Jean-Pierre Minaudier. Lycée La Bruyère, Versailles, avril 17, 2017. Fr 12.3
une correction des excès spéculatifs des années 1920, un accident conjoncturel comme il s'en
était déjà produit maintes fois sans conséquences à long terme, par exemple en 1907
.
L'excédent budgétaire atteignait quatre milliards de francs; les stocks d'or de la Banque de
France s'accroissaient régulièrement. Le chômage était à peu près nul (il y avait douze mille
chômeurs recensés en décembre 1930 — selon des critères il est vrai bien plus étroits
qu'aujourd'hui). Les salaires avaient donc tendance à augmenter, puisqu'il y avait pénurie de
travailleurs, même si le patronat, pour limiter ces tensions sur le marché de l'emploi, avait
recours à l'immigration (voyez au chapitre 11). De ce fait la consommation était euphorique,
ce qui contribuait à la bonne santé du secteur productif. Toutes les branches de l'économie
progressaient, à l'exception de l'agriculture.
En fait, c'étaient paradoxalement les archaïsmes de l'économie française qui la
protégeaient momentanément de la crise. Le commerce extérieur jouait un rôle assez faible:
l'économie française était moins extravertie que celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne, ce
qui fit que les entreprises françaises furent moins vite touchées par les effets de l'effondrement
de la consommation aux États-Unis et par ceux des dévaluations "compétitives" des monnaies
anglo-saxonnes
. Le protectionnisme forcené de la IIIe République empêcha la baisse des prix
mondiaux, notamment agricoles, de se répercuter immédiatement. Mais à terme, une
économie introvertie croît toujours moins vite qu'une économie extravertie
, car depuis
l'Antiquité le commerce a toujours été une activité plus rentable que l'extraction ou la
production, et le marché français était de taille réduite. De même, il y avait peu
d'investissements américains en France et les entreprises françaises dépendaient peu des
banques, nationales ou étrangères, et de la Bourse, car elles avaient largement recours à
l'autofinancement: de ce fait, elles furent peu affectées par les faillites en chaîne qui se
succédèrent aux États-Unis, puis en Europe centrale, et les retraits de capitaux américains;
mais à terme, toute enteprise a besoin de capitaux pour se développer, et le système bancaire
français n'y suffisait plus. Le sous-peuplement relatif de notre pays, et le manque de jeunes,
protégeaient momentanément du chômage, mais à terme ces facteurs représentaient une
menace pour la consommation et pour le dynamisme de l'économie en général. Seuls facteurs
réellement positifs, dans les années 1920 la France n'avait pas connu les mêmes excès
En octobre 1987, donc après la fin de votre programme, de nouveau il a eu un très grave krach à Wall
Street, mais il n'a pas eu de conséquences économiques notables à long terme. Qu'un krach débouche sur une
crise économique mondiale est plutôt l'exception que la norme, contrairement à ce que la mémoire hypertrophiée
de celui de 1929 tendrait à faire croire aujourd'hui.
Pour une définition de cette expression voyez le cours de Relations internationales, à la fiche E1.
Sauf dans le cas d'un pays-continent comme les États-Unis, dont le marché se suffit à peu près à lui-
même. Sauf peut-être aussi dans le cas d'une économie en phase de décollage, qui peut avoir besoin d'une
protection face à la concurrence internationale pour se constituer une base industrielle (encore que l'expérience
d'un grand nombre de pays du tiers-monde entre 1950 et 1980 semble indiquer que les effets négatifs d'une telle
protection dépassent souvent les effets positifs — voyez le cours de Relations internationales, à la fiche E3); mais
en 1930 ce n'était plus le cas de la France.