Développement et Evaluation PHYsiques des modèles atmosphériques
DEPHY2
Introduction
Le réalisme des modèles de prévision et de climat repose en grande partie sur la façon dont les
processus atmosphériques dits « sous-maille », c'est-à-dire d'une échelle inférieure à celle de la
maille du modèle, tels que la turbulence, la convection sèche et nuageuse, sont représentés par
l'intermédiaire de paramétrisations. Le projet DEPHY a pour vocation de coordonner les efforts mis
en œuvre dans des communautés parfois disjointes (observations, modélisation à méso-échelle,
prévision du temps, climat) autour d'un même objectif: l'amélioration des paramétrisations physiques
des modèles atmosphériques. Il a fait suite au projet « physique commune » entre Météo-France et
l'IPSL qui avait pour objectif de mettre en place une stratégie commune de développement pour les
modèles de climat de l'IPSL et du CNRM-GAME. Depuis quatre ans, le projet DEPHY a permis des
avancées notables sur le contenu physique des modèles atmosphériques en renforçant les
collaborations entre la communauté des processus, celle de la prévision numérique du temps et celle
de l'étude du climat, notamment autour de cas d'études partagés. Au CNRM-GAME ces
rapprochements se sont faits dans le cadre d'un objectif de « prévision sans couture » (seamless
prediction), qui consiste à utiliser les mêmes modèles ou paramétrisations physiques dans des
simulations numériques allant de la prévision du temps à courte échéance jusqu'au changement
climatique. Au LMD, les développements de paramétrisations ont largement bénéficié des études de
processus basées sur des modèles résolvant explicitement la convection et les nuages effectuées au
CNRM-GAME et au LA. La capitalisation des données sur sites pour l'évaluation et l'amélioration
des modèles s'est également étendue, en faisant tourner les modèles en mode guidé autour de sites
particuliers, comme par exemple au SIRTA ou sur les sites de la campagne AMMA en Afrique de
l'ouest. Le développement et la mise en œuvre de simulateurs d'observables a également permis de
confronter les modèles aux observations sur tout le globe et ainsi de mettre en avant des biais
systématiques des modèles pour le représentation des nuages. Le modèle de circulation générale
LMDZ est aussi décliné dans différentes versions sur d'autres planètes du système solaire, pour
lesquels la représentation physique des processus est d'autant plus clé que les observations sont
peu nombreuses. Ce concept de modélisation « sans frontière » est voué à se développer davantage
dans le futur en augmentant les interactions sur les développements de paramétrisations sur les
diverses planètes étudiées au LMD. Le projet DEPHY a également favorisé les interactions autour
des couches limites polaires entre le LGGE et le CNRM-GAME et l'émergence d'un cas d'étude
issu des observations réalisées à Dôme C en Antarctique, ainsi que des projets de développements
communs entre le modèle MAR développé au LGGE et le modèle LMDZ.
Si le projet DEPHY a encouragé et facilité le développement de paramétrisations et leur évaluation
sur des études de cas particuliers, il a aussi permis de faire remonter les analyses issues des études
de processus et les développements associés jusque dans les modèles opérationnels de prévision et
de climat. Cet accomplissement a pu être particulièrement apprécié dans les versions successives
des modèles de prévision de Météo-France, avec par exemple l'inclusion d'un schéma en flux de
masse pour la couche limite convective dans le modèle AROME; mais aussi lors de l'exercice
CMIP5, auquel le modèle de climat de l'IPSL a contribué avec deux versions différant uniquement
par leurs paramétrisations de la convection et des nuages, l'une d'elle incluant la toute première
paramétrisation de poches froides opérationnelle dans un modèle de circulation générale, ainsi
qu'une nouvelle paramétrisation des panaches thermiques de couche limite et des cumulus associés.
Au-delà de cas d'étude particuliers, ces simulations ont permis de confirmer l'importance d'une
représentation physique des processus à l'échelle du nuage pour améliorer la représentation des
nuages bas à l'échelle globale ou du cycle diurne des précipitations continentales par exemple. La
comparaison des deux versions du modèle de l'IPSL a aussi permis d'illustrer l'effet crucial des
paramétrisations physiques sur la variabilité des précipitations et la sensibilité climatique. Ces
résultats viennent confirmer la pertinence et l'importance de continuer à développer des
paramétrisations physiques des processus turbulents, convectifs et nuageux dans les modèles de
grande-échelle.
Le développement de paramétrisations est un travail de longue haleine qui nécessite une vision de
moyen à long terme et qui est difficile à « vendre » dans le cadre de projets nationaux et
internationaux, mais qu'il est pourtant essentiel de soutenir et financer en tant que tel. D'autant
plus que les collaborations nées dans le cadre de DEPHY se sont également révélées être forces de
propositions pour des contributions à d'autres projets nationaux, par exemple pour l'étude des
extrêmes de précipitations cévenoles (ANR REMEMBER), l'impact des pluies sur l'agriculture au
Sahel (ANR CAVIARS) ou encore l'étude des vagues de chaleur au Sahel (ANR ACASIS). La
communauté DEPHY a également activement contribué aux activités du projet européen EUCLIPSE
sur les rétroactions nuageuses et initié les activités du groupe de travail sur l'amélioration de la
composante atmosphérique des modèles de climat du projet européen EMBRACE. A l'échelle
internationale, le projet DEPHY entretient également des liens forts avec la communauté des
processus GASS/GCSS et celle des rétroactions nuageuses CFMIP. Les activités de DEPHY
alimentent également celles d'autres projets LEFE tels que MissTerre (modélisation du système
Terre), AMMA2 (analyse de la mousson africaine) et CLAPA (étude des couches limites polaires).
Afin de continuer à alimenter les interactions dans le cadre de ces divers projets et d'initier de
nouvelles dynamiques, il nous semble important de maintenir la coordination et l'animation
scientifique autour de l'amélioration de la paramétrisation des processus atmosphériques au niveau
national, mais aussi de renforcer les interactions entre les communautés des processus, de la
prévision météorologique et du climat. Cela d'autant plus que malgré les avancées réalisées ces
dernières années dans la paramétrisation des processus nuageux et convectifs, les premières
analyses issues de l'exercice CMIP5 montrent un bilan mitigé. Si l'amélioration des paramétrisations
physiques du modèle LMDZ, largement basées sur les travaux réalisés en collaboration entre le LMD
et le CNRM dans le cadre de DEPHY, a permis des avancées significatives concernant la
représentation de la couverture nuageuse, du cycle diurne de la convection et une augmentation
significative de la variabilité tropicale sur océans, les principaux biais dans la climatologie de ce
modèle n'ont pas décru, voire se sont amplifiés. Plus généralement, l'analyse des simulations CMIP5
pointent du doigt le fait que la plupart des biais récurrents identifiés dans CMIP3 sont toujours
présents dans les modèles de CMIP5: biais de SST dans les océans tropicaux, biais chaud
continental en été, difficultés à représenter la montée des flux de mousson ou la succession de
phases actives et inhibées de convection de l'oscillation de Madden-Julian, etc... Afin de s'attaquer
plus directement à la réduction de ces biais, et par rapport au projet DEPHY1 qui était souvent
focalisé sur la paramétrisation des processus sur des cas d'étude particuliers, le projet Dephy2
mettra davantage l'accent sur l'étude des couplages des processus convectifs et nuageux sous-
maille avec d'autres composantes du système climatique et avec la circulation générale.
Nouvelle structuration pour de nouveaux enjeux
Ainsi, la structuration du nouveau projet DEPHY évolue afin de mettre davantage l'accent sur ces
couplages et les trois thématiques principales se veulent plus fédératrices des trois thèmes abordés
dans la première phase du projet (couche limite stable, couche limite convective et convection
profonde).
La première thématique, “paramétrisation des nuages et des précipitations”, place les nuages à
nouveau au cœur des erreurs sur la simulation du climat actuel et des incertitudes sur le
changement climatique. Les développements dans le cadre de DEPHY1 ont permis de progresser sur
les schémas à adopter pour la représentation des nuages bas. Ces avancées permettent aujourd'hui
de se focaliser d'avantage sur la microphysique des nuages et de s'interroger sur la complexité
nécessaire à mettre en œuvre dans les modèles de grande-échelle, mais aussi de s'attaquer à la
représentation des nuages hauts, comme les cirrus ou les enclumes des systèmes convectifs.
L'utilisation des propriétés nuageuses par les schémas de rayonnement mérite également plus
d'attention, tout comme la caractérisation des distributions sous-maille de précipitations.
La deuxième thématique, “couplages atmosphère/surface” place la couche limite atmosphérique au
centre des interactions entre la surface et la troposphère libre. Il s'agit ici d'étendre les
développements sur la représentation des couches limites stables, polaires ou nocturnes, et des
couches limites convectives, en se focalisant sur les processus couplés atmosphère/surface. On
s'intéressera en particulier au rôle des processus de couche limite dans le déclenchement de la
convection orageuse, en lien avec les hétérogénéités de surface. Un aspect important portera sur le
bilan énergétique à la surface, afin d'améliorer la représentation de l'effet radiatif des nuages et de la
redistribution des flux de chaleur de la surface à l'atmosphère.
Enfin la troisième thématique, “paramétrisation vers circulation – remontée en échelle”, étend les
études sur la convection profonde à ses interactions avec son environnement de grande-échelle.
L'objectif est de progresser sur la représentation du caractère multi-échelle de la convection et de
son organisation, et de mieux comprendre les mécanismes via lesquels les paramétrisations influent
sur la circulation à grande-échelle et le climat simulé. Il s'agit ici aussi d'adapter les
paramétrisations de la convection à la résolution croissante des modèles, en explorant la répartition
entre pluies convectives et de grande-échelle, ainsi que le comportement des modèles dans la zone
grise de la convection.
De nouvelles avancées sur le développement de paramétrisations et la compréhension de leurs effets
sur la météorologie et le climat simulés ne se passeront pas sans afficher clairement l'amélioration
des paramétrisations physiques des modèles atmosphériques comme un sujet scientifique en tant que
tel.
Elles nécessiteront la mise en œuvre de nouvelles méthodologies adaptées aux nouveaux enjeux
affichés. Si les méthodologies qui ont fait leurs preuves dans le cadre de DEPHY1 continueront
d'être largement exploitées, la mise en place de nouvelles approches permettant d'aller plus loin
dans la compréhension des couplages entre nuages et rayonnement, atmosphère et surface,
convection et circulation, fait partie intégrante du projet. Elles se baseront notamment sur les
nouveaux outils disponibles aujourd'hui, comme les simulations haute résolution couplées à des
schémas de sol et réalisées sur de grands domaines, ou l'exploitation conjointe d'observations sur
sites et d'observations satellite haute fréquence comme celles fournies depuis peu par le satellite
Mégha-Tropiques. Un objectif central du projet restera de mutualiser les efforts et les
développements au niveau national, en partageant les méthodologies et les réflexions autour des
développements de nouvelles approches et algorithmiques, mais aussi de favoriser les échanges de
paramétrisations entre modèles. Tous ces aspects seront synthétisés dans la partie
“Outils/Méthodologies/Algorithmie” du projet.
Un budget de coordination
Au vu de toutes les avancées impulsées dans le cadre de DEPHY1 et du chemin restant à parcourir,
il nous apparaît essentiel de maintenir et développer la dynamique de travail qui s'est instaurée
entre les communautés des processus, de la prévision météorologique et du climat au niveau
national. Pour cela, nous demandons un soutien financier au programme IMAGO de LEFE pour:
L'organisation de deux réunions annuelles de la communauté DEPHY, la première dans le
cadre des ateliers de modélisation de l'atmosphère en janvier à Toulouse, la seconde à Paris
à l'automne.
Des missions pour des collaborations nationales dans le cadre de DEPHY.
Des stages inter-laboratoires sur le développement de paramétrisations.
La vie des équipes impliquées dans le projet, pour les frais de publications, d'achat de petit
matériel et la participation à des conférences internationales.
Il nous paraît essentiel de maintenir cette dynamique sur le moyen terme (5 ans) en bénéficiant de
crédits récurrents comme ceux dont nous avons bénéficié pendant la première phase du projet
DEPHY.
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