Comment "relire" le Capital aujourd`hui

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Congrès Marx International V - Section philosophie, colloque Capital – Paris-Sorbonne
et Nanterre – 3/6 octobre 2007
Frieder Otto Wolf
Comment relire’ le Capital aujourd’hui?
(Notes pour un discours oral)
Il faut être radicalement matérialiste => cesser de se raconter des histoires!
1) pourquoi lire le Capital
cesser les ‘end-games’ idéologiques -> occasion/défi de s’adresser à la chose même (res/causa)
c’est-à-dire, d’abord, qu’il ne s’agit plus de prendre parti dans les conflits de ‘l’age des révolution’
ouverte par 1917 (stalinisme-trotskyisme-maoisme-marxisme occidental, etc.)
c’est-à-dire, puis, qu’on se doit reférer maintenant
à l’objet réel qui est la domination du mpc dans la la conjoncture actuelle globalisante de cette
domination
à l’objet de connaissance qui est l’ensemble des idées que nous possédons (ou qui nous
possèdent) sur cette domination et sur la conjoncture actuelle de la configuration mondiale de sociétés
qui lui donne son corps
Et plus fort, encore: le Capital contient encore les instruments théoriques les plus puissants qui existent
pour s’adresser à cette tâche (contre la ‘révolution néoclassique’, le keynesianisme et son contrecoup
‘néolibéral’, mais aussi contre les marxismes ‘stagistes’ qui essayaient de s’y adapter en renvoyant
Marx à un stage ‘passé’
Au lieu de faire encore des efforts pour adapter la problématique critique de Marx à celle de
l’économie classique ou néoclassique ou bien de de se retirer à une critique philosophique hors des
horizons de l’économie, il faut développer des instruments pour critiquer la révolution théorique de
l’économie néoclassique à partir de la critique que Marx a articulé à partir de l’économie politique
‘classique’, ainsi que pour critiquer l’ensemble des sciences humaines et sociales comme elles se sont
développées à partir du fin du 19e siècle.
Par ce que la domination du mpc est bien avec nous, encore – à travers de toutes ses modulations
historiques – bien que nous avons du comprendre qu’il y a aussi d’autres structures de domination
(dans la dimension du gendre le ‘patriarcat’, dans la dimension de l’environnement le ‘productivisme’,
líé, mais non pas identique au mpc) qui ont même éclipsé (erronément) la domination capitaliste au
moment de la postmodernité
2) Pourquoi relire le Capital aujourd’hui?
Argument philologique:
Avec l’édition de la MEGA² on dispose maintenant, pour le public scientifique en général, de
(presque) tous les textes – textes de préparation, ébauches et plans, excerpts – qui constituent l’énorme
chantier de l’œuvre inachevé de Marx, dans lequel il a voulu dévoiler ‘la loi économique de
développement des sociétés modernes’
Il est donc possible, finalement, de s’en approprier les problématiques et les arguments (et non pas de
références autoritaires à des verba magistri) - sans passage obligée par les grilles d’un rédacteur qui
essayait d’en faire un texte définitif:
Congrès Marx International V - Section philosophie, colloque Capital – Paris-Sorbonne
et Nanterre – 3/6 octobre 2007
Il faudra comprendre qu’il y a pas de réponses définitives dans le champs des rédactions, sauf dans la
reconstruction effective des lectures de l’écriture de Marx et de l’état effectif des papiers qu’il a laissé.
Même pas la question élémentaire de la «Ausgabe letzter Hand» (3e et 4e édition allemande, édition de
Française de Roy) peut rencontrer une réponse univoque et définitive. Il faudra s’y accoutumer à une
pratique de lectures ‘en parallèle’, entre les différentes versions, différemment autorisés. Et y ajouter,
ce que l’on pourra gagner en compréhension par la reconstruction des quelques ‘chemins de
recherche’ parcourus par Marx, dont les traces se trouvent dans ces manuscrits.
Premier résultat – c’est bien un projet contre-productif d’essayer d’en produire une rédaction
définitive, de construire une version autoritative ‘complétée’ du Capital
Argument epistémologique:
On peut déjà voir maintenant que la longue liste de tentatives pour reconstruire le Capital en tant que
présentation d’une théorie achevé n’a pas eu de résultat convaincant (on peut prendre exemple des
réconstructions présentées ce matin – par Arthur, Bidet, Haug et Postone)
Le débat de ce matin en a présenté toute la richesse, comme elle a été developpée dans les dernières
décennies (à partir du mouvement de lecture du Capital qui a commencé dans les années 1960, dans
lequel Althusser et ses collaborateurs ont fait une des premières grandes interventions, sans l’avoir
déclenché).
Mais il a aussi exhibé très clairement l’embarras de cette richesse: Ce qui a été produit n’est pas une
reconstruction théorique du Capital, mais une pluralité de reconstructions mutuellement exclusives –
de la reconstruction de Backhaus dans le cadre d’une philosophie transcendentale renouvelée ou de
Chris Arthur dans le cadre d’une philosophie hégélienne modernisée via les reconstructions de Dieter
Wolf dans le cadre d’une explication immanente des argumentations de Marx conçue comme le
Durchbruch, la percée, vers une approche scientifique et matérialiste de la réalité, de Tran Trac Hai
dans le cadre d’une reprise des débats marxistes sur l’économie politique, de Wolf Haug dans le cadre
d’une reconstitution militante et intelligente d’un matérialisme historique dans la tradition du
marxisme historique, jusqu’aux reconstitutions de Moishe Postone et de Jacques Bidet dans le cadre
de nouveaux théories compréhensives des sociétés modernes.
Il serait naif, il me semble, d’essayer de s’en débarasser en éliminant toute lecture qui y apporte du
sien, ne retenant que les lectures (du type de Dieter Wolf) qui ne cherchent que reconstituer, dans les
mots mêmes utilisés par Marx, ce que Marx a eu l’intention de dire et qu’il ne réussissait pas ou, pour
le moins, pas parfaitement. En réalité, ce genre de ‘texte intentionel’ est introuvable – il n’y a pas
d’énoncé qui n’est pas conjoncturel et ‘teinté’ par sa conjoncture. Donc, ce genre de lectures
‘objectives’ n’appellent que le souci d’en trouver le ‘Mitgebrachtes’, l’apport du lecteur/de la lectrice,
caché, comme dans une lecture ‘coupable’ et ‘située’ non avouée (cf. Althusser, [concept de la lecture]
cf. Derrida, La pharmacie de Platon).
Second résultat – c’est aussi bien un projet contre-productif d’essayer d’en produire une
reconstruction épistémologique complète, la version définitivement achevée d’une théorie resté
effectivement inachevée – et non pas seulement au niveau de sa formulation effective qui nous est
donné par la philologie.
Argument politique 1:
Après la disparition du stalinisme en tant que ‘socialisme réel’, l’emprise théorique du ‘marxismeléninisme’ sur les lectures du Capital est, elle aussi, en voie de disparition.
C’est-à-dire qu’il n’y a plus de critères prédéterminés pour les lectures du Capital – sauf celles qu’on
peut trouver dans son ‘objet’
##lutte de classe dans la théorie -> philosophie, à distinguer de la démarche de la recherche
scientifique (même ‘oppositionnelle’ [Goldmann]) ##
Reprendre toute la richesse des recherches inspirées par l’entreprise de Marx dans le Capital dans une
lignée de recherches concrètes originales en économie politique marxiste – qui s’étend de pex.
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Kautsky et Luxemburg via Hilferding, Boukharine, Baran/Sweezy et Mandel jusqu’à Aglietta,
Duménil, Wallerstein, Brenner et Meiksins Wood.
Sans continuer à être pris dans les simplifications problématiques dont il se sont accompagnées – déjà
par leur passage d’une critique de l’économie politique à une économie politique alternative, mais ne
s’arrêtant pas là, pex. en se subordonnant à l’idée positiviste de la science, à ‘l’individualisme
méthodologique, à l’idée de l’homo economicus, aux notions ‘omni-historiques’ du ‘marché’, du
‘pouvoir’ et des échanges.
Troisième résultat - on peut se libérer du cauchemar d’une science prolétarienne, d’une théorie
faussement partisane, pour avancer dans des recherches scientifiques (et des initiatives politiques)
effectives, en payant le prix d’une réflexion critique créative qui n’aura pas d’usage pour les pensées
‘philosophiques’ préfabriquées.
Argument politique 2:
Avec l’émergence d’un nouveau ‘mouvement des mouvements’ contre le mpc – à partir de la fin du
siècle dernier (cf. dos Santos 2006) nous commençons aussi de sortir d’un certain académicisme qui
perd de vue les enjeux pratiques de son travail critique ‘en théorie’, bien visible ici dans l’absence
d’un grand débat sur la crise structurelle en cours au niveau global – qui entre-ouvre, au moins, une
perspectives de pratiques politiques subversives et transformatrices de la configuration des structures
de domination en place.
Mais ce même mouvement des mouvements’ nous fait comprendre aussi les impératifs catégoriques
de comprendre la spécificité de l’exploitation capitaliste dans la pluralité des dominations et des
résistances et de comprendre la finitude des processus politiques, avec les poids (impact) divers que
ces forces peuvent déployer.
Il nous fait donc comprendre qu’ une politique engagée, une science critique et une philosophie de la
transformation sont bien liées, mais ceci tout en obéissant à des logiques intellectuelles diverses
Quatrième résultat – il nous faudra une lecture du Capital en tant que théorie finie, capable d’un
échange fructueux avec d’autres théories finies, comme l’écologie politique ou la théorie politique des
relations de gendre – qui laisse l’espace libre à une réflexion philosophique de préparation, de
l’accompagnement, et de la mise en pratique qui restera toujours conjoncturel, d’intervention limitée et
provisoire – et, en dernière instance, inconclusive.
Ces résultats peuvent être mépris pour des renonciations devant la tâche urgente de l’analyse de la
conjoncture présente, qui nous présente bon nombre d’occasions de reprendre et de prolonger des
analyses de Marx.
Mais j’affirme bien le contraire: Que seulement une telle lecture sans illusions nous permettra de la
relever d’une manière efficace – ‘sans nous raconter des histoires’ – pex. sur les ‘stages historiques du
capitalismes’, comme elles ont été invoqué pour décréter que les analyses critiques de Marx sur la
domination et le reproduction du mode de production capitaliste se refèrent au ‘capitalisme du 19e’ et
qu’il nous faut maintenant autre chose ‘dans la théorie’ - que pex. «le léninisme est le marxisme de
notre époque» (Staline).
3) Reprendre les questions d’Althusser de 1965
Sur ces bases nous pourrons reprendre les questions que Louis Althusser a posés en 1965 (sans nous
obliger de reprendre aussi ses thèses de travail souvent bien hardies). Je les prendrai en sens inverse,
commençant par la dernière de ces questions:
«l’objet du Capital»
Dès la première phrase du Capital Marx nous indique clairement ce qui est l’objet spécifique de son
analyse: c’est bien le ‘mode de production capitaliste’ et sa ‘domination’ – la traduction Française
courante nous donnant ‘règne’ est trivialisante en relation au texte Allemand qui nous donne
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‘herrscht’, c’est-à-dire ‘domine’. L’expression ‘capitalisme’ n’est utilisé que rarement par Marx (cf.
MEW 24, 123; MEW 26. 2, 493)1, a été inconnu de l’économie politique classique, introduite
seulement au 19e siècle dans les écrits de Proudhon et de Louis Blanc, pour articuler un anticapitalisme plus instinctif que théorique, et popularisé par un Werner Sombart (‘Der moderne
Kapitalismus’, 1902) dans son passage du ‘marxisme’ des ‘Jeunes’ des années 1880 vers la ‘science
allemande’ critiquée par Luxembourg.
Cette expression présente l’inconvenient majeur de difficulter la distinction entre le mpc et les
sociétés, dans lesquelles il domine – et, par conséquent, entre la reconstruction théorique du mpc qui
est l’objet du Capital et les formations sociales et historiques concrètes comme elles sont l’objet des
écrits ‘politiques’ de Marx et Engels qui s’adressent à l’analyse d’«ein Stück Zeitgeschichte».
A partir de la reformulation philosophisante de la ‘materialistische Geschichtsauffassung’ de Marx et
Engels dans une philosophie de l’histoire universelle sous le nom de ‘historischer Materialismus’ qui a
commencé avec Franz Mehring et Plekhanov, ceci a encore créé le faux problème d’une relation
constitutive entre le Capital et cette philosophie de l’histoire qui a été déconstruit par les recherches
d’Althusser et Balibar sur ce ‘matérialisme historique’ et spécifiquement sur le statut du concept du
‘mode de production’, d’un côté, et l’élaboration spécifique de l’idée de l’objet de la ‘critique de
l’économie politique’ par la ‘nouvelle lecture de Marx’ en Allmagne occidentale à partir des années
1960, de l’autre (sur les rencontres maintenant possibles entre ces deux lignées cf. Lindner 2007). Il
me semble acquis que le concept du mpc, dûment élaboré, peut prendre la place des formules
provisoires prises des travaux préparatoires de Marx, comme elles dominent encore dans la tradition
allemande (pex. das Kapital im Allgemeinen, das Kapital im idealen Durchschnitt, der reine Begriff
des Kapitals): Le concept de la de reproduction qui est acquise par le mpc en tant que configuration et
processus de formes et de métamorphoses permet d’articuler théoriquement structure générale,
dominante et incorporée de manière particulière dans toutes les sociétés moderne, avec leur diversités
dans le temps et dans l’espace, c’est-à-dire historiquement et géographiquement. Comme il s’agit
d’une structure de ‘formes de mouvements’ pour une contradiction élémentaire qui est médiatisé
(vermittelt) qui n’est pas close mais bien ouverte à des formes de médiation additionnelles (dont Marx
signale la société à action qui replace les ‘capitalistes en personne’ et je crois qu’on pourrait pex. aussi
se référer à la concurrence ‘monopoliste’ ou au ‘capital financier virtuel’), cette structure est bien
générale, mais pas du tout ‘inflexible’.
Il ne s’agit donc pas de tomber victime au classifications de Sombart (et essayer de déterminer les
charactéristiques décisives d’un ‘Spätkapitalismus’, d’un ‘capitalisme tardif’ qui est une construction
idéologique), pour éviter une crispation dogmatiques aux analyses théoriques élaborées par Marx.
Mais il s’agit bien d’en tirer le maximum de compréhension théorique possible, en s’y appuyant pour
les pouvoir prolonger dans la reconstruction de formes de médiation nouvelles. De même, dans cette
perspective, il semble maintenant possible de penser des modulations historiques de cette domination
du mpc dans les sociétés modernes qui ne sont pas liées à des formes de médiation nouvelles
introduites dans les pratiques économiques, mais qui proviennent des relations du mpc avec son
‘autre’, comme il a été réfléchi de Rosa Luxemburg à David Harvey.
Pourtant, au lieu de concevoir cet ‘autre’ seulement dans une perspective temporelle ou spatiale, il
semble urgent de réaliser qu’il y a aussi des ‘autres systémiques’ qui se basent sur des contradictions
différentes dont les formes de mouvement et les métamorphoses sont partiellement encore à décrypter
et à reconstruire dans nos sociétés modernes – comme surtout les relations de gendre ‘patriarcales’ et
les relations ‘industrialistes’ des écologies politiques humaines à la biosphère terrestre, qui exercent
des types de domination voisins à celle du mpc.
Dans une analyse d’un processus historique particulier – ou bien dans la fameuse ‘analyse concrète de
la conjoncture donnée’ – nous avons donc toujours affaire à une configuration de structures
dominantes, dont le mpc n’est qu’une, bien que, comme le vieux Engels a bien vu, d’un poids
spécifiquement lourd. Ce qui est, d’ailleur, à voir concrètement – pex. prenant toute la mésure de
l’argument de l’économie féministe sur l’étendu ‘invisible’ de la ‘caring and provisioning economy’,
largement exercée sous des formes de travail directement non-payé.
Il semble que Marx – en dehors des occasions plutôt journalistiques où il employait une expression entretemps
courante sans investissement théorique – a employé l’expression ‘capitalisme’ surtout dans le contexte des
articulations de la perspective de dépassement de la période historique dans lequel dominait le mpc.
1
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«Le procès de présentation»
Il semble acquis que le processus de présentation de la théorie de Marx, bien qu’il se démarque
clairement de la démarche hégélienne par son insistance – à partir de son échec dans une première
tentative de présentation (la fameuse ‘Urfassung’ du Capital) – sur la nécessité de respecter ‘les limites
de la présentation dialectique’ (cf. Wolf 2006), est au niveau philologique indissociablement lié à
l’utilisation d’instruments de présentation ‘pris’ de la logique de Hegel.
Ce qui ne constitue pas du tout une réponse à la grande question centrale au débat sur la ‘méthode de
présentation’ de Marx: Est-ce qu’il sera possible de la ‘traduire’, sans perte substantielle, dans des
langages théoriques moins particulières que cet ‘universalisme’ philosophique hégélien? Pex. dans un
langage compatible avec la logique moderne comme elle s’est développé dans la deuxième moitié du
19e siècle (Frege), et s’est généralisé dans les sciences avec Russell et Whitehead?
Une réponse affirmative à cette question aurait l’avantage de permettre à la recherche scientifique
marxiste (enfin aussi au niveau de son articulation épistémologqiue) de réaliser, ce qu’elle déjà
longtemps effectué dans les faits, sa sortie du ghetto philosophique dans lequel elle a été enfermé
autant par le stalinisme théorique que par ses critiques hégélo-marxistes.
Il me semble que cette réponse affirmative peut maintenant être donnée – sous une condition pourtant:
de laisser tomber le projet d’une reconstruction complète de la ‘totalité esthétique’ du Capital que
Marx avait vaguement dans sa tête – avec son côté métaphorique et performatif qui incitait le lecteur à
se rebeller contre l’empire de la mort, l’enfer, constitué par le mpc, ainsi qu’avec sa manière de
reprendre la structure interne du ‘savoir absolu’ hégélien, reconstituant son propre point de départ
comme le dernier résultat de sa reconstruction théorique – sans laisser tomber l’idée d’une ‘spirale’ de
reconstruction, qui ne doit pas être méprise pour un simple ‘cercle’.
Mais ceci ne serait autre chose que perdre les illusions: qu’une telle politique de la métaphore pourrait
être suffisante pour conduire une politique effectivement réelle de transformation révolutionnaire, et
que le Marxisme pourrait se constituer en ‘savoir absolu’, en étant «tout-puissant parce que vrai»
(Lénine). Perdre ses illusions c’est toujours un gain – un progrès de savoir aussi bien qu’ un progrès
dans les attitudes pratiques possibles.
«Le concept de la critique»
La difficulté de ce concept est maintenant différente de celle à laquelle se confrontait Althusser en
1965: Il semble acquis, entretemps que le Capital de Marx n’est pas simplement un traité ‘d’économie
politique marxiste’, mais qu’il surmonte la problématique de ‘l’economie politique classique’ pour
constituer autre chose, une science véritable au lieu d’une science qui se trompe sur son objet, de
manière systématique. Mais il semble encore difficile de bien comprendre ce qui est, ce qui constitue
cette science: une science de l’histoire, donc le ‘matérialisme historique’ réalisé en discipline
scientifique (le premier Althusser) – ou bien une ‘ontologie de l’être social’ (Lukács), une
science/philosophie hégélienne de la modernité (de manières très diverses Chris Arthur, Moishe
Postone ou Jacques Bidet), une science transcendentale des conditions de validité (‘Geltung’,
Backhaus), un exercice qui reste au niveau de nos objets de connaissance, comme «mise en question
des catégories économiques que sont là» ou une analyse scientifique du mpc comme structure
commune réalisée sous des configurations singulières et surdéterminées dans les sociétés modernes. Je
laisse de côté toutes les lectures qui essayent de redonner au concept de ‘critique’, comme il est
opérativement réalisé dans les œuvres de Marx, un statut d’exercice philosophique à être pratiqué à
côté de la recherche scientifique.
Et je défend l’idée que seulement la compréhension générale d’une structure réelle sous-jacente qui est
capable d’expliquer la genèse des illusions manifestes sur son objet historiquement limitée et
qualitativement fini qui est le mpc réalisée dans les sociétés moderne est à même de rearticuler le
concept marxien de la critique.
Congrès Marx International V - Section philosophie, colloque Capital – Paris-Sorbonne
et Nanterre – 3/6 octobre 2007
Ceci implique aussi la nécessité impérative de penser la démarche scientifique de Marx et des
‘marxistes’ dans sa finitude – c’est-à-dire dans l’impossibilité de jamais se constituer dans une théorie
auto-critique achevée, et donc dans sa différence insupérable à la reflection inconclusive dont la
philosophie est capable. Ce qui ne la libère pas de la tâche d’un effort auto-critique toujours à répéter –
mais bien de l’illusion de pouvoir la poursuivre à son terme.
«Du Capital à la philosophie de Marx»
Je pense, après tant de tentatives échouées, qu’il est aussi temps d’abandonner le projet de reconstituer
la philosophie implicite de Marx.
Avec Étienne Balibar je pense que ce que nous pouvons effectivement trouver dans une telle
démarche, ce sont plusieurs tentatives de Marx d’articuler l’arrière-fonds de ses recherches par des
réflexions philosophiques – qui constituent, pour ainsi dire, plusieurs philosophies implicites de Marx.
Ce qui nous libère à la tâche de philosopher nous-mêmes pour être à la hauteur de nos avancées dans
les recherches scientifiques, spécialement sur l’histoire et les sociétés contemporaines, le rôle de la
domination du mpc dans le monde actuel, et les alternatives que les luttes actuelles pourraient y ouvrir.
4) Pour conclure, quatre mots d’ordre, pour dire ce qu’il faut pour pouvoir relire le Capital
aujourd’hui :




Continuer nos luttes anti-domination
continuer à «faire de la philosophie»
relire – lire d’une facon nouvelle
prolonger/continuer la recherche scientifique de Marx
[Pour lire un peu – en Allemand : Jan Hoff et al., orgs., Das Kapital neu lesen. Beiträge zur radikalen
Philosophie, Münster: Westfälisches Dampfboot, 2006, 370p.]
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