AVANT-PROPOS
Pour un Nord-Américain de naissance européenne, l’Afrique est un continent
lointain auquel j’ai été sensibilisé dans ma jeunesse à partir de reportages télévisés.
C’était un autre monde, une autre sorte de société où les habitants presque nus vivaient
dans des huttes autour de valeurs traditionnelles, dansaient d’étranges chorégraphies,
exerçaient des rituels primitifs et croyaient en d’autres dieux. C’était également un
continent de grands bouleversements occasionnés par les explorateurs et les puissances
étrangères dans leurs désirs d’exploiter les richesses, les hommes et coloniser ces peuples
considérés comme peu évolués. Au même moment, vint l’évangélisation qui réussit à
inculquer un nouveau dieu en dénigrant ou carrément niant les croyances de ces peuples.
Pendant des décennies, ces peuples furent exploités et brimés dans leurs droits de liberté
et de souveraineté.
Puis, ces peuples prirent graduellement conscience de leur valeur et aspirèrent à
leur autonomie. Malheureusement, dans la majorité des cas, ce fut une transition difficile
qui fit de nombreuses victimes.
C’est dans le cadre de cette transition que je fus envoyé en République
démocratique du Congo en tant que membre de la MONUC pour aider les habitants de
cette nation à faire la paix entre eux et essayer de reconstruire cette magnifique contrée.
J’ai été déployé dans le nord-est du pays, dans la ville de Kisangani, en tant que Chef
d’état-major du Secteur 5. J’ai pu côtoyer les dirigeants militaires et civils de la Province
Orientale et j’ai pu entrevoir la complexité de la situation à laquelle était confrontée cette
nation. J’ai pu, également, percevoir les effets d’un manque de préparation des
Congolais à assumer leur autodétermination et les infrastructures vétustes qui semblent
s’être figées « un 30 juin 1960 ». J’ai pu remarquer le manque de soutien et de
ressources nécessaires pour permettre aux dirigeants militaires de sécuriser et contrôler
leurs zones de responsabilité. Malheureusement, j’ai pu constater les ravages de la guerre
sur un peuple marqué par les combats et leurs atrocités. J’ai pu être témoin des cicatrices
psychologiques, de la méfiance, de la peur de la guerre et de la haine des Rwandais. J’ai
pu voir et ressentir la pauvreté omniprésente. J’ai pu vivre l’instabilité et la précarité du
moment où mon Quartier général est passé bien près d’être attaqué. J’ai pu vivre
l’impuissance de trouver des vaccins pour soigner une quinzaine d’enfants et d’adultes
atteints de la rage et qui furent condamnés à mort. J’ai pu être témoin d’une population
qui, par moment de découragement, se demandait s’il n’était pas mieux de vivre au temps
de la colonisation belge. Par contre, j’ai vu l’espoir, la joie, l’euphorie dans un peuple
qui a pu rencontrer certains de ses dirigeants ayant un message de paix et de
réconciliation. J’ai perçu le vent de changement réclamé par la grande majorité de ce
peuple. J’ai remarqué les balbutiements de la reprise du commerce, signe de
l’amélioration de la situation. J’ai constaté le désir de changement des dirigeants
militaires de ma région et de certains ministres que j’ai rencontrés, mais en même temps,
j’ai constaté les difficultés du Gouvernement de coalition et de transition à prendre des
décisions difficiles qui risqueraient de faire retomber le pays dans le chaos, mais
nécessaires pour paver le chemin à la démocratie.