Plus de 100000 décès liés à l'amiante sont attendus en France d'ici à 2025 LES MÉFAITS dus à l'inhalation de poussières d'amiante sont solidement établis et ce, de longue date : elle a à la fois des effets non cancérogènes - fibrose pulmonaire et atteintes pleurales bénignes - et des atteintes malignes - mésothéliome et cancer du poumon. Comme le rappelle une lettre adressée le 17 août 1999 par le directeur de la Caisse nationale de l'assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) à l'ensemble des directeurs de caisses, « dans l'état actuel des connaissances, il n'est pas possible d'objectiver un seuil d'innocuité dans les expositions faibles ou intermittentes à l'amiante » Les premiers cas de fibrose pulmonaire (asbestose) chez des sujets exposés à l'amiante ont été décrits en 1906 et 1907. En 1930, « la relation quantitative liant l'exp osition cumulée à l'amiante et l'accroissement du risque d'asbestose était décrite », rappelle le rapport d'expertise collective rendu en 1996 par l'Inserm. Les scientifiques s'accordent à dire que « l'asbestose est associée à des niveaux particulièrement élevés d'exposition à l'amiante ». Dès 1931, la Grande-Bretagne adopte d'ailleurs la première réglementation destinée à réduire le risque d'asbestose. La sclérose du tissu pulmonaire due à l'asbestose réduit la fonction respiratoire. Dans les cas les plus graves, elle entraîne une insuffisance respiratoire mortelle. A l'heure actuelle, la fréquence et la gravité de l'asbestose ont beaucoup diminué. Deux cents à trois cents cas sont reconnus chaque année au titre des maladies professionnelles.L'exposition à l'amiante peut donner d'autres atteintes pleurales bénignes : plaques pleurales, épanchement pleuraux, pleurésies. L'expertise collective de l'Inserm de 1996 évaluait à un minimum de 1 950 le nombre de décès annuels attribuables en France à l'exposition à l'amiante : 750 par mésothéliome et 1 200 par cancer du poumon. Ce chiffre est destiné à augmenter : plus de 100 000 décès consécutifs à l'inhalation de poussières d'amiante sont attendus en France dans le premier quart du XXIe siècle. Le délai d'apparition de la maladie atteint en effet trente à quarante ans en moyenne. Le mésothéliome est un cancer qui peut atteindre la plèvre et, beaucoup plus rarement, le péritoine et le péricarde, trois revêtements séreux qui enveloppent respectivement les poumons, les intestins et le coeur. Le mésothéliome pleural est spécifique à 90-95 % de l'amiante.Comme le rappelle le directeur de la CNAMTS dans la lettre du 17 août 1999, « un mésothéliome peut être la conséquence lointaine d'une exposition brève à l'amiante, et pas nécessairement d'une exposition habituelle » Le temps de latence entre l'exposition à l'amiante et l'apparition d'un mésothéliome est en moyenne de trente-cinq ans. Le pronostic est sombre : quatorze à seize mois de survie, mais il est plus élevé lorsque le diagnostic a été précoce. Dans ces cas, une immunothérapie intrapleurale avec de l'interleukine 2 ou de l'interféron gamma améliore la durée de survie. L'épidémiologiste britannique Julian Peto a calculé que les décès par mésothéliomes doubleraient en Europe de l'Ouest dans les vingt prochaines années, passant de 5 000 morts par an en 1998 à 9 000 en 2018.Dans les trente-cinq années qui viennent, les auteurs d'une étude, publiée par The Lancet du 30 janvier 1999, annoncent 250 000 décès masculins liés à l'amiante en Europe occidentale. L'amiante peut entraîner d'autres cancers, non spécifiques. En France, l'amiante est responsable chaque année d'environ 2 000 des 30 000 cas de cancers du poumon, dont la cause principale demeure le tabagisme. Le type histologique le plus fréquent de cancer du poumon chez les travailleurs de l'amiante serait l'adénocarcinome pour lequel le traitement est chirurgical. L'équipe de l'unité Inserm U 88, dirigée par le professeur Marcel Goldberg, a calculé que, pour la population masculine, « la génération née entre 1930 et 1939 a été dans l'ensemble la plus exposée, et la proportion d'hommes exposés au moins une fois dans leur vie professionnelle est de 24,5 % dans cette génération » Ces chercheurs ont également souligné, dans une autre étude, les fortes inégalités régionales dans la prise en charge du mésothéliome par les caisses régionales d'assurance-maladie. Par rapport au nombre de décès par mésothéliome, la moyenne nationale des mésothéliomes pris en charge comme maladie professionnelle est de 40 %. Mais une victime a 11,5 fois moins de probabilité de reconnaissance comme maladie professionnelle à Montpellier, taux le plus faible, qu'à Nantes, taux le plus élevé. Des dangers connus de longue date 1900 : en Grande-Bretagne, le docteur Murray identifie une fibrose pulmonaire liée à l'inhalation de particules d'amiante chez les travailleurs exposés. 1906 : Denis Auribault, inspecteur départemental du travail à Caen, publie une étude recensant des cas de « sclérose du poumon » et « de nombreux décès dans le personnel » d'une usine d'amiante près de Condé-sur-Noireau (Calvados). 1910 : les compagnies d'assurance-vie canadiennes et américaines refusent les travailleurs de l'amiante. 1931 : première réglementation en Grande-Bretagne visant à réduire les risques liés à l'amiante. Les premières mesures de réparation des pathologies sont prises en 1933. 1935 : le docteur Lynch publie en Grande-Bretagne le premier rapport suggérant un lien entre l'exposition professionnelle à l'amiante et le risque de cancer du poumon. 1945 : l'asbestose (fibrose pulmonaire due à l'amiante) est reconnue comme maladie professionnelle en France. Un tableau spécifique à la maladie professionnelle sera créé en 1950. 1955 : en Grande-Bretagne, le docteur Doll établit formellement la relation entre exposition à l'amiante et cancer du poumon. 1960 : des médecins sud-africains publient un article démontrant la relation entre la survenue de mésothéliomes et l'exposition aux fibres d'amiante dans une population exposée pour des raisons majoritairement professionnelles. 1965 : publication du premier cas français de mésothéliome dû à l'amiante par le professeur Turiaf. 1977 : le Centre international de recherche sur le cancer affirme que l'amiante est doublement cancérogène. Le collectif Jussieu publie le livre Danger ! Amiante, aux éditions Maspero. Le flocage est interdit dans les locaux d'habitation. Une réglementation pour l'exposition professionnelle fixe à 2 fibres par millilitre la limite pour l'air inhalé. 1983 : une directive européenne du 19 septembre fixe la norme à 1 fibre par millilitre. Elle est transposée dans la réglementation française le 27 mars 1987. 1991 : une nouvelle directive européenne, le 25 juin, abaisse la norme professionnelle. Elle est transposée en France le 6 juillet 1992. 1996 : parution, le 26 décembre, du décret français interdisant l'amiante. La France est le huitième pays européen à prendre cette mesure. 1999 : la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 prévoit une allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante à partir de cinquante ans. Le décret d'application n'est toujours pas paru. Une directive européenne du 4 mai prévoit l'interdiction globale de l'amiante dans toute l'Union européenne effective en 2005.