sociométrie réseaux et communication

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agrégation de sciences économiques et sociales
préparations ENS 2003-2004
Les réseaux sociaux
Sociométrie, réseaux et communication (Parlebas, 1992)
Fiche de lecture réalisée par Selvame Calviac (ENS Ulm)
PARLEBAS Pierre (1992), Sociométrie, réseaux et communication, Paris, PUF, 239 pages
Table des matières
Chapitre 1. Portrait de la sociométrie
Chapitre 2. L’enquête sociométrique
Chapitre 3. Sociogrammes et théories des graphes
Chapitre 4. Traitement des données sociométriques
Chapitre 5. Réseaux et dynamique relationnelle
Jacob Levy Moreno crée la sociométrie, qui a pour objet l'étude des réseaux d'affinité au sein d'un groupe.
Il s'agit de savoir s'il est possible d'effectuer une radiographie socio-affective des groupes. Comment alors évaluer
la cohésion d'une équipe de terrain, repérer la présence de sous-groupes, calculer l'évolution d'une communauté,
interpréter les changements observés ?
L'outil principal est le questionnaire, complété par des entretiens et des observations de terrain
Chapitre 1. Portrait de la sociométrie
A. La sociométrie a un statut ambigu
Les années 50-60 ont été marquées par un réel enthousiaste pour la sociométrie qui s'est tassé par la suite.
L'ouvrage de René Marineau "Moreno et la troisième révolution psychiatrique", 1989 a mis au clair l'itinéraire
morénien qui se confond avec l'histoire de la sociométrie. La vocation de Moreno en faveur des relations sociales
est alimentée par ses premières expériences professionnelles auprès de communautés défavorisées. Dès 1913, il se
joint à une équipe qui tente d'aider les prostitués de Vienne à s'organiser et à se prendre en charge collectivement.
C'est surtout son expérience des camps des réfugiés qui sera à l'origine de la sociométrie. Il constate l'immense
détresse affective de ces déracinées qui fuient la guerre et suggère de repenser l'organisation du camp en fonction
des courants d'affinité et d'intérêts.
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Lancé par ailleurs, dans le théâtre, il s'oriente vers 1919 vers le théâtre "improvisé", vers la mise en scène des
fantasmes personnels et des symptômes de ses patients (a un cabinet médical depuis 1911).
L'expérience d'une recherche à la prison de Sing-Sing, offre à la sociométrie une occasion de se faire reconnaître.
Il obtient le poste de directeur de recherche dans un institut de rééducation pour jeunes filles, de l'Etat de New
York, à Hudson. Il y mène une enquête sociométrique de grande envergure. Il y affine ses concepts et ses outils :
questionnaires, sociogrammes, atome social, observation des comportements, traitement des données.
L’ouvrage majeur de Moreno, "Who shall survive ? " 1934 [survivront ceux qui auront recouvré spontanéité et
créativité grâce aux techniques sociométriques] ajoutée au lancement d'une revue spécifique de sociométrie va
déclencher un engouement évident des chercheurs psychosociologues ambitionnant d'améliorer les techniques
elles-mêmes.
B. Définir la sociométrie
En termes de méthode, la sociométrie mélange des genres opposés, lie quantitatif au qualitatif.
- La mesure et la mathématisation. "sociométrie" : mesurer (metrum) le social (socius) : "étude mathématique des
propriétés psychologiques des populations". Il s'agit d'une approche métrique (scores, indices, coefficients, tests..)
des sentiments et des relations socio-affectives assez audacieuse et originale.
- Le vécu subjectif : idée de favoriser l'expression des sentiments profonds à l'égard d'autrui, idée que ce sont les
sentiments, les représentations à chaud et les préférences intimes de chaque personne qui deviennent l'humus de la
recherche sociométrique. La subjectivité est revalorisée, le sujet est un véritable acteur décidant
Sur le plan de l'objet, il semble exister une certaine confusion qui conduit l’auteur à définir la sociométrie au sens
restreint essentiellement empirique et qui regroupe l’enquête de terrain, le jeu de rôles et toutes les techniques
dramatiques, et la sociométrie au sens large, qui est une véritable interprétation du monde et de l’homme dans le
monde.
Pour Ancelin-Schutzenberger, introductrice de Moreno en France, la sociométrie réalise finalement la synthèse
des disciplines tant dans sa portée que dans ses méthodes.
Parlebas considère qu’il demeure encore une grande confusion malgré les efforts de clarification des différents
auteurs. Selon lui, la sociométrie est l’étude tant métrique que clinique des relations affectives et des relations
d’influence au sein des groupes ou des communautés, étude dont les outils préférentiels sont le questionnaire,
l’entretien et l’observation.
L’objet est bien l’analyse des relations interpersonnelles, l’analyse de la communication.
C. Critiques faites à Moreno
Moreno a une tendance à transformer la réalité dont il parle : modification de la date et du lieu de sa
naissance…Aurait-il réellement rencontré Freud ?
Sur le plan conceptuel et épistémologique, son incapacité à séparer l’arrière plan émotionnel et fantasmatique lié à
la conception de la vie, des propositions rationnelles et contrôlables de son système scientifique.
Il semble avoir une excessive prétention à transformer la société : le développement de la sociométrie pourrait, ditil, « aider à résoudre les tensions internationales qui opposent les sociétés communistes et les sociétés
occidentales ».
En ce qui concerne son outillage méthodologique, il semble foisonnant et pas toujours reconnus dans le domaine
scientifique
Enfin, épistémologiquement, la sociométrie n’est pas une discipline autonome. Elle ne prend sens et portée pour
l’auteur qu’en étroite interdépendance avec de multiples autre branches de recherche.
D. Quelques idées-forces de Moreno
Les sujets ne sont pas passifs et deviennent des acteurs qui participent à des expérimentations et en évaluent les
résultats. Moreno redore le blason de l’individu, quelque peu terni par les conceptions sociologiques qui voient
dans le comportement des individus que le produit des structures sociales.
Moreno situe son cadre dans une théorie de l’action et est à l’origine du courant actuel de la « recherche-action »
(Elton Mayo – dans les ateliers de confection du téléphone de la Western Electric ; Kurt Lewin – habitudes
alimentaires des ménagères américaines…). Ce sont donc des situations sociales réelles et leurs évolutions qui
sont étudiées.
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Moreno semble avoir réussi à formaliser de façon objective les attitudes subjectives les plus intimes des personnes
en relation.
Moreno a été un précurseur de la communication par ses analyses et mise en scène des phénomènes de la
communication.
E. Trois orientations de la sociométrie
-
Une méthodologie de recherche expérimentale
-
Un outil d’intervention psycho-sociologique
-
Un corps de connaissances sur la « dynamique des groupes »
F. Actualité de la sociométrie
Par rapport aux autres branches de la sociologie, ici, ce sont les préférences individuelles qui vont s’agréger pour
former la configuration du réseau collectif.
Chapitre 2. L’enquête sociométrique
A. Mise en œuvre et planification
La notion de test est à écarter, car il n’existe pas d’épreuve standardisée : chaque situation est originale et seule de
son espèce. Le test oriente les recherches dans un sens purement métrique et de hiérarchisation des personnes. Il
est préférable d’employer des termes plus neutres, comme l’enquête, questionnaire, passation ou épreuve
sociométriques.
D’ailleurs, ce n’est pas le test qui lui accorderait son caractère scientifique, mais un dispositif planifié de recueil
des données et de contrôles des variables, définissant une démarche expérimentale. Ici, il s’agit d’une recherche
associée à une intervention sur le terrain, qui évalue avec soin les effets qu’elle produit en même temps qu’elle
s’accomplit (recherche-action au sens de K. Lewin). Il semble évident que le modèle canonique du modèle
expérimental ne pourra être satisfait, l’auteur parle de « quasi-expérimentation ».
L’enquête sociométrique met à l’épreuve des variables indépendantes fort variées (âge, sexe, catégorie sociale,
tâches de coopération ou d’opposition…). Les variables dépendantes sont fournies d’abord par les réponses au
questionnaire, complétées par des entretiens et observations. L’auteur insiste sur la dimension expérimentale de
sociométrie, trop souvent écartée : même si elle est délicate à mener sur le terrain, elle est riche d’éléments
interactionnels qui alimente la dynamique des groupes réels.
B. Le questionnaire sociométrique
Il doit être simple, reçu de manière « naturelle », mais doit bien être le résultat d’un travail approfondi préalable.
Les formulations du questionnaire sont ajustées aux circonstances de vie des groupes auxquels il s’adresse.
Trois principes fondamentaux :
- Acquérir une connaissance approfondie du groupe et de son contexte (découvrir la spécificité du groupe, les
motivations et les représentations…)
- Fuir une sociométrie « froide » au profit d’une sociométrie « chaude » : Moreno souligne que les questions
doivent être greffées sur un projet d’action réelle et le questionnaire est « destiné, à guider la reconstruction du
groupe ». Il faut que le sociométricien gagne la confiance des interrogés.
- Les critères de choix, c’est nature de l’activité pour laquelle chacun est invité à désigner ses partenaires
préférentiels.
L’auteur retient 3 critères :
1. Il est difficile de séparer les attraits affectifs et capacités techniques (ex : « avec quel camarade feriez-vous un
atelier de langue ? »)
2. Le critère socio-affectif, difficile à verbaliser et à analyser, existe.
3. Le critère de leadership : la relation d’autorité explique également le fonctionnement du groupe.
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C. Le tableau sociométrique
Il s’agit de reporter sur un document de synthèse unique et facilement exploitables toutes les données recueillies,
de façon à distinguer émetteurs et récepteurs, la nature des réponses, le type de critère et le rang de chaque
réponse, sous forme de tableau croisé.
Les concepts à retenir :
- les réciprocités (des attentes, des rejets)
- la disposition des individus sur les listes d’entrée (ordre doit être le même en colonne et en ligne)
- les scores individuels
Les scores d’émissions : ce sont les scores d’extrémité de ligne = addition des unités d’émissions d’un individu.
Les scores de réception : ce sont les scores d’extrémité de colonne = addition des unités de réceptions d’un
individu (émissions des autres).
- les scores collectifs : ils donnent les grands traits du paysage groupal et sous-groupal, propices à des
comparaisons avec d’autres groupes et avec le groupe lui-même lors de passations successives.
D. Le tableau des dyades
« Dyades » : ensemble des liaisons unissant deux personnes, unité de base de l’analyse morénienne. L’univers des
possibles comprend 34 = 81 dyades différentes. En effet, chaque sujet possède 2 postes d’attentes et 2 postes
d’émissions associées à 3 modalités (choix, rejet, indifférence) : ce modèle présenté par Tagiuri et Maisonneuve
semble rationnel et indiscutable.
Mais la réalité peut être différente entraînant des « dyades paradoxales » : un individu peut choisir un partenaire à
la première question et la rejeter à la troisième. De fait, l’univers des possibles est plus important.
L’atome social : un sociogramme individuel : Il s’agit d’une rosace relationnelle de chaque personne. En un coup
d’œil, il offre une information significative sur la situation du sujet à l’égard de ses partenaires et permet une
première appréciation de son intégration socio-affective dans le groupe (conflictuel, en totale harmonie) et permet
le calcul des indices d’empathie et d’intégration affective individuelle qui peut être recensés dans un tableau des
dyades (qui condense les données sociométriques en rendant sensibles et immédiatement lisibles les liaisons des
sujets deux à deux). Le tableau des dyades favorise le calcul des indices de cohésion sous-groupaux et
d’intégration affective individuel, outil de base servant à la construction de matrices de transition.
E. Les triades
Ensemble des liaisons entre trois individus, figuré par un triangle équilatéral dont chaque côté représente l’un des
acteurs. Il articule les 3 dyades unissant ceux-ci deux à deux.
Le sociogramme triadique individuel : on obtient un polygone étoilé dont le nombre de branches augmente très
rapidement avec l’effectif du groupe. La détection des triades les plus favorables est importante pour envisager
une meilleure insertion groupale des acteurs les plus vulnérables. Il y a une réelle dimension groupale qui
s’exprime par rapport à la dyade.
Le sociogramme triadique collectif : il rassemble toutes les triades de la collectivité considérée. Il permet
d’apprécier les constellations micro groupales et permet d’apporter des réponses d’insertion aux moins bien
intégrés dans le groupe.
Mais, la notion de réseau peut-elle être illustrée par un sociogramme global ? En effet, il permet d’améliorer la
modélisation des phénomènes de communication et de rendre plus performante l’enquête sociométrique.
Chapitre 3. Sociogrammes et théories des graphes
En sociométrie, on n’évalue pas les attributs et caractéristiques d’un sujet (ex : le leadership) mais un système de
rapports, des chaînes d’interdépendance liant chaque individu à un entourage précis. Ce seront les liaisons entre
les sujets qui offriront le matériau de base ; les individus seront caractérisés non pas par ce qui est en eux, mais par
ce qui est entre eux. Idée de « réseau » qui est constamment présente.
A. Le sociogramme : un réseau
Un sociogramme se présente comme un schéma, un ensemble de lignes qui relient un ensemble de points.
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Le réseau : ensemble de liaisons reliant les éléments d’un ensemble d’objets ou de personnes. C’est une foison de
configurations fort diverses : réseaux ferroviaires, de pipe-lines…
Très tôt, Moreno propose de dresser des « cartes de géographie psychologique » qui mettent en évidence les
courants relationnels d’une collectivité. Il s’agit de mettre en évidence un réseau d’interactions, de déboucher sur
une véritable radiographie socio-affective des groupes. Le sociogramme a un rôle de recherche et de découverte.
En sociométrie, la clarté du graphique est la raison d’être du sociogrammme : la configuration la plus simple et la
plus évocatrice qui mette en valeur les propriétés structurales du réseau est préférable. Il doit faire surgir les
phénomènes les plus saillants : configuration du groupe, clivage en sous-groupes, positions individuelles. Les
autres informations peuvent être fournies dans les tableaux sociométriques, le tableau des dyades, matrices de
transition.
Pour explorer les faits, on peut utiliser la théorie des graphes qui offre un arsenal de concepts, de théorèmes,
d’algorithmes et de raisonnements particulièrement propices à l’analyse des sociogrammes. Le sociogramme n’est
donc qu’une étape du traitement des données, les résultats des tableaux, matrices, observations, entretiens sont
indispensables pour une analyse plus exhaustive.
Il existe différents types de sociogrammes : des choix et des rejets réciproques, des sociogrammes individuels…
B. Le sociogramme en tant que graphe
Théorie des graphes et sciences sociales
Le sociogramme est un réseau. Il trouve une traduction mathématique bien adaptée en termes de graphe.
L’un des seuls ouvrages de psychologie sociale qui intègre de façon réussie et précocement les connaissances de
la théorie des graphes est la « Théorie des graphes et structures sociales » de Claude Flament, en 1965. Plus
récemment, Alain Degenne a repris le flambeau et mène des travaux explicitement orientés vers l’analyse des
réseaux sociaux (1978).
Dans le domaine anthropologique, il existe des analyses sur le système de parenté de Claude Lévi-Strauss qui fut
aidé des apports du mathématicien A. Weil (1950) ; en 1967, Jean Cuisinier (« Economie et sociométrie ») prend
en compte des relations entre firmes et sociétés industrielles, leurs rapports hiérarchiques et leurs liaisons
d’échanges.
Une perspective plus générale est développée aujourd’hui par des chercheurs anglo-saxons qui s’attachent à
approfondir l’analyse des réseaux sociaux (J. Barnes, M.S. Granovetter, J.H. Levine, H.C. White, V.Lemieux…).
En France, cette voie est de plus en plus explorée par A.Degenne, A. Ferrand, M ; Forsé, F.Héran. Les travaux de
macrosociologie s’inscrivent dans ce prolongement. Des procédures communes se mettent en place entre les
mathématiques et les sciences sociales.
Graphes et relations
Un graphe est composé de sommets (symbolisant les personnes des groupes étudiés et les arcs (correspondant aux
liaisons attestées entre individus). Chacune des relations (choix effectifs ou de leadership) donne lieu à un graphe
distinct et la famille de relations sur un même graphe donne un « multigraphe orienté ».
Il existe des graphes orientés ou non orientés : le premier tient compte de la direction de la relation (désignation
précise de partenaire), sinon, le graphe est dit non orienté.
Dans un graphe orienté, il existe des « arcs » et on s’intéresse au « chemin », au « circuit, à la « longueur du
chemin »…
Dans un graphe non orienté, il existe des « arêtes» et on s’intéresse à la « chaîne », à la « longueur de la
chaîne»…
Les graphes sont dits complets lorsque tous les sujets sont deux à deux reliés au moins par un arc. Il est possible
de dire que les sujets appartiennent à un sous-groupe commun (cas orienté). Lorsque chaque paire de sommets
sont identiques (similitude comportementale), on parle de cliques. Ils traduisent le désir d’une forte cohésion,
cultivant les mêmes valeurs, normes. La forme la plus achevée de cliques sera donnée par le graphe complet de
flux empathiques. Dans de tels cliques, la communication tend à devenir communion.
C. Une propriété de base : la connexité
La connexité : notion importante car elle rend compte des possibilités de cheminement et de communication à
l’intérieur d’un réseau. Elle informe sur la présence des liaisons directes ou indirectes, unissant les sommets d’un
graphe, et des caractéristiques globales de l’orientation de ces liaisons.
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D. Découpage d’un tableau sociométrique
Tableaux et matrices peuvent être agencé de façon à faire ressortir au mieux certaines propriétés du réseau
(connexité simple ou forte, voisinage, partenaires…). On recherche l’organisation qui convient le mieux à chaque
problème étudié.
Pour Degenne, l’intérêt de l’organisation des tableaux dans l’analyse des réseaux est le « découpage », c’est-à-dire
une partition de l’ensemble des cases de ce tableau en sous-matrices rectangulaires. Le sociométricien recherche le
découpage optimal dont la diagonalisation par blocs maximise les cohésions intra-sous-groupales et qui maximise
les hostilités inter-sous-groupales. Tout découpage détermine une « matrice partagée » les traits qui quadrillent le
tableau (horizontalement et verticalement).
Chapitre 4. Traitement des données sociométriques
A. Les phénomènes d’empathie
Il s’agit de la capacité de deviner les sentiments d’autrui. C’est en 1952, que Renato Tagiuri propose sa prise en
compte dans un examen approfondi qu’il a appelé « l’analyse relationnelle ».
Les différentes formes d’empathie
Courchet et Maucorps écrivent que son rôle est d’anticiper les sentiments, les pensées et les comportements
d’autrui (1966). Cela semble très important, car selon Maisonneuve, la composante majeure de la perception
effective paraît constituée de la présomption de réciprocité. Pour un individu, le fait de choisir un individu dépend
du fait qu’il s’attend à être choisi aussi par l’autre. Ce sont des jeux de miroirs complexes qu’il faut décortiquer.
- L’auto-empathie : la prévision des désignations d’autrui à l’égard de soi-même.
- L’allo-empathie : la prévision des choix d’autrui à l’égard des autres (ex : à votre avis, quels camarades a choisi
un tel ?)
- L’empathie des perceptions : la perception des perceptions d’autrui (ex : à votre avis, quels camarades un tel
s’attend t-il à être choisi ? )
- La socio-empathie : comment chaque individu perçoit-il le choix du groupe, considéré comme unité collective
(perception que chaque sujet se fait de la pesée du groupe). L’identité unitaire du groupe est un mythe (les
individus séparément ont des choix différents de la somme des choix du groupe), mais le mythe du groupe est une
réalité.
Les indices d’empathie
Il existe plusieurs processus
Maucorps).
perceptifs auxquels l’on peut associer des indices afin de les évaluer (Paul
La clairvoyance : lorsque l’individu a réussi à deviner les choix des autres à son égard.
Maucorps distingue la sensibilité relationnelle (nombre de perceptions exactes émises par le sujet sur le nombre
total de désignations reçues par ce sujet) du réalisme perceptif (rapport entre le nombre de perceptions exactes
émises par le sujet et le nombre total d’attentes émises).
La transparence : permet d’apprécier en quoi les attentes des autres membres du groupe sont conformes aux
désignations de la personne considérée : les autres ont-ils les choix du sujet ?
Ici, aussi le réalisme donne la proportion d’attentes formulées qui sont exactes et la sensibilité donne la proportion
de choix reçus qui sont attendus. Ces 2 indices sont différents et il est nécessaire d’avoir 2 indices distincts,
soulignent Maucorps er Bassoul. Pourtant, Parlebas montre que des liaisons sont possibles (dans le cas des choix
et des rejets).
Indices individuels, indices collectifs
Indices individuels : les scores du tableau sociométrique permettent de calculer aisément les indices d’empathie de
chaque individu. On constate une cassure entre les phénomènes de choix et les phénomènes de rejet. Les rejets
sont beaucoup plus opaques que les choix : se reconnaître refusé par les autres ne semble pas chose aisée à cause
de l’estime de soi. L’enquête sociométrique a pour rôle d’approfondir les phénomènes d’affectivité négative qui
impliquent les personnes en interaction.
Indices collectifs : le décalage empathique observé dans les indices individuels est encore plus important ici. Tous
les indices témoignent d’influences interindividuelles et groupales. Les choix entre individus hostiles tendent à
rester opaques alors qu’entre amis, ils se font transparents. Les personnes répondent individuellement, mais leurs
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réponses relèvent une empreinte sociale du fait des représentations, des attributions, des valeurs et normes dont
ces réponses se font l’écho.
B. Dyades et valences
Il s’agit de mettre au point une classification des dyades diminuant considérablement le nombre des possibilités
tout en conservant une très forte pertinence opératoire.
La valence d’une dyade : la solution la plus neutre consiste à accorder des valeurs indifférenciées aux vecteurs : la
valeur-unité , affectée du signe ( - pour les vecteurs de répulsion, + pour les vecteurs d’attraction).
On appelle valence vd d’une dyade la somme algébrique de ses valeurs de vecteurs, compris entre –4 et 4. C’est à
partir de ces valences de dyades que l’on calculera des indices d’interaction socio-affective individuels et
groupaux.
Les dyades « signées » : elle est définie par les signes des vecteurs qu’elle contient. Elles sont exclusivement
positives de 1 à 4, exclusivement négatives de –1 à –4 ou les deux +/-. Cette classification dessine la tonalité
globale d’un groupe est très évocatrice de son profil affectif.
Les dyades algébriques : chaque dyade possède une résultante algébrique et la valence d’un dyade algébrique est
une « résumé » de cette dyade. Le nombre de classes ainsi définies est suffisamment réduit pour assurer une bonne
maniabilité des matrices de transition, et assez grand pour donner à celles-ci la finesse nécessaire. Enfin, la
valence numérique permet des comparaisons.
C. Matrices de transition
Pour apprécier l’évolution des processus relationnels au fil du temps, il est possible de mettre en place une matrice
de passage ayant les classes de dyades retenues tant en entrées de lignes (1 ère passation) qu’en entrées de colonnes
(2ème passation). Cette dimension diachronique qui semble avoir échappé à Moreno est plus systématiquement
prise en compte par Bernard Levinson (1970) qui montre « comment l’analyse de rotation sociométrique peut
éclairer l’évolution des structures des groupes sociaux ». J. Maisonneuve (1966) également dresse de tels tableaux,
montrant les changements dyades au sein des groupes.
Parlebas illustre ces matrices de transition en utilisant des dyades « signées » et des dyades « algébriques ». Ces
matrices de passage sont simplifiées (le nombre de cases est passé de 6561 à 81 ou même 16), ce qui facilite
l’analyse de prime abord. Par ailleurs, elles fournissent des éléments d’analyse de l’évolution des groupes, des
éléments d’analyse de la dynamique des groupes. (cf. Jean-Louis Peaucelle, 1974).
D. Indices de cohésion socio-affective
La notion de cohésion : Une alchimie mystérieuse (dans les relations) bouillonne dans le creuset groupal.
Issu de données objectives (conditions matérielles, organisation, interactions accomplies…), le « moral » repose
dur des perceptions interpersonnelles à forte connotation subjective. L’importance de ces phénomènes de
perception et d’empathie est parfois déroutante, d’autant qu’elle ne s’exerce pas de façon uniforme. des variables
comme la personnalité, les affinités, les valeurs… interfèrent. Il est nécessaire d’identifier ces facteurs en grands
groupes.
Trois types de cohésion :
La cohésion normative et culturelle : qui se rapporte aux attitudes communes, aux normes et valeurs partagées par
le groupe.
La cohésion fonctionnelle : liée au fonctionnement du groupe selon l’organisation adoptée au sein de l’activité.
Une cohésion socio-affective : affinités des participants qui s’inscrivent ans un réseau groupal. Il s’agit de
l’ensemble des résultats.
Même si ces trois dimensions sont distinctes, elles peuvent s’influencer. Exemple : une équipe de football a une
cohésion d’ordre fonctionnelle, mais elle veillera également à avoir une cohésion socio-affective.
Cohésion et sociométrie
Malgré que la cohésion soit une réalité imprécise et multiforme, malgré que les variables s’interinfluencent sur les
comportements au sein du groupe, l’étude de la cohésion socio-affective est possible et peut se mesurer par les
indices qui en traduisent l’intensité.
Un indice de cohésion socio-affective
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Le principe de calcul de l’indice  est le suivant : il s’agit d’effectuer le rapport entre la valence vD de l’ensemble
des dyades D qui définit le champ relationnel étudié et l’effectif m des dyades enregistrés. L’indice sera compris
entre –4 et +4. Il peut se mesurer au niveau intra-groupal, au niveau inter-sous-groupal, au niveau inter-individuel.
(cf. schémas p : 159-60).
L’évolution de la cohésion d’un groupe peut se mesurer à l’aide de l’indice . On appelle gain de cohésion g()
entre deux passations, la valeur positive ou négative de l’écart correspondant à la différence des deux indices.
Ainsi, si le gain est positif, il existe une amélioration cohésive, alors qu’un un gain négatif correspond à un
affaiblissement cohésif.
Indices de densité relationnelle
Ils évoluent de 0 à 4 et se calculent par le rapport entre la sommation des vecteurs (d’amitié ou d’hostilité) des
dyades et l’effectif m des dyades.
La densité relationnelle peut également se mesurer par la fréquence des dyades effectives.
Ces indicateurs donnent connaissance du volume relationnel global à partir duquel la cohésion a été évaluée.
Chapitre 5. Réseaux et dynamique relationnelle
A. Opérations sur les réseaux
L’analyse de la dynamique conduit à apprécier les modifications qui affectent les structures groupales dans le
temps.
On peut par exemple mesurer la distance entre graphes en superposant conjointement sur un tableau, les données
des deux matrices de successeurs. Il s’agit d’un traitement des matrices par binarisation selon présence (1) ou
absence (0) de chaque élément constituant : c’est la distance de Hamming. Cette distance peut se lire dans la
matrice cumulée. Dans le cas des situations de jeu et de sport, l’interprétation globale des distances enregistrées
entre les différents graphes conduit à analyser la logique interne des situations. L’observation des interactions
comportementales, verbales et corporelles débouche sur des réseaux de communication qu’il est particulièrement
fructueux.
Valuation d’un graphe : un graphe valué est un graphe auquel est associée une application de ses arcs U dans
l’ensemble des nombres réels. Il est possible d’identifier les canaux de communication préférentiels, les individus
les plus actifs, les interlocuteurs les plus recherchés et la constitution de sous-groupes.
Valuation des attentes : il s’agit de choix allo-empathiques, c’est-à-dire de choix d’autrui à l’égard d’autrui. La
transcription ici du graphe valué en matrice est très évocatrice. Les valences obtenues indiquent l’intensité
groupale de chaque présomption de choix. Des éléments sur les groupes d’appartenance et groupe de référence
peuvent être dégagés.
Les interactions intragroupales des sujets ont entraîné des catégorisations sous-groupales porteuses d’une
perception de nouvelles attributions individuelles. Cela témoigne d’un entrelacement des phénomènes
relationnels.
Il est possible de généraliser ces résultats. Les fréquences peuvent être converties en probabilité et cela peut
déboucher sur des modèles prédictifs. On établit des graphes et des matrices qui donnent en termes de probabilité
des conduites relationnelles. La matrice de transition fait intervenir la notion de temps et permet de mesurer
l’évolution des relations groupales.
B. Quelques propriétés fondamentales
La vulnérabilité : elle prend en compte la fragilité d’un graphe à l’égard de sa connexité. Un graphe connexe est
dit vulnérable lorsqu’il suffit de retirer un sommet (ou un petit nombre de sommets) pour désagréger le groupe.
Rôle majeur des personnages clés. Certains sommets recèlent manifestement une valeur stratégique particulière.
La proximité : Les propriétés de voisinage et de distance jouent un rôle essentiel dans les problèmes de
communication. Alex Bavelas (1948) a été le premier a avoir abordé la question de façon opératoire. Il analyse
les réseaux comme des graphes dont il prend en compte les chemins et les distances. ….
La centralité : Un réseau centralisé et un réseau décentralisé offrent des ressources relationnelles différentes. Il est
donc important d’évaluer la centralité relative de chaque sommet au sein de ce réseau, par exemple sous forme
d’indice. Les premiers travaux sur cette question ont été menés par A. Bavelas, Harold Leavitt, Franck Harary et
perfectionnés par Claude Flament (1965). Il faut noter que la notion de centralité est assez relative (selon que l’on
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considère un cycle ou une clique), mais c’est bien la proximité minimum d’un seul sommet relativement à tous les
autres qui fonde le maximum de centralité.
L’indice de centralité est égal au rapport entre la somme des distances Si de ce sommet et la somme des distances
Sg du graphe. Il est possible de calculer l’indice brut de centralité et plus la valeur de l’indice est faible plus la
centralité est accentuée. On constate que plus un graphe est centralisé, plus il tend à devenir vulnérable : la
suppression du point central désorganise l’ensemble du groupe.
La densité : elle est appréciée par la quantité des liaisons réciproques. Très simplement, il peut être calculé par le
rapport entre l’effectif des arêtes et l’effectif des sommets du graphe, pour avoir le nombre moyen de liaisons
réciproques.
En sociométrie, on lui préfère le rapport entre l’effectif des arêtes à l’ensemble des dyades possibles (J.H.
Crisswell et U ; Bronfenbrenner).
Parlebas suggère plutôt l’indice d’interaction socio-affective, déjà étudié.
La compacité : mesurée par l’organisation des arêtes, elle prend en compte la configuration du réseau et
l’entrelacement des choix réciproques. L’indice de compacité compris entre 0 et 1, est associé à tout graphe
symétrique et connexe (1= représenté par un graphe dont la somme des distances est la plus faible, clique dont les
sommets sont voisins / 0 = il s’agit d’un graphe chaîne).
La mesure de compacité d’un graphe G d’ordre n va s’appuyer sur la somme des distances Sg de ce graphe.
C. Equilibre dans les sociogrammes
Fritz Heider est considéré être à l’origine du thème des attitudes et des relations sous l’angle de l’équilibre en
1946, même si dès 1945, Claude Lévi-Strauss traite de la relation de parenté. On peut penser qu’il donne
l’impulsion de l’analyse en terme d’équilibre, même s’il ne l’utilise pas. Toute organisation parentale se construit
à l’aide de « l’atome de parenté », structure élémentaire reliant quatre terme constants (enfant, père, mère et
oncle), sur le mode positif ou sur le mode négatif.
Les travaux de Heider traitent des attitudes tant orientées vers les objets que vers les personnes. Un progrès décisif
fut apporté par les travaux de Cartwright et Harary (1956) puis par ceux de Flament (1963) interprétant l’équilibre
dans le langage de la théorie des graphes.
La notion d’équilibre comporte un réel intérêt car ses propriétés techniques et abstraites peuvent être traduites sous
une forme simple et suggestive.
L’analyse de l’équilibre des sociogrammes répond à deux aspects complémentaires :
-un aspect de diagnostic, le regroupement des affinités et des hostilités témoignent des grandes plages socioaffectives du groupe, alliance profonde et rivalité notoires. Les « noyaux durs » du tissu relationnel sont mis à
jour.
- un aspect de pronostic : permet de dégager la dynamique d’évolution à partir des hypothèses avancées par le
sociométricien, c’est l’intérêt même selon l’auteur de l’analyse en termes d’équilibre.
D’une façon générale, l’équilibre est un gage de stabilité. En revanche, un sociogramme déséquilibré paraît voué
au changement (n’est-il pas discordant que l’ami de mon ennemi soit mon ami ?).
Souvent les réseaux évoluent en se rapprochant du modèle d’équilibre. Les situations équilibrées jouent un rôle
d’attracteurs vers lesquels semble attirée la majorité des sociogrammes. Pourtant, l’équilibre n’est pas toujours
atteint et n’est pas toujours souhaitable. En effet, le cas trivial de l’équilibre (où toutes les relations seraient
positives) n’est pas totalement utopique. Les liens discordants peuvent dans certains cas déverrouiller le blocage
entre coteries, et provoquer une redistribution des attraits. Ce sont alors les liaisons déséquilibrantes ou
affaiblissantes qui deviennent renforçantes et créent des affiliations nouvelles et donnant plus de souplesse.
D. Equivalences structurales
Il s’agit d’organiser en sous-catégories les configurations parfois trop foisonnantes. Cette simplification est une
recherche d’équivalences. Le sociométricien cherchera un « résumé » qui soit maniable, opératoire et qui fasse
perdre le moins d’information possible. On peut distinguer les analyses à l’intérieur de chaque réseau des analyses
entre les réseaux.
Pour apprécier les équivalences à l’intérieur d’un réseau, Alain Degenne propose le « raisonnement contextuel »
qui insère la personne dans son contexte, prenant particulièrement en compte les stratégies subjectives de chaque
acteur social. Dans un réseau, les individus peuvent être regroupés en fonction de plusieurs variables, mais les
classes d’équivalence peuvent être identifiées à l’aide de trois données complémentaires :
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-les composantes f-connexes des choix réciproques. : Un graphe peut être constitué d’une seule ou de plusieurs
composantes f-connexes qui définit un sous-groupe (tous les sujets sont liés par une chaîne d’amitié).
-les arêtes négatives. : les liaisons réciproques de rejet soulignent les hostilités interindividuelles marquantes qui
définissent les barrières entre groupes.
- le tableau sociométrique et son découpage optimum. En s’aidant des indices de cohésion qui révèlent les
connivences intra-sous-groupales et les répugnances inter-sous-groupales, le sociométricien recherche la
diagonalisation du tableau la plus satisfaisante, celle qui maximise les cohésions internes et les oppositions
externes. Cela peut contribuer à établir une nouvelle disposition des lignes et des colonnes.
La lecture du tableau permet d’identifier les pavages positifs les plus denses, révélant la présence de sous-groupes
et par complémentarité, de déduire de repérer les pavages négatifs. Ces faisceaux de liaisons inter-sous-groupales,
ou co-cycles sont riches d’information.
Proposer le découpage optimum correspond aux sous-groupes identifiés qui définissent les classes d’équivalence
retenues.
Pour apprécier les équivalences entre réseaux, on cherche l’équivalence d’équivalences.
« L’isomorphisme » représente le modèle le plus parfait de l’équivalence : idée que la correspondance est parfaite
entre les deux réseaux, même effectifs (bijection) et liaisons identiques terme à terme (cas de transfert de
structure).
Lorsque les correspondances sont moins rigoureuses, qui respectent la nature et la disposition des faisceaux de
relations mais non les effectifs de sommets et d’arêtes, on parle de « morphisme ».
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