Sujet détaillé :
Problématique :
Les virus marins représentent une biomasse évaluée à 200 Mt de carbone, ce qui fait d'eux les
organismes les plus nombreux dans les océans (Suttle 2005). Une meilleure connaissance du
rôle du virioplancton est essentielle à l'approche de sujet aussi variés que la dynamique de
grands cycles biogéochimiques ou l'aquaculture côtière. Très peu de choses sont connues à
l'heure actuelle sur les virus de la composante autotrophe la plus importante sur la planète, le
phytoplancton, mais tout indique que les virus sont des acteurs majeurs de la régulation des
populations phytoplanctoniques. Les algues phytoplanctoniques du genre Ostreococcus, les
plus petits organismes photosynthétiques libres connus à ce jour (Courties et al. 1994),
forment une composante significative de l'écosystème marin (Not et al. 2004; Zhu et al.
2005), ont une répartition mondiale, et on en connaît une douzaine de souches récemment
caractérisées (Rodriguez et al. 2005). Différents éléments montrent clairement
qu’Ostreococcus est parasité par plusieurs souches de virus (voir plus loin). En outre, les virus
contribuent largement à la coévolution des interactions entre hôtes et symbiontes grace à des
échanges nétiques à divers niveaux (voir Filee and Forterre 2005; Lindell et al. 2005; et par
exemple, Grimsley et al. 1986; Gal et al. 1991, 1992; Riederer et al 1992). Nos données
préliminaires ainsi que des travaux sur des systèmes phytoplancton-virus similaires
(Schroeder et al. 2003) indiquent que des souches d'hôtes différentes ne sont pas sensibles de
la même façon à une souche donnée de virus. Il existe une compatibilité entre les différents
hôtes et les différentes souches virales, mais on ne sait rien de l'histoire coévolutive de ces
complexes d'espèces, or cela est essentiel pour comprendre comment évolue l'infectivité des
souches virales : est-elle phylogénétiquement contrainte ou davantage dépendante des
conditions écologiques ? Pour cela il est nécessaire d'étudier la coévolution hôte-virus. C'est
l'objectif principal de la thèse.
Objectif :
L'objectif de la thèse est d'abord de caractériser (incluant séquençage et annotation) ces
différentes souches de virus et d'établir leur patrons de spécificité envers les différentes
souches d'Ostreococcus (voir Schroeder et al. 2003). Pendant la thèse, de nouvelles souches
d'Ostreococcus pourront également être caractérisées. Par l'établissement de phylogénies ou
de réseaux phylogénétiques (e.g. Makarenkov et al. 2004) pour les hôtes (la totalité du
nome d’Ostreococcus est connu) et leurs virus, il sera possible d'étudier la coévolution de
cette association à l'aide de méthodes analytiques dédiées (Legendre et al. 2002). Cela
permettra de comprendre l'histoire évolutive de ce système picoalgue-virus et les facteurs qui
contrôlent la spécificité des souches virales (voir Desdevises et al. 2002b).
Méthodes :
La présence de virus infectant Ostreococcus est avérée : en milieu naturel, des observations
ont montré que des blooms d'Ostreococcus ont pu être "décimés" par des virus (O'Kelly et al.
2003). Nos observations prélimaires indiquent que des virus d'Ostreococcus sont présents en
Méditérranée et dans différents étangs côtiers, et qu'ils peuvent être isolés et cultivés en
laboratoire :
- des images de cellules d'Ostreococcus contenant des particules virales ont été réalisées
au microscope électronique ;
- une séquence d'ADN correspondant à une polymérase virale a été identifiée dans des
cultures d'Ostreococcus ;
- nous avons obtenus, en mélangeant de l'eau de mer ultrafiltrée à des cultures
d'Ostreococcus, des plages de lyse caractéristiques.
La caractérisation et l'étude des relations phylogénétiques des souches d'Ostreococcus seront
facilitées par la disponibilité de deux (bientôt trois) génomes complets d'Ostreococcus,
permettant la recherche aisée de marqueurs moléculaires si nécessaire. Jusqu'à présent,
l'utilisation de l'ADNr 18S, des ITS s'avère très informative, et nous envisageons de pouvoir
recourir à d'autre région du génome, comme l'ADNmt de la cytochrome-oxidase I.
En ce qui concerne les virus, en plus du séquençage, l'identification et les relations
phylogénétiques pourront être étudiées en se basant sur des marqueurs classiques comme
l'ADN de la polymérase virale et celui codant pour la capside (voir Scroeder et al. 2003).
Les profils de spécificité virus-hôte seront établis à l'aide d'une approche expérimentale.
L'étude des associations coévolutives entre deux groupes d'espèces est un problème qui
devient rapidement complexe quand le nombre de symbiontes par hôte est supérieur à un. Or,
c'est probablement le cas de l'association étudiée ici, comme le suggèrent nos observations et
ce qui est connu sur des systèmes similaires. Dans ce cas la plupart des méthodes d'études de
la cospéciation (e.g. Page 1994) butent sur le problème, mais il existe une méthode pouvant
être utilisée pour ce type de cas (Desdevises et al. 2002a ; Legendre et al. 2002). Cette
méthode a en outre l'avantage de pouvoir être utilisée si les relations phylogénétiques sont
matérialisées par des réseaux phylogénétiques et pas uniquement des arbres. Nous possédons
donc de nombreux outils pour une étude approfondie d'un système encore mal connu.
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