Doc 3 :
En 1985, la Banque du Japon accepte de faire baisser ses taux d’intérêt. S’ouvre une période d’argent facile et bon
marché. Fidèles à leur tradition d’épargne, les Japonais profitent du crédit pour acheter des actifs, plutôt que pour
consommer. Ils achètent surtout de la terre, de l’immobilier et des actions, mais leur appétit porte aussi sur la
peinture (envolée du marché de l’art mondial), les vignobles ou les cartes de membres de clubs de golf. Jouent
alors deux mécanismes pervers qui vont mener au gonflement irrésistible de la bulle:
- Tant que les cours montent, les entreprises bénéficient d’une source de financement quasi-illimité et gratuit : elles
remboursent les obligations qu’elles émettent en émettant des actions. Elles disposent ainsi de sommes
colossales, qui financent une vague d’investissements sans précédent.
- Les banques ont évidemment un large portefeuille de participations financières et foncières. Avec l’envol des
marchés, leur capital augmente et, avec lui, leurs possibilités de prêts. Du côté des emprunteurs, il est d’usage
d’utiliser ses actifs comme caution, pour garantir les emprunts. L’augmentation du prix des actifs permet donc
d’emprunter sans cesse davantage.
Au bout de quelques années, les prix sont devenus totalement surréalistes : certaines actions valent 160 fois ce
qu’elles rapportent chaque année (contre 15 à 30 fois à Wall Street). Au plus fort de la spéculation, la valeur
foncière de Tokyo dépassait celle de l’ensemble des Etats-Unis. C’est l’époque où les Japonais achètent Hawaï et
une partie de la Californie, les immeubles les plus prestigieux de New-York et les Tournesols de Van Gogh. Le
niveau des prix peut inciter à s’interroger sur la clairvoyance des acheteurs : pensaient-ils vraiment que ce qu’ils
achetaient valait ce qu’ils payaient ? A cela deux réponses : si mon voisin devient millionnaire en deux ans, est-ce
bien le moment de me demander s’il est un millionnaire clairvoyant ? Et qu’importe le prix, si quelqu’un est
d’accord pour payer plus cher.
Les crises asiatiques, Ecoflash, 1998
Doc 4 :
[…]
Nous avons pu mesurer à quel point la politique monétaire portait la responsabilité des événements survenus
depuis 2007. Sans être la seule cause, elle y a effectivement contribué. Par l'ensemble des mesures prises depuis,
les banques centrales sont néanmoins parvenues à contenir les conséquences de la crise financière et s'emploient
désormais à réduire la récession. Les précédents historiques tout comme les raisons théoriques et l'évolution
récente des économies laissent penser que la politique monétaire a été correctement employée et se montre
efficace. Mais elle a du pour cela s'adapter aux circonstances particulières du moment et modifier à la fois ses
objectifs et ses instruments.
On peut raisonnablement penser que le risque de déflation est sinon écarté du moins atténué depuis le premier
trimestre 2009. Des signes de reprise apparaissent, en particulier la stabilité de la consommation et la remontée de
la Bourse observée depuis environ trois mois. Les mesures monétaires massives prises depuis l'automne 2008
exerceront encore des effets positifs pendant le reste de l'année au moins. Enfin, les décisions budgétaires tout
aussi massives prises dans certains des plus grands pays pourraient prendre le relais pour soutenir l'activité et
encourager la reprise.
Parmi les problèmes posés à l'emploi des politiques économiques, il convient de négocier au mieux la sortie de
crise et de chercher à en effacer les effets négatifs sur les ressorts de la croissance. Si la politique budgétaire
lègue un amoncellement de dettes publiques qui menace la soutenabilité à long terme et le dynamisme ultérieur du
secteur privé, la politique monétaire devra probablement se réorganiser dans un environnement dont les menaces
d'inflation et de nouvelles bulles spéculatives ne seront pas absentes.
Professeur Bernard LANDAIS, Université de Bretagne-Sud, Laboratoire IREA, 17 mai 2009
Source : http://mpra.ub.uni-muenchen.de/15652/1/La_politique_monetaire_et_la_crise.pdf