
Le point de vue critique. Déjà, pour les marxistes léninistes, le capitalisme était voué à s'étendre,
par le jeu de l'impérialisme, à l'échelle de toute la planète.
Depuis, les débats intervenus dans les années 80-90 autour de la mondialisation et de la globalisation
financière, de l'essor du commerce mondial, de l'apparition de nouveaux pays industrialisés, etc., ont
banalisé l'idée de l'émergence d'un « capitalisme mondial ».
Dès les années 70, dans Le Capitalisme mondial (Puf, 1976, rééd. Puf, Quadrige, 1998), Charles-
Albert Michalet recommande de substituer le paradigme de l'économie mondiale à l'économie interna-
tionale. Il met en avant le rôle des firmes multinationales et leur essor depuis les années 50. Alain
Caillé parle d'un « mégacapitalisme parfaitement insensible aux attaques effectuées sur une base
seulement nationale ». D'autres auteurs, comme Serge Latouche, mettent en avant l'idée d'un « mar-
ché devenu planétaire » sous l'emprise d'une « mégamachine » liée à la technostructure (Les Dan-
gers du marché planétaire, Presses de sciences po, 1998).
Les approches comparatives. Dans les années 80-90, de nombreuses études comparatives mon-
trent que les sociétés capitalistes les plus avancées continuent à présenter des divergences notables.
Citons, outre le célèbre ouvrage de Michel Albert, les travaux des courants régulationnistes ou institu-
tionnalistes. Ils mettent l'accent sur le poids des institutions, des trajectoires nationales ou des phé-
nomènes d'hybridation. La convergence est alors considérée comme peu probable, chaque système
productif se renouvelant en permanence en adaptant des innovations venues de l'extérieur au con-
texte économique mais aussi social et culturel du pays.
Dans Capitalismes en Europe (La Découverte, 1996), Colin Crouch et Wolfang Streeck écrivent ainsi :
« Contrairement à une idée répandue, les technologies et les marchés sont loin d'être les seuls fac-
teurs déterminants de la vie sociale dans un régime capitaliste, et les sociétés disposent de schémas
variés pour définir la manière de conduire leurs capitalismes respectifs et, par conséquent, la sorte de
sociétés qu'elles veulent développer. Dans certains cas, ajoutent-ils, ces choix ont été faits depuis
longtemps et se trouvent désormais profondément enracinés dans une "culture" établie qui échappe,
du moins à court terme, aux acteurs contemporains. » Cette thèse d'une diversité est toutefois discu-
tée, notamment aux Etats-Unis. Dans L'Economie mondialisée (Dunod, 1993), consacrée au « capita-
lisme du xxie siècle », l'ex-secrétaire d'Etat au travail, Robert Reich, considère que l'extension de la
sphère marchande à l'échelle de la planète remet en question le concept d'économie nationale et rend
obsolètes les particularismes nationaux du capitalisme.
De son côté, Michel Albert suggérait lui-même récemment l'idée d'une convergence entre le capita-
lisme anglo-saxon et le capitalisme rhénan (pour mieux réfuter l'idée d'une substitution du premier sur
le second). Dans leur ouvrage déjà cité, Streeck et Crough reconnaissent à leur tour la remise en
cause de spécificités nationales, sous l'effet notamment de la globalisation financière. «Sauf si une
capacité de gouverner est rétablie au niveau national, ce qui semble fort improbable, la diversité future
du capitalisme ne se situera plus principalement dans des divergences entre pays.» Dans ce contexte,
c'est, selon eux, à l'échelle des entreprises ou des régions que se situeront les spécificités.
L'économie politique internationale.
Du point de vue des spécialistes d'économie politique internationale, il ne fait en revanche plus de
doute que les différences nationales sont appelées à s'estomper voire disparaître. Pour eux, le déve-
loppement de la finance internationale et la position hégémonique des Etats-Unis modifient la donne.
Entre autres constats, l'Américaine Suzan Strange souligne les difficultés croissantes des Etats à gé-
rer de manière autonome leur économie, le poids de la réglementation internationale, la dénationalisa-
tion des firmes, les fusions-acquisitions... Elle met également en avant les effets de la position hégé-
monique des Etats-Unis, notamment en matière réglementaire (normes de pollution automobile, règles
de comptabilité...) dans ce processus d'homogénéisation. «Comme la société devient multinationale
dans son comportement, sinon dans son apparence, explique-t-elle, les capitalismes ne peuvent que
converger, plutôt que diverger.».
Le capitalisme est-il immortel ?
La théorie marxiste.
Pour Marx, il ne faisait pas de doute que le capitalisme devait disparaître à terme. Les causes qu'il
avance sont à chercher dans les contradictions internes au capitalisme : le mode de production capita-
liste engendre une dynamique qui produit des effets contraires à ses principes (la libre concurrence et
la propriété privée). La concurrence pousse à l'innovation, or celle-ci implique des dépenses crois-