Histoire économique 11 novembre 2003
« Les principales données chiffrées »
Présentation de MM. B. Giger, F. Payot et A. Rachinski
Commentaires & Critique
1. Sur le fond
Dans l'ensemble, "le contrat a été tenu", ce dont soyez remerciés. Grâce à vous, vos cama-
rades disposent dorénavant d'un bon survol de l'aspect quantitatif de la Grande Crise dans les
quatre principales économies industrielles de l'époque. Au plan qualitatif, le principal ensei-
gnement qui se gage de vos chiffres est que la Grande Crise a été fort différente dans ces
quatre économies :
- USA : très forte contraction de l'économie réelle jusqu'en 1933, suivie d'une certaine reprise
(avec en 1937-38 une "récession dans la Crise"); mais il n'y a pas de retour au plein emploi
jusqu'à la guerre.
- Allemagne : contraction de l'économie réelle peut-être encore plus forte qu'aux USA, suivie
d'un retour progressif au plein emploi ---> pour beaucoup de contemporains, Hitler était
l'homme qui avait vaincu le chômage...
- Grande-Bretagne : après des années 1920 l'économie anglaise "péclote" quelque peu, les
années 1930 se passent relativement bien, du moins en comparaison internationale.
- France : la Crise arrive tardivement et elle est moins profonde qu'en Allemagne ou aux USA,
mais il n'y a pas de ritable reprise et l'économie française stagne à un bas niveau jusqu'à la
fin de la décennie.
Cela dit, il y a aussi quelques "scories" plus ou moins importantes méritant d'être relevées:
- Tableau de la p. 4 : pourquoi donner, dans la troisième colonne, le PIB en dollars aux prix de
1996 et, dans la quatrième colonne, le taux de croissance de la "production " (= PIB réel,
j'imagine ; ou bien ?) aux prix de 1958 ? Quoi qu'il en soit, les pourcentages de la quatrième
colonne ne correspondent pas aux changements dans la troisième colonne : que s'est-il passé ?
Par ailleurs, vous donnez l'indice de prix à la consommation dans la cinquième colonne et,
dans la colonne suivante, le taux d'inflation sur cette base ; il aurait mieux valu prendre
l'indice de prix implicite ("déflateur") du PIB, lequel est l'indice de prix le plus général.
- Tableau de la p. 8 : les "investissements" dans la 3e colonne : "investissements" est trop gé-
néral ; s'agit-il des investissements fixes ou de ces derniers plus les variations de stocks ? Ou
ne s'agit-il que des investissements fixes en équipements (machines), c'est-à-dire sans la cons-
truction ? Il faudrait préciser. Par ailleurs, vous donner "le" taux d'intérêt nominal dans la der-
nière colonne : comme il n'y a pas un seul taux d'intérêt, il faudrait préciser duquel il s'agit ;
une première distinction importante est entre les taux à court et à long terme. Même commen-
taire pour "le" taux d'intérêt dans les tableaux pour les autres pays. En outre, nous savons que
ce sont les taux d'intérêt réels qui comptent dans l'économie (sauf lorsqu'il s'agit de la de-
mande de monnaie). Il aurait donc été intéressant de calculer ces taux d'intérêt réels sur une
base ex post, ce qui n'est pas très compliqué : il suffit de déduire le taux d'inflation du taux
d'intérêt nominal.
- P. 8, avant-dernière phrase du 1er para. : "(...) M1, qui est composé des devises et des dépôts
à vue (...)". Attention : par "devises", on entend des liquidités en monnaie(s) étranre(s);
vous voulez sans doute dire "billets de banques".
2
- P.8, phrase suivante : "(...) une baisse des taux d'intérêt augmente la demande de monnaie".
Attention à la direction de la causalité : on pourrait tout aussi bien dire qu'une augmentation
de la demande de monnaie provoque une baisse des taux d'intérêt. Plus fondamentalement, les
chiffres dans le tableau de la même page montre qu'il y a eu à la fois baisse de M1 et baisse
des taux d'intérêt! La demande de monnaie ne dépend pas que du taux d'intérêt.
- P. 8, dernière phrase : "On peut encore utiliser le modèle IS-LM pour expliquer l'évolution
des variables des tableaux 1 et 2". Voilà qui est quand même un peu court! Appliquer le mo-
dèle IS-LM à la Grande Crise est possible, mais un peu plus compliqué que cela. En outre,
votre tableau 1 comprend les prix ; or ces derniers ne figurent pas dans le modèle IS-LM.
- P. 9, la phrase du milieu de la page. Attention : l'identité en question est Y = C + I + G + X -
M ! Vous oubliez G, X et M.
- P. 11, le graphique et la note en bas de page : cette dernière suggère qu'il y a, en 1932, rup-
ture dans la série du chômage en Allemagne. Est-ce le cas ? Si oui, il faut l'indiquer dans le
graphique par une barre verticale entre 1932 et 1933. Ou bien les séries avant et après 1932
ont-elles été "appondues" ?
- P. 13 : dans le tableau de cette page (et cela vaut aussi pour certains tableaux suivants"), la
3e colonne porte en tête les mots "Indice de la production". Il s'agit sans doute de la produc-
tion industrielle. La production au sens général comprend les services et les produits du sec-
teur primaire.
- P. 13, vers la fin de l'unique para. : attention, "prix de gros" s'oppose à "prix de détail", dans
le même sens que "commerce de gros" s'oppose à "commerce de "détail". Par ailleurs, il n'est
pas exact de dire que "(...) les prix des biens achetés 'en gros', c'est-à-dire les biens qui sont
pour la majorité destinés à la production (...)" : les "biens destinés à la production" s'appellent
des "biens (ou inputs matériels) intermédiaires".
- P. 25, 2e ligne : "(...) des millions de prolétaires (français) avaient été fauchés sur le front
(...)". N'exagérons quand même pas : la Première Guerre mondiale a coûté environ 1,3 million
de morts à la France (chiffre cité de mémoire).
- P. 25, 3e ligne depuis le bas : "(...) la politique de grands travaux d'inspiration keynésienne
(..)". Il y a bien eu quelques programmes de grands travaux en France comme aux USA (p.ex.,
la TVA = Tennessee Valley Authority), mais il n'est pas correct de dire qu'ils étaient d'inspira-
tion keynésienne. Le livre de Keynes date de 1936 et son "message" n'a vraiment été reçu
qu'après la guerre.
- P. 28, 2e para : vous écrivez que les effets positifs de la dévaluation de la livre anglaise en
septembre 1931 ont été "vite annulés par une vague de dévaluation dans le monde". En fait, si
l'on s'en tient aux principales monnaies, le dollar a été dévalué deux ans après et les monnaies
du bloc-or autour du français cinq ans après. Donc, pas tellement "vite".
- Tableau de la p. 33 : s'agit-il des exportations et importations en valeur nominale ou réelle ?
Par ailleurs, vos chiffres pour les 4 grands pays sont surprenants : partout, les importations
sont très inférieures aux exportations. Cela est tout à fait non plausible - à vérifier, svp. (Vous
pourriez mettre la chose au point dans une note à ajouter sur le site). D'ailleurs, le tableau sui-
vant, à la p. 34, montre bien qu'importations et exportations totales sont du même ordre de
grandeur.
3
- Au début de la p. 36 : "(Keynes) a montré que la consommation était fonction du revenu".
Disons qu'il l'a supputé ou supposé. Autrement dit, il s'agit d'une hypothèse que Keynes n'a
pas vraiment cherché à vérifier statistiquement, ne serait-ce que parce que les chiffres fai-
saient largement défaut à l'époque.
- Votre fonction de consommation simple pour les USA en 1929-41 , en particulier au bas de
la p. 39 : il n'est pas sûr du tout que si nous avions des chiffres trimestriels, l'estimation don-
nerait de meilleurs résultats. Un autre problème est en effet la spécification de la fonction.
Friedman, p.ex., a défendu l'idée que la consommation des ménages n'est pas fonction de leur
revenu effectivement touché, mais de leur revenu "permanent" (= une sorte de revenu "nor-
mal").
- Le tableau de la p. 45 et les calculs qui le précèdent : prendre 1944 comme année de base, où
PIB effectif
1
= PIB potentiel, est audacieux. En 1944, l'économie américaine fonctionnait au
maximum de sa capacité physique ou tout près de cette limite. Généralement, PIB "potentiel"
est plutôt pris dans le sens de PIB "normal" (par rapport au taux de chômage naturel ou par
rapport à un taux d'inflation constant).
- Votre utilisation des chiffres de Gordon à partir de la p. 46. Je ne suis pas sûr que vous met-
tiez clairement en évidence un des enseignements de la Grande Crise : cette dernière s'est tra-
duite par un "manque à produire" (comme on dit "manque à gagner"), soit la surface entre les
courbes du PIB potentiel et du PIB effectif, qui n'a pas été compensé par la suite ---> il y a eu
"perte (économique) sèche". Certes, la guerre s'est traduite par un écart entre les deux courbes
dans le sens inverse, mais la surface correspondante est clairement plus petite que celle de la
Grande Crise (graphiques à la p. 48). En outre, peut-on vraiment dire que la production de
guerre a (partiellement) "compensé" l'absence de production de biens civils ?
- Votre équation de la p. 55 devrait comprendre une constante (y et x ne sont pas mesurés
dans les mêmes unités) - constante que vous avez d'ailleurs inclue dans votre régression. Vos
résultats d'estimation ne sont pas présentés aussi clairement que cela aurait été possible -
pourquoi ne pas avoir repris le format d'Eviews ? Enfin, la présence de corrélation sérielle
n'étonne pas, car le chômage retarde ordinairement par rapport à l'activité économique (déca-
lage dans le temps).
2. Sur la forme
- Votre texte commence par une magnifique faute d'orthographe! P. 3, première phrase : "La
crise économique qui a secouer la planète (...)". Attention : cela fait mauvaise impression...
- Phrase en gras au haut de la p. 21 : "(...) un conflit généraliser (...)
- A part ces scories et quelques autres, votre texte est généralement rédigé de manière accep-
table. Merci aussi pour une bibliographie présentée selon les règles de l'art. Cependant, la
plupart des sources dans cette bibliographie ne sont pas mentionnées dans le texte. En règle
générale, il vaut mieux n'inclure dans la bibliographie que les sources mentionnées dans le
texte ; sinon, le lecteur se demandera s'il ne s'agissait pas d'épater un peu la galerie, comme on
dit...
1
Ne dites pas "PIB actuel" : en français, "actuel" veut dire "du moment présent" ; l'anglais "actual" se traduit par
"effectif".
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