Par-delà les croyances particulières et les pratiques propres à telle ou telle religion, ce qu’on
observe toujours, c’est la croyance au sacré associée à celle de l’existence d’un absolu.
Explications : pour l’homme religieux, la réalité au sein de laquelle il vit est coupée en deux :
d’un côté, il existe des objets, des lieux, des actes et des moments déterminés qui sont sacrés et de
l’autre, tout le reste appartient au profane, c’est-à-dire à ce qui n’est pas sacré précisément. Toute la
réalité n’est pas sur le même plan.
Ce qui est tenu pour sacré, c’est ce qui inspire des sentiments d’effroi, de terreur et de
vénération. Le sacré est donc subjectivement de l’ordre du sentiment.
Rq : Profaner, c’est traiter une chose sacrée comme si elle ne l’était pas, c’est-à-dire comme
une chose profane. Une profanation est donc un sacrilège : une atteinte au sacré.
La croyance au sacré est inséparable de la croyance en un absolu (par exemple un dieu, mais
aussi des forces surnaturelles), c’est-à-dire une réalité qui, à la différence de ce qu’on peut observer
dans le monde, n’est pas créée, n’est pas limitée dans le temps et l’espace, possède une force ou une
puissance qui dépasse tout ce qu’on peut trouver dans le monde. Cet absolu est extérieur au monde
(il le transcende) et il apparaît dans le monde.
Pourquoi ces deux croyances, celle au sacré et celle en un absolu, sont-elles solidaires ?
Quoique le texte soit un peu ambigu à ce sujet, il faut comprendre que ce qui est sacré au sens strict,
ce n’est pas l’absolu lui-même, mais les manifestations de cet absolu dans le monde, les objets, les
lieux, les actes et les moments au cours desquels l’absolu est présent dans le monde, entre en
contact avec le monde.
Exemples : Pour le totémisme, c’est le totem, c’est-à-dire les animaux ou leurs
représentations qui incarnent l’ancêtre fondateur du groupe ou un esprit bienveillant qui est sacré
précisément en cela qu’il est une incarnation, une figure de cet ancêtre.
Pour les religions monothéistes, on ne dit pas que Dieu est sacré, mais que les Textes dans
lesquels il exprime sa parole aux hommes par les prophètes sont sacrés ou que les rites qui le
convoquent ou l’invoquent (qui consacrent un objet, une personne, un lien, un lieu ou un temps)
comme le baptême, le mariage (les liens sacrés du mariage dit-on) ou les derniers sacrements. Les
lois divines, les symboles, les lieux de pèlerinages (en tant que lieux d’apparition, de révélation du
divin).
Les tombes, les sépultures sont sacrées, non pas parce que la mort est sacrée, mais parce
qu’elles sont des objets du monde qui figurent le point de contact entre l’ici-bas, la vie et la personne
défunte avec l’au-delà ou l’inconnu.
Cet absolu, à travers le sacré, remplit trois rôle : il rend réel le monde visible, le sanctifie et lui
donne sens et détermine la conduite humaine.
Il rend le monde réel. Ce monde-ci, y compris donc le profane, est donc relatif en tout point à
cet absolu. Le monde ne serait rien sans lui, n’existerait pas sans son intervention originelle et/ou
continue. Pour l’homme religieux, le monde visible ne forme pas la totalité du réel, il n’en est qu’une
partie et une partie de moindre importance : moins consistante, moins puissante, moins réel que
l’absolu. La réalité même du monde visible dépend de l’absolu.
Cette relativité du monde à l’égard de l’absolu est exprimée à travers des récits qui en font
l’origine du monde, de la vie et de l’homme, ainsi que l’expriment les récits mythologiques. Le récit
mythologique exprime ainsi sous une forme chronologique et événementielle la relation de
dépendance de toute chose à l’égard de l’absolu.
Il donne sens et valeur au monde. Mais cette relativité ne concerne pas que l’existence du
monde, de la vie et des hommes, elle concerne aussi leur valeur et leur sens : le monde, la vie et les