Afin d'illustrer ces exigences de neutralité sans lesquelles des organismes internationaux comme la Croix
Rouge ou le Croissant Rouge n'existeraient pas, le plus simple est d'en revenir au Serment d'Hippocrate, que
tout médecin est tenu de professer lors de la soutenance de son doctorat dans tous les pays du monde civilisé. Il
dit ceci : «Tout ce que je verrai ou entendrai au cours du traitement, ou même en dehors du traitement,
concernant la vie des gens, si cela ne doit jamais être répété au-dehors, je le tairai, considérant que de telles
choses sont secrètes.»
Il y a donc déjà là une disposition, un état d'esprit, concernant la vie des gens, que le médecin, de par sa
profession, ne doive pas révéler.
Maintenant le médecin est tenu d'apporter son aide à la justice lorsque celle-ci la mande pour l'établissement de
la vérité, en particulier celle concernant des crimes; tout dépend donc de ce qu'on appelle crime, dans le droit
pénal, il s'agit de l'assassinat, du meurtre, du viol, et des homicides sans l'intention de la donner, la torture;
c'est-à-dire les agressions contre l'intégrité physique de la personne pour lesquelles l'appel à la médecine légale
peut être requis.
Naturellement les diagnostics d'infraction vaginale ou anale ne font pas partie, hors les cas de viol, du
répertoire.
Pourtant depuis des années le médecin en Tunisie a choisi de collaborer à l'établissement d'expertises qui ne
sont normalement pas de son ressort, et sans doute dans la plupart des cas avec une bienveillance en
contradiction flagrante avec les exigences du serment que l'expert est tenu de respecter. Mais c'était un temps
où l'évolution de la société n'était nullement menacée par le retour à des pratiques d'un autre âge, comme la
police des mœurs, l'excision des filles, les violations de la vie privée d'ordre religieux sous couvert de
procédures judiciaires.
Aujourd'hui ce n'est plus le cas et le médecin est désormais tenu de refuser les expertises judiciaires hors du
cadre reconnu de l'exercice professionnel, et c'est au Conseil de l'Ordre des Médecins de veiller à ce qu'il en
soit ainsi.
En effet un refus non justifié d'une réquisition par la justice de la part d'un médecin peut lui valoir des
sanctions pénales et c'est justement pourquoi l'instance ordinale est tenue de clarifier sa position vis-à-vis du
pouvoir judiciaire.
C'est bien beau de dire que l'article 230 du code pénal doive être supprimé. Mais le législateur traîne les pieds
depuis le temps pour des raisons purement politiques qui n'ont rien à voir avec les nécessités d'instaurer des
lois conformes aux exigences de la modernité, et qui ont trait à la survie de la coalition parlementaire
actuellement au pouvoir.
Selon un communiqué de Human Rights Watch, de mars 2016, «l'Ordre des Médecins devrait émettre une
circulaire ordonnant à tous les médecins de ne pas prendre part à des examens anaux, la pratique de ceux-ci
constituant une violation de l'éthique médicale».
On voit donc que la prise de position de l'Ordre des Médecins sur la question est nettement en retrait par
rapport aux exigences de l'éthique médicale, elle fait endosser la responsabilité du consentement de l'examen
au seul suspect et se désintéresse complètement du sort de ceux parmi ses membres qui par conscience
refuseraient de se prêter à un détournement vers des considérations politiques ou judiciaires qui ne constituent
raisonnablement pas la raison d'être de leur profession.
Une peu glorieuse sinon coupable collaboration