Mais revenons à notre objet. Si vous ne connaissez pas ce que je viens de dire
et ne pouvez en juger, comment oserez-vous, malheureux homme gonflé d’une
superbe diabolique, porter un jugement téméraire sur les mystères terribles de la
passion et de la vie du Christ, déclarés incompréhensibles par les docteurs
catholiques eux-mêmes ? Que signifie, insensé, ce bavardage vain et futile sur les
miracles innombrables, sur les signes, sur tous les témoignages éclatants par lesquels,
après le Christ, ses Apôtres, ses disciples, plus tard des milliers de Saints, ont, par la
vertu toute-puissante de Dieu, confirmé la vérité de la foi catholique et que la
miséricorde et la bonté toute-puissante de Dieu veulent qui se répètent encore de nos
jours dans le monde entier ? Et si vous n’avez rien à leur opposer, comme c’est
assurément le cas, pourquoi vous obstinez-vous ? Tendez la main, repentez-vous de
vos erreurs et de vos péchés, revêtez-vous d’humilité et soyez régénéré.
Il faut enfin en venir à la vérité de fait qui est réellement le fondement de la
religion chrétienne. Comment oserez-vous, pour peu que vous y fassiez attention,
nier la force de persuasion qu’elle tire du consentement de tant de myriades
d’hommes parmi lesquels il s’en trouve des milliers qui, par la doctrine, le savoir, la
subtilité vraie et la solidité de l’esprit, la perfection de la vie, vous dépassent et
dominent de cent coudées, et qui unanimement, d’une seule bouche, affirment que le
Christ, fils du Dieu vivant, s’est fait chair, a souffert et a été mis en croix, est mort
pour les péchés du genre humain, est ressuscité, a été transfiguré et, en sa qualité de
Dieu, règne dans les cieux avec le Père éternel uni au Saint Esprit, ainsi que les autres
dogmes se rapportant aux mêmes points. D’innombrables miracles qui ne dépassent
pas seulement l’humaine compréhension, mais sont contraires à la raison commune,
n’ont-ils pas été faits et ne continuent-ils pas de l’être maintenant encore dans l’Église
de Dieu, par le même Seigneur Jésus et, en son nom plus tard, par les Apôtres et les
autres Saints, grâce à une vertu divine et toute-puissante, et de ces miracles
d’innombrables indices matériels ne sont-ils pas jusqu’à ce jour répandus et visibles
dans tout l’orbe des terres ? Je pourrais aussi bien, à mon sens, nier qu’il y ait jamais
eu des Romains dans le monde antique, et que Jules César imperator ait remplacé
chez eux par un gouvernement monarchique la liberté républicaine qu’il avait
étouffée, sans me soucier en rien de tant de monuments accessibles à tous, qui
attestent encore de nos jours la puissance des Romains et sans avoir égard au
témoignage des plus graves historiens qui ont raconté dans leurs écrits l’histoire de la
république et celle de la monarchie romaine, en particulier les actes de Jules César,
non plus qu’au jugement de tant de milliers d’hommes qui ont vu eux-mêmes ces
monuments ou leur ont accordé ou leur accordent encore créance (d’innombrables
auteurs en affirment l’existence), de même qu’ils ont accordé et accordent encore
créance aux histoires visées ci-dessus. Ne pourrais-je en m’appuyant sur le principe
que j’ai rêvé la nuit dernière, croire que les monuments qui nous restent des Romains,
ne sont pas des choses réelles mais de pures illusions ? Et, pareillement, que tous les
récits qu’on fait des Romains, n’ont pas plus de valeur que les puérilités contenues,
dans les livres appelés romans, sur les Amadis des Gaules et d’autres héros
semblables ? Qu’il n’y a jamais eu de Jules César au monde ou que, s’il a existé, il a
été un maniaque, n’a pas réellement foulé aux pieds la liberté des Romains, ne s’est
pas assis sur un trône impérial, mais a été amené à croire qu’il a fait ces grandes
choses, soit par sa propre imagination délirante, soit par les flatteries de ses amis ? Ne
pourrais-je pas aussi nier radicalement que la Chine soit occupée par les Tartares, que
Constantinople soit le siège de l’empereur des Turcs, et une infinité de choses