CONGRÈS MARX INTERNATIONAL VI Section Philosophie - 23-09-2010 Martinez
Delgado
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IDÉALISME ET MATÉRIALISME. JAMESON
ET LE CONSTRUCTIVISME DIALECTIQUE.
Alberto Martínez Delgado.
Ce travail n'essaie pas de traiter un problème d’orthodoxie marxiste, mais de
discuter quelques points de vue sur l'idéalisme et le matérialisme, en particulier en ce qui
concerne les idées de Jameson sur la dialectique et le constructivisme radical, surtout dans
son dernier ouvrage Valences de la dialectique
1
. Le but de ce travail est de, à partir d’une
prise de position matérialiste, contribuer a développer une certaine netteté dans l’estompé
et languissant débat entre le matérialisme et l’idéalisme, en dévoilant le caractère idéaliste
de quelques exposés idéologiques ambigus ou qui prétendent surmonter l’antinomie
matérialisme-idéalisme
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en débouchant dans l’idéalisme, comme c’est le cas dans l’oeuvre
de Jameson.
Jameson, en plus du problème de la compatibilité entre la dialectique et le
matérialisme, se prononce, malgré quelques ambigtés, d’une façon explicite en faveur de
l'idéalisme. En outre Jameson adhère aux principes du constructivisme radical, ce qui
réafirme et élargie l’orientation idéaliste de sa pensée, malgré les nouvelles incohérences
que cette double adhésion dialectique-contructiviste puisse entraîner.
J’essairai donc de montrer quelques des principaux traits de l’oeuvre de Jameson
sur ces aspects idéologiques de base.
I. MATÉRIALISME ET IDÉALISME.
Jameson participe du très repandu refus du matérialisme dialéctique de la part de un
large secteur des auteurs marxistes; dans son cas il ne semble pas qu’il s’agisse seulement
d’un déssacord avec l’union du matérialisme et de la dialectique, qui seraient
incompatibles tous les deux -ce qui est aussi notre avis là-dessus-, mais d’un rejet du
matérialisme en géneral.
“Mais qu’est que ce ce matérialisme au nom du quel on fait fréquenment la critique
de l’idéalisme?” se demande Jameson et il répond (p. 7-8):
“... et ici lìdéalist célébre son triomphe conceptuel, en précisant que la position
idéaliste n'est pas une question substantive d’elle-même mais tire sa puissance réelle
et trouve sa veritable vocation d’une façon réactive, comme, comme une critique du
1
. Les citations contenues dans cette étude appartiennent à cette dernière œuvre, sauf indication contraire.
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. La relégation dédaigneux de ce débat, paradoxalement, produite par l'éclosion de l'approche dialectique, qui
se déclare enclineen faveur de soulever et souligner l'existence de contradictions.
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matérialisme en tant que tel. Car comme des penseurs à partir de Berkeley ont
démontré, le concept de matière en tant que telle est incohérent, ce que Deleuze
appelle un mauvais concept: il s'ensuit que, si intolérable la position idéaliste en
philosophie puisse être, le matérialisme est une alternative insoutenable. Nous
pourrions ajouter à ça cette intéressante (presque deleuzienne) observation que le
matérialisme vole notre vie existentiel et nos sensations corporelles de leurs fraîcheur
et intensité en les remplaçant par un substrat informe et non-immediat, sensorielment
invériable, comme la matière elle-même.
La solution plus simple à ce problème est clairement celle qui identifie l'alternative
entre l'idéalisme et le matérialisme comme une opposition binaire, et qui favorise
ainsi la conclusion que le besoin de choisir entre le matérialisme et l'idéalisme est
motivé par la loi de non contradiction et peut donc lui-même être jugé non-
dialectique. Le fait est que le choix entre ces alternatives s’impose seulement à la
pensée qui aspire à devenir un système ou une philosophie en tant que tels ...".
Dans cette citation, il semble claire la position de Jameson en faveur de l'ialisme,
même s’il est qualif d’intolérable (faisant appel à leur difficulté et une mauvaise
acceptation par certains auteurs ...), bien que conceptuellement triomphant du
matérialisme , décrit comme une option insoutenable (une disqualification théorique
catégorique). D'autre part le point de vue que l'idéalisme n'est pas une conception
substantive, mais plutôt réactive face au matérialisme nous semble moins soutenable que
son contraire, comme Jameson lui-même semble suggérer quelques lignes plus haut (p. 7)
lorsque il affirme l’inderacinabili de l’idéalisme”, ou plus tard (p. 373) que “l’ialisme
est l’hypothèse la plus confortable pour la pensée humaine quotidienne”.
L'autorité de l'idéalisme de Berkeley est invoqué aussi dans la citation ci-dessus
pour soutenir l’antimatérialisme de Jameson. Au même temps Jameson caricature le
matérialisme et adoucit le rejet du matérialisme grâce à son absortion dialectique dans
l’idéalisme, ce qui es considerée comme la plus facile des solutions.
La position de Jameson contre le matérialisme, et surtout contre le matérialisme
dialectique engelsien, tout en étant prédominant dans Valences de la dialectique, n'est pas
maintenue de façon cohérente tout au long de cette oeuvre, et on peut trouver des
incursions dans le terrain du matérialisme dialectique qui diffèrent peu des illustrations
d'Engels. Ainsi, en commentant sur Sartre, Jameson (p. 234) suggère l'association
classique du matérialisme dialectique entre les particules et les ondes, et appelle “passage
lumineux” (p. 43) le morceau de Le Capital dans lequel Marx (1974, p. 106) présente la
figure de l'ellipse comme une solution de la contradiction entre l'éloignement et l'attraction
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entre les astres.
Jameson maintient son rejet du matérialisme en faisant allusion à une contradiction
entre le matérialisme et la conscience, qu’il place après parmi “les paradoxes d’une
conscience matérialiste» et parmi les contradictions au sein du projet matérialiste lui
même” (p. 175 ), contradictions que dans ce cas n’ont pas un sens dialectique, mais un
sens de réfutation du matérialisme. Dans la même direction, Jameson propose une
association implicative entre «idées» et «idéalisme» (p. 139), et déclare que "l'on est ten
de conclure que toutes les idées, toutes les expériences de la conscience sont en quelque
sorte idéalistes.
La force d’absortion de l'idéalisme est telle pour Jameson, qu’il est capable
d’inclure, par définition, même le matérialisme (p. 84):
“L’«idéalisme» hégélien pourrait être pensée d’une façon similaire: tous les choses
qu’on voit et qu’on pense viennent à travers notre esprit (mind) et notre conscience et
même les matérialistes sont donc, dans ce sens, des idéalistes”.
L'idéalisme est présenté par Jameson comme une saine réaction, dans une large
mesure sceptique, face au dogmatisme et l'excès de certitude attribué au matérialisme.
Cependant, la réalité historique semble indiquer plutôt le contraire, comme le montre le
traditionnel esprit dogmatique-religieux de différentes églises
3
.
II. LA DIALECTIQUE.
Parmi les trois «noms» de la dialectique considérés par Jameson, il se montre
favorable au troisième, qui apparaît sans l'article, (“soit un article défini ou indéfini”),
comme un adjectif et non comme un substantif (p. 50) :
... ces événements mentaux qui ont lieu quand quelqu'un dit, en réprimandant votre
perplexité devant une interprétation ou une tournure des événements particulièrement
perverse: «C'est dialectique!». Ce n'est pas seulement une accusation d’avoir un
3
. Berkeley, dans les Principes de la connaissance humaine, dit que le relativisme et le scepticisme -
associée à la pensée postmoderne, et en particulier au constructivisme épistémologique- sont plus
compatibles avec le matérialisme qu’avec l'idéalisme (1996, p. 61-62) :
... Notre connaissance de ces [idées ou choses non pensantes] a été très obscurci et confus, et
nous avons été conduits dans des erreurs très dangereuses, en supposant une double existence des
objets des sens, une intelligible, ou dans l'esprit, l'autre réel et sans l'esprit: à partir de celà on a pensé
que les choses non pensante ont une subsistence naturel d’elles-mêmes, distincte de l'être perçu par
les esprits. Ce qui, si je ne me trompe, a été montré d’être une notion sans aucun fondement et
absurde, est la racine même de scepticisme, car tant que les hommes pensaient que les choses
réelles subsisteaient sans l'esprit, et que leurs connaissances étaient uniquement réelles dans la
mesure celles-ci étaient conformables avec les choses réelles, il s'ensuit qu’ils ils ne pouvaient pas être
certains qu'ils avaient une connaissance réelle du tout.Car comment peut-on savoir, que les choses qui
sont perçues, sont conformes à celles-ci qui ne sont pas perçus, ou existeaient sans l'esprit.”
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maladroit sens commun et une bornée logique conventionnelle; il s’agit de proposer
une nouvelle et surprénante perspective à partir de laquelle repenser la nouveauté en
question, de nous éloigner de nos habitudes mentales ordinaires et de nous rendre
soudain conscients pas seulement de notre obtusité non-dialectique, mais aussi de
l'étrangeté de la réalité en tant que telle.”
La description de la dialectiqueque nous venons de citer, plus qu'une tentative de
définir ce que peut être la dialectique a des traits oscillant entre la magie et le
pragmatisme, entre l’abracadabra et la charlatanerie des vendeurs et des prédicateurs.
Cette description octroie une telle universalité à la dialectique que, malgré sa
considération comme adjectif et non comme substantif, on pourrait penser que Jameson,
sous une apparence a-systèmatique
4
, débouche dans une sorte de méta-système
dialectique
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, plein de dogmatisme, qu’attaque violenment même la version dialectique
basée sur la célèbre triade thèse-antithèse-synthèse
6
.
L'enthousiasme de Jameson pour la dialectique dévient une élitiste prétention de se
constituer une critique universelle (une théorie plutôt qu’une philosophie) capable d’être
indépendante des intérêts, ce qui impliquerais la négation de tout caractère classe dans la
pensée dialectique (p. 59):
... Et en effet, la dialectique est juste cette invétérée et exaspérante perversité par
laquelle est répudié et miné tout point de vue empiriste, de sens-commun, sur la
réalité ... C'est pourquoi la dialectique appartient à la théorie plutôt qu’á la
philosophie ... La théorie, d'autre part, n'a aucun intérêt acquis dans la mesure qu’elle
ne prétend pas être un système absolu, une formulation non-idéologique d’elle-même
et ses «vérités»; ...”
L’élitisme dialectique jamesonien est réaffirmé aussi dans d’autres endroits de son
oeuvre (p. 279):
« J'ai le sentiment que pour beaucoup de gens la dialectique ... signifie une façon de
penser adjointe ou suplémentaire: une méthode, ou une manière d'interpréter, à
laquelle on fait un appel intermitent et, en quelque sorte seulement
occasionnellement, ajoutée a nos modes normales de penser. Cela signifie que
beaucoup de gens ne sont pas capables de penser dialectiquement tout le temps:
4
. "... La conception de la dialectique comme un système -avec l'idée même de la philosophie elle-
même- est non-dialectique» (Jameson, 2009, p. 49).
5
. Kouvelakis, E. (2001, p. 468), se référant à l’oeuvre de Jameson L’inconscient politique écrit dans le
même sens:
“On peut notamment se demander s'il ne reconduit pas simplement à une reprise de la dualité
diachronie/synchronie qui restaure dans ses droits un «grand récit» sous sa forme traditionnelle, continuiste et
préhégélien si l'on veut ...”
6
. L’attitude de Jameson sur ce sujet révèle une excessive impétuosité (p. 57):
Dénonciation de ce vieux stéréotype stupide selon lequel Hegel travail d’accord avec une
progression tripartite et toute faite vers la synthèse, à partir de la thèse et à travers l’antithèse.”
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et il peut également signifier que la dialectique n'est pas une forme de pene génée
par ce type particulier de société, dont le positivisme, l'empirisme, et diverses autres
traditions anti-théoriques, semblent plus agréables et appropriés”.
La dialectique de Jameson, bien que parfois introduite d’une façon modeste,
comme une simple idée de changement, contraire aux essences métaphysiques (p. 508),
acquiert des formes doctrinales absolues, comme un méta-système capable d’intégrer la
totalité et le particulier (p . 67) et même le “non-dialectisable et le dialectisable” (p. 26),
dans une dialectique de la dialectique (p. 35).
La dialectique entre le positif et le négatif (entre “succès et échec”) dévient pour
Jameson une sorte de contradiction matrice pour d’autres contradictions, avec une
prépondérance du négatif qui est parfois transformé en un triomphe mystique du positif (p.
561):
L'extinction d'un certain nombre de tribus dans le cours de l'histoire impériale, ainsi
que les massacres vertigineuses des perdants de batailles, avec l'holocauste de leurs
familles dans les villes assiégées, sont des sacrés rappels de que la défaite historique
est réelle, mais ils sont des rappels aux vivants, qui sont par définition pas encore
vaincus.
Callinicos, A. (2007, p. 215) indique deux aspects probmatiques de la dialectique
pour qu’elle puisse être incorporé dans une conception matérialiste, l'Absolu et la
téléologie. Peut-être on devrait ajouter aussi comme aspect incompatible avec le
matérialisme, même s’il est en rapport avec ces deux éléments déjà mentionnés, le
développement des catégories dialectiques, indépendantes des faits. Dans la consiration
de l'indépendance des catégories dialectiques (p. 454-455), probablement en raison du
constructivisme radical adopté, Jameson semble dépasser l'idéalisme Hegel:
... la bonne façon d'utiliser Hegel ,,, est précisément dans cettes choses qu’il était
capable d'explorer parce qu'il était un idéaliste, à savoir les catégories elles-mêmes,
les modes et les formes de la pensée à travers lesquelles, inévitablement, nous
sommes obligés de penser les choses, mais qui ont une logique propre devant laquelle
nous serions victimes si l'on ignorait leur existence et leur influence sur nous ...”
III. CONSTRUCTIVISME ET DIALECTIQUE.
Le constructivisme radical affirme l'inexistence ou la non-pertinence d'une réali
objective en dehors du sujet; il a deux modalités principales, la psychologique ou
individuelleet la social. Jameson est dans une situation ambiguë au sujet de ces deux types
de constructivisme, ambiguïté probablement favorisée par l'utilisation de la dialectique. Le
constructivisme psychologique semble prédominer dans certains textes comme le prochain
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