religieux. L’enseignement du catéchisme se scolarise (manuels, leçons, questions-réponses).
Ce qui était fondé sur une relation de personne à personne, d’apprentissages par imitation
dans le cadre de métiers, devient l’objet d’une transmission. Le maître et l’élève sont soumis à
des règles impersonnelles qui les dépassent, dans un espace clos où les apprentissages sont
réglés et ordonnancés. Il y a donc un lien entre forme scolaire et forme politique, la mutation
des formes d’exercice du pouvoir entraîne dans son sillage la généralisation de la forme
scolaire de transmission.
« Tout mode de socialisation, toute forme de relations sociales implique à la fois
l’appropriation de savoirs (constitués, objectivés, systématisés) et l’apprentissage de
relations de pouvoir. »
Dans cette codification, la forme scripturale scolaire joue un rôle
fondamental, elle instaure en même temps un rapport distancié au langage et au monde. C’est
une différence très importante avec les formes de transmission des sociétés orales (où savoir-
faire et savoir être sont confondus). Dans le mode de relation oral, les savoirs sont incorporés
par l’apprentissage de situation en situation, de génération en génération. Il ne s’agit pas là de
voir un simple progrès avec le remplacement d’une forme par l’autre. Formes sociales orales
et scripturales coexistent toujours dans une situation de formation, mais leurs caractéristiques
sont différentes.
Les formes sociales orales de transmission sont toujours locales, toujours
contextualisées. Rien des règles qui font le groupe n’apparaît aux yeux des êtres sociaux, ils
les possèdent et les produisent, mais sont surtout possédés par elles. Les implications
cognitives de ce mode de connaissance sont difficiles à cerner, les savoirs et savoir-faire
n’existent que dans l’action. « Le corps croit en ce qu’il joue, il pleure s‘il mime la tristesse, il
ne mémorise pas le passé il l’agit le revit ». Dans ce cas, la transmission est coûteuse en
répétitions très normées, en imitations du fait du caractère peu formalisé des savoirs transmis.
Il est possible de codifier, dans le cadre scolaire ou formatif, une partie des
fonctionnements oralisés. C’est ce que pratiquent des pédagogies telles que celles de Freinet
et la pédagogie institutionnelle. De la même manière, l’animation participative de groupes de
formation qui intègrent dans leur dispositif la régulation des activités.
Identité, imaginaire collectif et occupation sociale des postes.
F. Muel Dreyfus, Le métier d’éducateur, Minuit, 1987
Identité professionnelle : Première approche, la rencontre entre l’histoire sociale d’un poste
et les générations successives qui l’occupent. « L’histoire de la genèse d’une profession est
aussi celle d’une occupation au sens militaire du terme, d’autant plus que ce moment est un
moment de lutte entre l’individu et le poste, lutte dont l’issue n’apparaît évidente qu’après
coup, une fois l’histoire faite, les hommes et les femmes disparaissant au profit de figures
mythiques » F. Muel Dreyfus, p. 9 Le métier d’éducateur, Minuit, 1983.
Les individus se font en faisant le poste. Il est important de faire à la fois l’histoire
sociale d’un poste et celle sociale, familiale individuelle de celui qui l’occupe. Ceci est vrai
pour les origines mais ensuite les générations successives produisent de nouvelles manières
d’occuper les postes qui eux-mêmes changent de support institutionnels, de missions
assignées…etc. A travers cet ouvrage F. Muel Dreyfus effectue ce travail pour les professions
d’instituteur et d’éducateur spécialisé à travers leur opposition fondatrice.
Op. cit., p. 20