Lettre bimensuelle n°53 (16-28 février 2011) Le but de SIDABLOG est d’exposer, par le biais de lettres d’informations bimensuelles accessibles à tous, le contenu d’articles scientifiques récemment publiés dans les plus importantes revues internationales. Comment l’interleukine-7 pourrait renforcer nos défenses L’une des caractéristiques du VIH est de persister au sein de l’organisme infecté. Pour cela, l’une de ses tactiques, c’est de neutraliser les défenses immunitaires. Cependant, ce mécanisme reste globalement mal compris. Les comprendre ouvrirait pourtant des voies thérapeutiques. De récentes études réalisées in vivo sur des souris infectées permettent justement de mieux saisir comment une protéine naturelle, l’interleukine-7 (IL-7), pourrait rétablir nos défenses immunitaires. En effet, les interactions entre le virus lymphatique chorimeningitis (LCMV) et le système immunitaire de la souris ressemblent à l’infection chez l’homme par le VIH. Ce virus entraîne des infections chroniques associées à une réplication virale massive. Comme dans le cas du VIH, il altère la réponse immunitaire qui pourrait l’éliminer. Différentes équipes de recherche utilisent donc ce modèle pour comprendre les interactions entre les virus à infection lente et le système immunitaire. Ces animaux de laboratoire sont notamment un outil précieux pour étudier les interleukines. Il s’agit de protéines naturelles qui servent de médiateurs entre cellules du système immunitaire. L’une d’entre elles, l’IL-7, permet de maintenir la quantité de lymphocytes T en stimulant la production de nouvelles cellules ou en agissant directement sur eux. On voudrait donc les utiliser pour surmonter les dégradations provoquées par certains virus. L’IL7 a déjà été testée chez des singes infectés ce qui a permis de réduire la charge virale, bien que l’on en comprenne encore mal le détail. Ainsi des chercheurs se sont penchés sur les effets biologiques de l’IL-7. Ils l’ont administrée à des souris infectés par LCMV clone 13 et ont étudié la réponse immunitaire associée. Ils ont en effet montré que l’IL-7 protège et restaure la réponse immunitaire : l’IL-7 permet d’augmenter le nombre de lymphocytes T, qu’ils participent à la réponse contre le virus ou non. Ils ont ainsi observé une diminution de la charge virale et ont mesuré une augmentation de la quantité d’autres interleukines, en particulier l’interleukine-221 qui protège le foie. Ces chercheurs ont également montré que l’IL-7 agit en réduisant le nombre de protéines cellulaires Soc3. Il s’agit de molécules qui inhibent la prolifération des cellules T. En dehors de toute infection, ces dernières sont nécessaires, mais en cas d’infection par le VIH, elles deviennent paradoxalement handicapantes. Il en va de même pour le facteur PD-12 qui dérégule les fonctions antivirales dans les cellules infectées. Celui-ci est bloqué par l’IL-7. Ainsi le traitement via l’IL-7 permet d’inhiber Soc3 et PD-1 : l’inactivation de ces deux régulateurs de la réponse immunitaire entraîne une augmentation du nombre et des fonctions des cellules T ainsi qu’une diminution de la charge virale. Ces données suggèrent que l’IL-7 pourrait être utilisée en traitement complémentaire des maladies virales chroniques liées au VIH ou au virus de l’hépatite C. Toutefois, rappelons qu’une autre interleukine, l’IL-2, a suscité un certain enthousiasme. Mais, paradoxalement, même si elle augmente le nombre de lymphocytes T CD4+, elle n’a pas d’effet sur la maladie : elle stimule également les lymphocytes T régulateurs (Tregs) qui affaiblissent nos défenses. Concernant l’Il-7, les chercheurs ont montré qu’elle limiterait la quantité de Tregs. Il faut donc suivre avec intérêt les travaux sur l’IL-7. 1 IL-7 favorise la différentiation des cellules Th17 source majeure de l’IL-22. 2 Voir lettre SIDABLOG n°36 et 45. IL-7 Engages Multiple Mechanisms to Overcome Chronic Viral Infection and Limit Organ Pathology. Pellegrini M, Calzascia T, Toe JG, Preston SP, Lin AE, Elford AR, Shahinian A, Lang PA, Lang KS, Morre M, Assouline B, Lahl K, Sparwasser T, Tedder TF, Paik JH, Depinho RA, Basta S, Ohashi PS, Mak TW. Cell. 2011 Feb 18;144(4):601-13. Vers des vaccins à base de protéines Des vecteurs viraux atténués (c'est-à-dire dénués de leur pouvoir de réplication) sont souvent utilisés pour développer des vaccins. Mais sont peu efficaces contre le VIH. Les vaccins protéiques pourraient cependant fournir une alternative, parce qu’ils sont faciles à produire et parce qu’ils peuvent être injectés de manière répétée. Pour être efficaces ces protéines virales doivent être délivrées à certaines cellules immunitaires, les cellules dendritiques (DCs). Pour ce faire, elles doivent être couplées à des anticorps qui visent efficacement et spécifiquement un élément présent à la surface de ces cellules. Ceci permet alors d’augmenter fortement la réponse immunitaire spécifique3. On sait aujourd’hui que l’on augmente son efficacité si on touche le sous-groupe des DCs CD8+. En effet, les essais réalisés sur les DCs CD8- se sont avérés peu efficaces. Pour rendre cette approche plus efficace encore, on a comparé l’efficacité d’anticorps sur différents marqueurs à la surface des DCs CD8+. On a alors mesuré la réponse immunitaire spécifique dès lors que les différents anticorps sont couplés à la protéine Gag-p24 du VIH, et dirigés contre différents récepteurs (Langérine/CD207, DEC205/CD205, et Clec9A) présents à la surface des DCs CD8+. 3 Immunité médiée par les lymphocytes T CD4+ et CD8+. Ils ont observé sur des souris que les anticorps anti-Langérine, anti-DEC205 et anti-Clec9A fusionnés avec Gag-p24 provoquent des niveaux comparables d’immunisation par les lymphocytes T CD8+ (LTCD8+) et CD4+Th1 spécifiques de Gag4. Les anti-DEC205 activent de grandes quantités de LTCD8+, un peu de LTCD4+, granulocytes, cellules NK et des cellules B. On comprend aussi que l’antiClec9A cible à la fois les LTCD8+ et les DCs alors que seuls les anti-Langérine visent spécifiquement les LTCD8+ dans la rate. Etant donné que l’immunisation par les LTCD8+ est identique quelque soit le récepteur ciblé, les chercheurs en concluent que le choix du récepteur n’est pas un facteur essentiel pour déclencher la réponse immunitaire. Plus généralement on saisit qu’un sous-type particulier de DCs pourrait être activé par des vaccins protéiques. Les différents récepteurs présents à la surface des DCs permettent une activation combinée de l’immunité par les LTCD4+Th1 et LTCD8+. Comparable T helper 1 (Th1) and CD8 T-cell immunity by targeting HIV gag p24 to CD8 dendritic cells within antibodies to Langerin, DEC205, and Clec9A. Idoyaga J, Lubkin A, Fiorese C, Lahoud MH, Caminschi I, Huang Y, Rodriguez A, Clausen BE, Park CG, Trumpfheller C, Steinman RM. Proc Natl Acad Sci U S A. 2011 Feb 8;108(6):2384-9. 4 Les chercheurs ont utilisé un adjuvant (-CD40 plus poly IC) pour obtenir une immunisation efficace.