contestable. Il suppose que les agents du pays ne détiennent pas d’actions
étrangères. Nous présentons donc une version élargie et symétrisée de son modèle les incluant.
Les agents du pays de taille moyenne ont le choix entre quatre actifs : les titres (dette
publique) et le capital financier, nationaux et étrangers. Notons
F
,
*
F
,
A
et
*
A
les
demandes pour ces actifs financiers exprimées en monnaie nationale,
r
,
*
r
les rendements
réels des titres,
R
,
*
R
les rendements réels des actions et
q
,
*
q
les cours réels de bourse
nationaux et étrangers. L’économie nationale n’ayant aucune influence sur l’état du monde,
nous supposerons que les étrangers ne détiennent pas d’actifs nationaux et que les marchés
étrangers sont équilibrés de sorte que :
*1q
et
* * *
Rr

*
est la prime de risque sur
1 / 31 100%
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