mission et colonisation
ou encore l’idée que les missionnaires ne laissent pas les cultures
intactes, cherchant d’abord à convertir les populations et non à les comprendre
. Ces mises
en garde sont et restent utiles. Elles nous signalent au minimum que les apports fournis sur
l’initiation par l’anthropologie culturelle ne devront pas ici être simplifiés et réduits à des
simplismes, ils ne devront pas plus être instrumentalisés et sélectionnés à la rescousse d’un
projet évangélisateur pré-existant
.
2. Recherches sur l’initiation
Il est un fait que la catéchèse utilise de plus en plus le vocabulaire de l’initiation. Le
Directoire général pour la catéchèse (1997), stipule même que : « la catéchèse est un élément
fondamental de l’initiation chrétienne
». Le plus souvent cette utilisation du vocabulaire
initiatique se fait sans lien explicite avec les données recueillies par l’anthropologie culturelle
et travaillées en missiologie.
S’agissant des rapports entre initiation et catéchèse, le recours à la missiologie serait pourtant
bien utile. Nous voyons à cela trois motifs :
a) D’abord, il est aisé de montrer que l’histoire des missions est faite d’emprunts à des
patrimoines religieux exogènes au christianisme. Pour l’initiation, il est clair que le mot n’est
pas d’origine biblique et qu’il n’appartient pas aux tous premiers siècles chrétiens. Inscrit
dans la langue chrétienne à partir des IV° -V° siècles, il provient vraisemblablement des
religions à mystère, celle de Mithra et aussi de Cybèle. Henri Bourgeois rappelle aux
chrétiens que parler d’initiation, c’est « adopter un langage païen (…) Quand le christianisme
adopte le langage de l’initiation, il ne parle pas sa langue propre, mais celle de la société, celle
du monde
».
b) Ensuite, il est possible de montrer combien l’ensemble de la problématique de l’initiation
se déploie, se justifie et s’éclaire quand l’observateur veut comprendre comment l’initiation
s’inscrit dans une tradition religieuse précise, à condition que les procédés de la recherche
soient respectueux et dénués de relents prosélytes.
c) Enfin, la question dialogue interreligieux est devenue centrale dans la recherche
missiologique. Il faut dire que la missiologie a appris l’humilité et la modestie, elle sait
désormais que le dialogue avec d’autres traditions enrichit et questionne. Voici ce qu’écrivait
un missiologue il y a 50 ans. Je vous laisse juge du transfert possible de ce discours dans la
sphère de la catéchèse : « Il ne faut pas nous considérer comme donnant à d’autres qui
n’auraient qu’à recevoir, mais comme donnant à d’autres dont nous avons aussi à recevoir, et
peut-être beaucoup plus que nous n’aurons donné. L’amour n’est authentique entre nous que
F.B. WELBOURNE, “Missionary Stimulus and African Responses”, dans V. TURNERR (Ed.), Colonialism in Africa,
Cambridge, Cambridge University Press, 1971, p. 310.
Par ex., H. POWDERMAKER, Stranger and Friend – The way of an Anthropologist, New York, W. Norton, 1966, p. 43.
Sur les possibilités d’un dialogue contructif entre missiologie et anthropologie culturelle, voir : L.J. LUZBETAK, “Prospects
for a better Understanding and better Cooperation between Anthropologists and Missionnaries”, dans D.L. WHITEMAN (Éd.),
Missionaries, Anthropologists and Cultural Change, coll. Studies in Third World Societies, n° 25, Williamsburg, Dpt of
Anthropology, College of William and Mary, 1983, pp. 1-53 ; Fr. SALAMONE, “Anthropologists and Missionaries : Competition or
Reciprocity”, dans Human Organization, vol. 36, 1977, pp. 407-412 ; H.F. WOLCOTT, “Too true to be good : the Subculture of
American Missionaries in Urban Africa”, dans Practical Anthropology, t. 19, 1972, pp. 241-258 ; plus ancien, mais toujours utile A.
PERBAL, “L’ethnologie et les missionnaires”, dans Rythmes du monde, t. 5, 1950, pp. 3-4.
DGC, n° 66.
H. BOURGEOIS, Théologie catéchuménale, Paris, Cerf, 1991, pp. 112-113.