PAUSE PHILO Viroflay SUJET du JOUR : Ethique et Morale ? PRECISION SUR LA PROBLEMATIQUE : MORALE ET ETHIQUE Qu’est-ce que les règles et les valeurs ? Et comment s’articulent-elles avec l’éthique et la morale ? Qu’est-ce que l’éthique et la morale ? Quelle est leur origine ? Quels sont leurs domaines d’applications ? Et leur portée ? Y a-t-il un rapport entre éthique / morale et religion ? Y a-t-il un rapport antre éthique / morale et le droit ? EXPLORATION DU SUJET : 1- Les hypothèses : Hypothèse 1 : On vit en société et le vivre-ensemble nécessite une discipline qui facilite la vie en société et la vie de l’individu par rapport à lui-même. Hypothèse 2 : La morale est naturelle et innée. L’éthique est acquise via les règles de la société et est liée à la culture. Hypothèse 3 : La morale est un ensemble de règles provenant d’une réflexion individuelle liée à la nécessité du vivre ensemble. Ces règles sont assorties de règles de répression possible. L’éthique est un ensemble de valeurs universelles non modifiable, non directives et positives. Hypothèse 4 : La morale est de l’ordre du pouvoir, se sont des règles édictées par un groupe afin de garantir son pouvoir et qui les présentes comme des règles sacrées afin qu’elles ne soient pas discutées, et les impose aux autres. Ce qui rejoint la pensée de Rousseau : la société pervertit et impose ses lois. L’éthique est également une construction collective discutée et discutable, qui se fait cette fois sans notion de pouvoir, mais dans l’optique de définir des règles de conduite adaptées à une situation donnée, à un cas particulier. Hannah Arendt dans « Considérations Morales » explique qu’il n’existe pas de principes moraux à priori : l’attitude d’Hitler est due à un défaut d’analyse. Hypothèse 5 : La morale est un ensemble de règles universelles et intemporelles. L’éthique est un ensemble de règles définies dans un contexte donné. 2014-04-05 Animateur : Bruno MAGRET Page 1/5 PAUSE PHILO Viroflay 2- Les origines de l’éthique et de la morale : Morale, du latin « mores » - mœurs. Ethique , du grec « éthos » - mœurs. On s’accorde à penser qu’à l’origine de l’éthique et de la morale (qui ont une même étymologie) il y a une nécessité, la nécessité du vivre ensemble pour l’être humain qui est un animal sociable. Dans l’histoire de la pensée : Pour les sophistes : l’homme est la mesure de toute chose, c’est l’individu qui défini les règles. Pour Platon (cf. : le personnage de Calliclès dans le Gorgias) et Aristote : il existe une morale qui s’impose à l’individu, qui est extérieur à lui, dans le logo, qui est un reflet du divin. Pour ne pas tomber dans le Chaos et être heureux, l’individu doit vivre en harmonie avec ces règles universelles et naturelles, générées par Le Logos, la Sagesse. Ces règles organisent le Chaos en Cosmos. Dans la morale Judéo-chrétienne, la morale est une révélation divine donnée à Moïse via les tables de la loi. Pour Descartes, il faut faire table rase du passé. Il y a une nécessité de la morale, mais il n’aboutit pas à une morale satisfaisante pour lui, alors il se défini une morale provisoire en attendant de trouver sa morale définitive. Avant toute expérience, il y a une idée de la morale en nous. Pour Kant et les empiristes (John Locke) : c’est l’expérience qui construit la morale. Si la morale devient purement empiriste, on est dans une dimension purement individualiste. Alors que pour Kant, l’homme à la capacité en lui de transcender l’espace et le temps. Le monde est constitué de phénomènes et de noumènes (qui sont à l’origine des phénomènes) qui ne sont pas créés par la raison (qui s’impose). Kant essaye de trouver le juste milieu entre raison pure et empirisme (l’expérience), c'est-à-dire qu’il fait appel à la « raison pratique » (la morale) qui rend compte des impératifs catégoriques. Autrement dit, les principes de la morales (ex : tu ne tueras point) ne sont pas discutables, ce sont des impératifs catégoriques pour l’individu qui dépasse le raisonnement en accédant à la raison pratique (Sur la tombe de Kant a été écrit : « les étoiles dans le ciel et la morale en moi »). Si on reste au niveau du raisonnement on pourrait s’enliser dans un relativisme stérile et absurde, en considérant que tout est discutable et relatif. Ici la morale ne s’impose pas par les individus, mais de soimême, et c’est une nécessité. 2014-04-05 Animateur : Bruno MAGRET Page 2/5 PAUSE PHILO Viroflay De nos jours : Dans l’histoire, la morale a d’abord été imposée par une minorité à la masse non instruite, souvent en lien avec des principes religieux. Puis les individus ont accéder à plus de savoir et ont appris à réfléchir par eux même. Les individus rejettent ou valident la morale qui devient un choix, une liberté : autrement dit, il existe de nos jours une particularisation individuelle de la morale. Certains ont même utilisé le terme d’éthique avec une connotation laïque, pour l’opposer à la morale à connotation religieuse. Trois mouvements de pensée principaux : - Le modèle à la française : Il existe des principes moraux à priori. Il existe une unité de l’humanité au-delà du temps et de l’espace dans le religieux (lien universel entre les individus), l’individu dans son être est l’univers et s’il abîme l’univers, il s’abîme lui-même [Ex : « Tu ne tueras point » : Si je tue l’Autre, c’est comme si je me tuais moi-même ; ex : Le bouddhisme où l’être est une illusion car il est intégré dans le Tout (« There’s no spoon » dans Matrix)]. Il s’agit d’une éthique ontologique qui est de l’ordre de la spiritualité, de la métaphysique (basée sur la foi, l’intuition, la raison universelle). (Exemple du fumeur : en fumant l’individu nuit à l’univers, l’individu est considéré comme dégénéré ou déficient. Bien que du point de vue de Dieu, infiniment miséricordieux accordant grâce et pardon, cela fait partie de l’économie de l’univers : on a notre propre destruction en nous, toute chose se corrompt dans le temps du départ à la fin) - Le modèle anglo-saxon (aujourd’hui le modèle dominant) : Les principes moraux sont définis par un raisonnement empirique, à postériori (si j’autorise à tuer, je risque que mes enfants soient tués). Ces principes sont établis ici par une rationalité pratique qui n’est pas la raison pratique de Kant. (Exemple du fumeur : tant qu’il ne nuit pas au groupe et va fumer dehors, l’individu fumeur peut faire ce qu’il veut, jusqu’à nuire à sa santé. C’est une forme de morale minimaliste). Remarque : Avec l’empiriste anglais Jeremy Bentham « L'éthique a reçu le nom plus expressif de déontologie » en 1825, dans son livre « intitulée l'Essai sur la nomenclature et la classification des principales branches d'Art et Science ». Pour Bentham on peut faire un calcul entre ce qui procure le plus de joie/plaisir et le plus de tristesse/peine - Une 3è voie émerge liée à la globalisation du monde et au besoin de penser les règles à l’échelle de l’humanité (cf. : Problématiques des contraintes environnementales) : C’est un mouvement de pensée liée au principe de l’évolution de l’espèce : ceux qui vivent à l’extérieur du groupe, les individus solitaires sont éliminés, l’homme est un animal sociable, de nature grégaire (dans son sens positif, vie en groupe) qui répond à des lois naturelles pour la survie de l’espèce. Et dans ce cadre, la morale est une nécessité naturelle qui est inscrite naturellement en nous. Autrement dit, la morale est instinctive, innée, et sert à la survie de l’espèce. Cela rejoint la pensée de Sophocle qui décrit une morale fondamentale définie par des règles non écrites (δικε) que chacun porte en soi et des règles éthiques écrites (μονοι). Remarque : si on élargie le raisonnement à l’extrême, si l’on pousse la globalisation de la réflexion sur l’esprit jusqu’à l’univers, on aboutit à une amoralité – qui est une absence de morale (à ne pas confondre avec l’immoralité – qui va à l’encontre de la morale). Si on se place du point de vue de l’univers : tout est atomes, énergie et éternité, et à ce niveau là, la morale de l’être humain n’a pas de sens, d’existence. Dans ce cadre là, que je tue mon prochain n’a pas plus d’importance ou de sens que le fait de ne pas le tuer. Ici on devient « libéré vivant », cela ne peut que se vivre et pas se discuter : on atteint la limite de tout raisonnement, la limite de toute discussion, on sort du cadre de la philosophie. 2014-04-05 Animateur : Bruno MAGRET Page 3/5 PAUSE PHILO Viroflay Philippe Foot parle de cette morale naturelle (fondée sur Aristote) dans « Le Bien Naturel » : les individus égoïstes (à distinguer des autonomes ou exilés qui vivent à l’extérieur du groupe) agissant au détriment du groupe y sont considérés comme handicapés. En termes de survie de l’espèce : - L’individu solitaire risque de rencontrer un prédateur - L’individu grégaire sans autonomie est dépendant du leader et risque de ne pas survivre au leader en cas de perte de ce dernier - Développer des individus grégaires autonomes qui développent leurs capacités et sont tous potentiellement capables de remplacer le leader en cas de besoin semble être le plus viable : c’est le principe de l’humanité et de la démocratie, si un individu clé tombe un autre est capable de prendre sa place. Il y a une demande et un besoin d’instruction pour développer les capacités de chacun. Remarques : - On retrouve ce principe dans les entreprises avec le système de back-up/remplaçant et les politiques de mobilité obligatoire et de polyvalence des employés au sein de ces organismes, pour limiter le risque opérationnel. - Dans ce contexte le handicapé et même le déficient moral sont inclus dans le groupe et intégré par la thérapie ou la limitation. - Les risques de cette voie : l’individualisme menant à l’égoïsme, le relativisme menant à l’immoralité. A cela Kant répond par la maxime universelle : « imagine que tout le monde fasse comme cela ! ». 2014-04-05 Animateur : Bruno MAGRET Page 4/5 PAUSE PHILO Viroflay POUR ALLER PLUS LOIN : Notes pour creuser ce sujet : 1La distinction la religion / le religieux (compréhension d’une unité de l’humanité) 2L’opposition Individu / Collectif/société 3Le concept de déontologie professionnelle : principes moraux associés à une profession telle que la médecine avec le serment d’Hippocrate. 4Lire Marcel Gaucher sur le désenchantement du monde 5Lire Paul Ricœur 6Lire Levinas 7Lire Eric Robertson Dodds « les grecs et l’irrationnel » 8Lire Rousseau 9Lire Mathieu Ricard « L’altérité » 10Lire la Bhagavad Gita 11Lire Hannah Arendt « Considérations morales » AUTRES SUJETS DU JOUR PROPOSES : Chantal : Destin et Libre arbitre ? Ingried : Amour et amour de l’Autre Domitille : Qu’est-ce qui nous fait peur dans le handicap ? Jean-Yves : Une pensée sans langage est-elle concevable ? Meïté : Naît-on vertueux ou le devient-on ? (Le sujet du jour a été proposé par Emmanuelle) 2014-04-05 Animateur : Bruno MAGRET Page 5/5