Né un vendredi saint qui était aussi un vendredi 13, dans la banlieue de Dublin, il était le second des
deux fils d’un couple protestant de la classe moyenne (son père dirigeait une entreprise d’arpentage,
sa mère était infirmière), il eut une enfance heureuse, marquée par la piété profonde de sa mère et le
goût de son père pour de longues promenades à pied. De la foi maternelle, il garda l'inquiétude et le
sens de l'interrogation métaphysique, mais ne vit qu'ennui dans la religion. Il grandit à l’écart de la
rébellion qui grondait dans le pays. Quoique très énergique, se sentant séparé, se tenant à l’écart, il
goûta, même petit garçon, la quiétude de la solitude. Se penchant sur son enfance, il constata plus
tard : «J’avais peu de disposition pour le bonheur».
Il fit ses études à ‘’Earlsfort House’’ à Dublin, puis à la ‘’Portora Royal School’’ à Enniskillen (où était
allé Oscar Wilde) où il reçut une instruction rigoureuse et commença à apprendre le français,
l’allemand, l’espagnol et l’italien, se nourrissant de la lecture de Dante, “La divine comédie” restant
jusqu’à sa mort son livre de chevet. Devenu un athlète, il excellait spécialement, en ces années
d’école, au cricket, au tennis, au rugby et à la boxe. Mais, toujours aussi solitaire et taciturne, devenu
un jeune homme souvent si déprimé qu’il restait au lit jusqu’au milieu de l’après-midi, qu’il avait du mal
à s’engager dans une longue conversation, qu’il lui fallait des heures et plusieurs verres de whisky
pour s’animer quelque peu, qu’il disait de lui-même qu’il était mort et qu’il n’avait pas de sentiments
humains, il ne montrait d’intérêt que pour les choses de l’esprit. À l’âge de dix-sept ans, entrant à
‘’Trinity College’’, il choisit le français et l’italien comme langues étrangères, se destinant à une
carrière de professeur de langues romanes. Il goûta le théâtre vibrant qui fleurissait dans le Dublin
d’après l’indépendance, préférant les reprises des pièces de J.M. Synge. Surtout, il put voir des films
américains et découvrir les comédies muettes de Buster Keaton et de Charlie Chaplin.
En 1926, après avoir obtenu son diplôme, il fit, durant l'été, un premier voyage en Europe pour
découvrir Paris qui aussitôt le conquit, visiter, à bicyclette, les châteaux de la Loire, puis l’Italie.
En 1928, après une première année d’enseignement à Belfast, il fut nommé lecteur d'anglais à l'École
normale supérieure de la rue d'Ulm et chargé de cours à la Sorbonne. Pendant deux ans, il fréquenta
de grands écrivains : l’Américain Ezra Pound et, surtout, son compatriote expatrié, James Joyce, dont
il devint l'intime, même si, la plupart du temps, ils restaient assis en silence, tous les deux baignés de
tristesse. En plus d’être un de ses collaborateurs assidus pour la composition de “Work in progress”
(qui sera plus tard intitulé “Finnegans wake”), et le traducteur, avec Alfred Péron, d’”Anna Livia
Plurabelle”, il composa un essai sur ce maître à l’influence déterminante, glissant ce premier
manuscrit sous la porte de Nancy Cunard, rue Guénégaud :
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“Dante...Bruno...Vico...Joyce”
(1929)
Essai
Commentaire
Beckett se portait à la défense de la grande oeuvre de Joyce, “Ulysse”, que le public paresseux se
plaignait de ne pas comprendre facilement.
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Beckett commença lui-même à écrire et à publier, en anglais, des textes dans différentes revues :
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