374 Katia Paykin, Fayssal Tayalati, Danièle Van de Velde
On dirait, dans le vocabulaire logique du 17ème siècle, qu’en passant de
l’adjectif au nom indénombrable, puis au même nom, mais dénombrable, on passe
de la qualité : nouveau, à la qualité substantivée / chosifiée (au sens où elle est
constituée en substance / chose) : la nouveauté (= « la propriété d’être nouveau »),
puis à la substance / chose qualifiée : une / des nouveautés (= « des choses
nouvelles »). Dans les exemples de (4) à (6), on observe cependant que
l’extension du nom dérivé est plus ou moins restreinte par rapport à celle des
sujets potentiels de l’adjectif de base : ainsi jeune peut s’appliquer à tout être
animé, mais jeunesse, comme nom dénombrable, ne dénotera que des humains, et
même, dans certains emplois, des humains de sexe féminin. Nouveauté, en
revanche, peut dénoter tout type de chose susceptible d’être qualifiée de nouvelle.
En outre, l’existence, pour un nom dérivé d’adjectif de qualité, d’un emploi
dénombrable est imprévisible : on a cet emploi avec jeunesse mais pas avec
vieillesse, avec saleté mais pas avec propreté, etc. Cette absence de régularité
dans l’emploi dénombrable de ces dérivés d’adjectifs, à signification concrète,
contraste fortement avec ce qui se passe pour les noms dérivés d’AEC.
1.2. Les noms dérivés d’AEC
Nous avons établi dans notre travail sur les adjectifs d’évaluation de
comportement qu’ils constituaient, en dépit des apparences, des prédicats de type
ILP. Les noms qui en dérivent sont donc, eux aussi, des noms prédicatifs du
même type, et, en tant que tels, essentiellement indénombrables quoiqu’ils aient,
eux aussi, des emplois dénombrables.
Ce qui complique la description de ces noms, dans leurs deux emplois,
indénombrable et dénombrable, est que les adjectifs correspondants peuvent
apparaître avec deux grands types de sujets, sans qu’on puisse pour autant dire
qu’ils soient polysémiques. On le voit en comparant les deux phrases suivantes :
(7) Jean est gentil de parler tous les jours à ma mère
(8) C’est gentil de la part de Jean de parler tous les jours à ma mère
Dans ces phrases, la gentillesse apparaît successivement comme une propriété de
Jean (cf. l’exemple (7)), puis d’un acte de Jean (cf. l’exemple (8)), sans qu’il y ait
entre elles la moindre différence de sens. Plus exactement, ce n’est pas l’acte
même de parler, accompli par Jean, qui est en lui-même gentil, puisque la phrase
(8) n’implique nullement que Jean parle à ma mère avec gentillesse. Ce qui est
gentil, c’est le simple fait de l’accomplissement par Jean de l’acte de parler.
L’agent n’étant agent que par l’accomplissement d’un acte, on comprend bien