parler. Mieux encore, il le reçoit dans sa maison, il lui offre le gîte et le couvert. Alors, debout,
solennellement, Zachée fait à Jésus sa déclaration de conversion. Il fait un gros don aux pauvres et
répare les torts qu'il a pu commettre. Par la grâce de Dieu, les richesses du publicain deviennent
alors charité et justice. La leçon est claire : il n'y a pas de faute à être riche ; ce qui importe, c'est de
savoir bien user de ses richesses.
Pourtant, une lecture plus attentive peut nous permettre d'entrer plus profondément dans le
mystère du salut, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Zachée semble au centre du récit. Saint Luc n'a guère l'habitude de donner des détails
concernant les personnages qu'il évoque. Mais ici, il nous fait une description assez précise du chef
des publicains, nous révélant qu'il est petit de taille et grand par ses richesses. Bien plus, il nous
indique son nom, Zachée, qui signifie « le pur », « l'innocent ». Est-ce une ironie de Luc? En tout
cas, les habitants de Jéricho ont certainement saisi l'inconvenance de ce nom. Leur réaction violente
en voyant Jésus entrer chez Zachée le montrera bien.
Zachée est monté dans un arbre, pour voir sans être vu, mais Jésus l'interpelle par son nom.
Il descend alors aussi vite qu'il est monté et accueille Jésus chez lui, avec joie. On peut rapprocher
ce texte d'un passage du livre de la Genèse, où Abraham donne l'hospitalité à trois hommes qui lui
apparaissent au chêne de Mambré (Gn 18, 1-14). Dans les deux récits, se trouve un arbre, un chêne
ou un sycomore, tous deux des arbres sacrés. Dans les deux récits, on retrouve le même
empressement à accueillir l'hôte qui s'invite lui-même ; enfin, dans les deux récits, cet hôte
mystérieux est identifié au « Seigneur ». Zachée, comme Abraham, reconnaît dans son hôte la visite
de Dieu.
Car c'est bien la rencontre avec le Seigneur qui provoque la déclaration de conversion, non
pas une belle déclaration de principe, mais bien plutôt une déclaration d'impôts... Zachée reste un
homme d'argent au coeur même de sa conversion : il ne se paie pas de mots, mais de chiffres! Ses
paroles sont des pourcentages : il donnera « la moitié », il rendra au « quadruple ». Le coeur de
Zachée change, mais son argent, lui aussi, change de mains. Zachée, dans le salut qui arrive
aujourd'hui, reconnaît le passé (il a volé) et s'engage pour l'avenir (il va réparer).
On découvre alors la signification profonde de son nom. En effet, Zachée peut se traduire
aussi par « déclaré innocent », « acquitté ». Zachée est sauvé, est innocenté, il est rendu à la dignité
de « fils d'Abraham ».
Mais il faut aller plus loin. Car, en réalité, ce n'est pas Zachée le centre du récit, c'est Jésus.
En effet, deux personnages sont à la recherche l'un de l'autre : si Zachée, le chef des publicains
« cherche » à voir qui est Jésus, Jésus, lui, « Le Fils de l'homme », déclare être venu « chercher » ce
qui est perdu, les publicains et les pécheurs. Cherchant à voir Jésus, Zachée fait ce qu'il faut pour
renverser la situation : il n'hésite pas à monter dans un arbre pour voir celui qu'il cherche. Mais
arrivé sous le sycomore, il n'est pas dit que Zachée voit Jésus mais l'inverse ; c'est Jésus qui « lève
les yeux » vers lui, car lui aussi le cherche. Jésus prend l'initiative. Il se fait mendiant pour donner
sans blesser. Il s'adresse au publicain comme un simple prédicateur ambulant en quête de son dîner :
« Zachée, descends vite ». Il y a dans cette hâte du Christ une sorte d'humour plein de tendresse, un
peu comme si le Seigneur voulait lui dire : Zachée, j'ai faim, dépêche-toi, comme il avait dit à la
Samaritaine ; j'ai soif, donne-moi à boire! En réalité, je suis surtout impatient de me trouver dans ta
demeure pour que s'accomplisse en toi le mystère de salut que je suis venu apporter au monde.
Jésus lève les yeux, comme il le fait lorsqu'il s'adresse à son Père. Et le premier mot qu'il
prononce, c'est le nom de Zachée. Jésus le rétablit dans sa dignité d'homme, il le remet « debout »,
l'attitude de la prière et de la familiarité avec Dieu. Le chef des publicains se perdait dans
l'anonymat de la foule, il est rétabli dans sa dignité de « fils d'Abraham », héritier de la promesse.
La foule empêchait Zachée de voir Jésus. Elle voudrait maintenant empêcher Jésus d'aller loger
chez Zachée. Mais Jésus réfute publiquement l'opinion soutenue par les Rabbis selon laquelle les
pécheurs publics ne peuvent prétendre au salut. « Aujourd'hui, le salut est arrivé dans cette
maison ». C'est Jésus, le salut en personne, qui est entré chez Zachée, Jésus, celui qui « est venu