Histoire de la préhistoire

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Histoire de la préhistoire
La préhistoire est une science jeune, à la croisée de la géologie, de la paléontologie, de la biologie
et de l'ethnologie. C'est une discipline en construction, d'où l'importance de l'épistémologie (étude
d'une science et du développement historique de ses idées, de ses problématiques, de ses méthodes
et de ses théories).
Définition
Archéologie : « études relatives aux objets matériels qui peuvent éclairer, avec le concours éventuel
d’autres données, l’histoire et les modes de vie des hommes d’autrefois (événements singuliers,
activités quotidiennes, institutions, croyances, etc.). » (J.-C. Gardin 1979)
Préhistoire : « période chronologique de la vie de l’humanité depuis les origines jusqu’à
l’apparition des premiers textes » (Leroi-Gourhan (dir.), 1997)
Les prémices de l'Archéologie

Antiquité :
origine de l'Homme : mythique (division de l'histoire de l'humanité en 4 âges par Hésiode, 8eme s.
av. J.C.)
rapport avec les objets anciens : modèle (les fouilles de Nabonidus, roi de Babylone en 555-538
avant JC) ou collections (Pline l’Ancien (23 - 79 apr. J.-C.) traite des collections romaines de
« pierres de foudres » dans son Histoire naturelle).
quelques cas de raisonnements archéologiques (Thucydide et « les tombes des Cariens » )

Moyen Age
trois attitudes face aux vestiges anciens : sacralisation (reliques), diabolisation (destruction des
icones « païennes »), naturalisation (glossopètres et céraunies ).

Renaissance
temps des antiquaires, apparition du terme « archéologie » avec son sens moderne

début du XVIIIeme s.
découverte de Pompéi et d’Herculanum (travaux de Fiorelli : restaurer un tableau complet de la
vie romaine). Premiers travaux archéologiques et premières fouilles au sens moderne.
La préhistoire : élaboration du cadre scientifique (XVIIIeme-XIXeme s.)
Jusqu'au XVIIIeme s. inclus, cadre chronologique strictement définit par la Bible (la Terre a 6 000
ans). Doctrine créationniste (les espèces animales et végétales ont été crées par Dieu) et fixiste (pas
de changement des espèces).
Dans ce contexte : comment la perception de l’apparition de l’Homme sur terre a-t-elle
évoluée? Comment est née la Préhistoire?
Deux thèmes principaux :


ancienneté de la création du monde
date d'apparition de l'homme sur terre
apparition de la notion de temps géologique avec Buffon (1707-1788) qui recule considérablement
l'âge de la formation de la Terre (publie Histoire naturelle à partir de 1749)
hypothèse transformiste de Jean Baptiste de Lamarck (1744-1829) en 1908. Idée que les
espèces peuvent se transformer en suivant une évolution linéaire tendant vers la perfection.
Remise en cause du fixisme.

Vivion catastrophiste de Georges Cuvier (1769-1832) qui tente de concilier Bible et
observations scientifiques.
1800-1870 : début des recherches sur la Préhistoire

Jacques Boucher de Perthes (1788-1868)
Recherches dans les gravières des terrasses de la Somme à Abbeville (1830 et 1840). Au sommet de
la séquence : outils en silex poli associés à des espèces animales actuelles ; dans les niveaux
inférieurs : outils en silex taillé associés à des faunes disparues dites « antédiluviennes »
Dans Antiquité celtiques et antédiluviennes (première éditions 1847) conclut :


à la succession chronologique des deux industries
à l'existence d'un homme antédiluvien auquel il attribut une très grande ancienneté
théories très mal acceptées par l'Eglise. Forte résistance des milieux scientifiques jusqu'à la
validation de ses travaux par Lyell lors d'un discours en 1859.

Christian Jürgensen Thomsen (1788-1865)
Classement des collections du musée national de Copenhague et théorie « des trois âges » en 1836
(âge de la pierre, âge du bronze, âge du fer). Repose à la fois sur la typologie (analyse de la
forme des objets, classement en fonction des ressemblances, associations de types d’objets) et sur la
stratigraphie (position des objets dans les couches successives du sol).

Charles Darwin (1809-1882)
1859 : De l'origine des espèces. Idée d'évolution des espèces par la sélection naturelle et de
l'origine animale de l'Homme qui boulverse le dogme de la Création.
1870-1950 : la préhistorie comme discipline scientifique

John Lubbock (1834-1913)
précise la chronologie de Thomsen

âge de la pierre taillée (le baptise paléolithique ou âge de la pierre ancienne)
 âge de la pierre polie (le baptise néolithique ou âge de la pierre nouvelle)
 âge du bronze
 âge du fer
Or il apparaissait que les industries en silex taillé du Paléolithique étaient typologiquement
différentes les unes des autres et devaient s’ordonner chronologiquement.

Edouard Lartet (1801-1871)
Nombreuses fouilles dans la vallée de la Vézère en Dordogne. Différencie, au sein de l'âge de la
pierre taillée, quatre époques caractérisées par des fossiles paléontologiques :
 âge du grand ours des cavernes
 âge de l'éléphant et du rhinocéros
 âge du renne
 âge de l'aurochs
Mais cette approche chronologique par la détermination faunique est imprécise.

Gabriel de Mortillet (1821-1898)
Affirme que l’évolution des cultures est plus rapide que celle des faunes et propose de fonder la
chronologie sur la typologie des outils de silex et d’os (définition de fossiles directeurs), et de
nommer les différentes époques par le choix de gisements éponymes.
 Époque de Saint-Acheul (Somme) : Acheuléen
 Époque du Moustier (Dordogne) : Moustérien
 Époque de Solutré (Saône-et-Loire) : Solutréen
 Époque de la Madeleine (Dordogne) : Magdalénien
 Époque de Robenhausen : Robenhausien
vision d'une évolution des cultures linéaire et rigide, qui se heurte à de nombreux problèmes au fur
et à mesure de la multiplication des découvertes (exemple : la bataille aurignacienne qui l'oppose
à l'abbé Breuil, pour la reconnaissance de l'Aurignacien).
Recherches 1ere moitié du XXeme s. : axées sur l’établissement de chronologies régionales fiables.
Décrire et définir les différences entre les cultures, chaque culture occupant un segment défini de
l’espace et du temps, et se trouvant matérialisée par un certain équipement matériel.

Période dominée en France par l’abbé Breuil (1877-1961) et Denis Peyrony (1869-1954).
 nombreux travaux consacrés à la chronologie du Paléolithique supérieur et à l’art
paléolithique
 nombreuses fouilles surtout dans le sud-ouest de la France (notamment Dordogne)
 précisent la séquence du Paléolithique supérieur mise en place par de Mortillet
En France, peu de travaux sur le Néolithique

période dominée par le britannique Vere Gordon Childe (1892-1957)
 développe une large vision à l’échelle européenne pour tenter de corréler les différentes
chronologies régionales (1925 : The Dawn of European Civilisation )
 Introduit les concepts de « Révolution néolithique » et « Révolution urbaine »
1950-... : entre science dure et science humaine

1949 : première datation carbone 14 selon le principe découvert par Willard F. Libby
(1908-1980)

François Bordes (1919-1981)
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

affine l'approche typologique
caractère « buissonnant » des industries du Paléolithique moyen
 définition de différents faciès définis en fonction des proportions des types
d’outils (notion de listes types)
analyses statistiques
interprétation culturelle des faciès se succédant ou s’interstratifiant dans un même site
Lewis Binford (1930-)
développe la New Archaeology : volonté de renouvellement des problématiques et des méthodes
d'interprétation en archéologie
 rapprochement avec les méthodes des sciences exactes
 il ne s’agit plus seulement de décrire le passé et les civilisations qui l’ont animé, mais
d’en expliquer les changements, l’évolution, les processus. Cette visée nouvelle passe
par la formulation d’hypothèse et par la construction de modèles explicatifs. Analyse
des cultures en terme de systèmes.
 recherche des liens entre les systèmes (subsistance, technologie, organisation
sociale, idéologie, commerce, démographie…)
 importance des statistiques et de l'ethnoarchéologie

André Leroi-Gourhan (1911-1986)
Formé à l’école de l’ethnologie, il cherche à se donner les moyens de retrouver l’homme dans son
chez-soi, d’atteindre à une compréhension ethnographique des sociétés préhistoriques, en
cherchant à mettre en évidence la structure des anciens sites d’habitation, les activités qui s’y
déroulaient, en élaborant une esquisse de l’organisation sociale.

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
mise au point d'une méthode de fouille par décapage à plat de grande surface pour
retrouver les sols d'occupation
volonté d'un enregistrement exhaustif des témoins mis au jour
grande rigueur dans l’analyse spatiale des relations entre témoins
reconstitution des activités humaines à partir de la nature et de la position des vestiges.
Bibliographie
Demoule J.-P. et al, 2002, Guide des méthodes de l’archéologie. Éditions de la découverte.
Gardin J.-C., 1979, Une archéologie théorique. Hachette
Groenen, M., 1994, Pour une histoire de la Préhistoire. Jérôme Million.
Jockey P., 1999, L’archéologie. Éditions Belin
Leroi-Gourhan A. (dir.), 1997, Dictionnaire de préhistoire. Presses Universitaires de France.
Richard N., 1992. L’invention de la préhistoire. Une anthologie. Paris, Presses Pocket.
Schnapp A., 1998. La conquête du passé. Aux origines de l’archéologie. Le livre de poche.
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