pays partagé en deux socialement et politiquement. Et pour désigner cet état de
choses on parle des „deux France“ : la France de droite et celle de gauche, la France
catholique et la France laïque, la France des riches et celle des pauvres, la France des
Français „de souche“ et celle des immigrés, etc., etc.
Pour maîtriser les forces centrifugales, il faut, aux yeux des Français, un Etat solide
et centralisé, un gouvernement fort et omniprésent. Mais en même temps, on se
méfie de l'Etat, on se méfie du gouvernement, on se croit exploité et berné par un
pouvoir anonyme et éloigné, par „ils“ comme disent les Français.
Malgré tout cela, les Français s'identifient à la France beaucoup plus que les
Allemands ne s'identifient à l'Allemagne. Ils ont la conviction intime d'être les
héritiers d'une longue tradition étatique et culturelle et d'appartenir à une entité, la
nation, qui certes n'est plus la „Grande Nation“ d'antan, mais tout de même quelque
chose de stable, d'immuable, voire d'éternelle. Naturellement, cette conviction est
basée, en partie, sur des illusions. Retraçons donc un peu le cours de l'histoire de la
France.
*
Si vous demandez à un Français quelles sont les origines de la France, il vous
parlera de l'ancienne Gaule et des Gaulois et peut-être, s'il est un peu cultivé, de ce
héros gaulois historique qu'était Vercingétorix qui fut vaincu par César. Pourtant, la
réalité est beaucoup plus compliquée. Car les Gaulois, peuple celtique appartenant à
la famille des peuples indo-européens, étaient, eux, déjà des immigrés, venus au
cours du deuxième millénaire avant J.-C. Auparavant, il y avait les Ibères, les
Ligures, les Basques et les restes d'autres peuplades ou tribus préhistoriques qui,
pour la plupart furent absorbées par les Gaulois. Longtemps après l'établissement
des Gaulois, qui d'ailleurs ne connaissaient pas un Etat centralisé, c'est l’arrivée de
groupes de commerçants grecs sur le littoral de la Méditerrannée, qui y fondent des
villes portuaires. Marseille par ex. a été fondée au 3e siècle avant J.-C. par des
commerçants grecs.
Ensuite, au 2e siècle avant notre ère, c’est l'époque romaine qui commence. D'abord,
les Romains conquièrent une large frange du Midi de la France actuelle afin d'établir
un pont entre l'Italie et la péninsule hispanique qu'ils viennent de conquérir grâce à
la supériorité de leur flotte. Les Romains sont également surtout des fondateurs de
villes. Ces villes, comme Narbonne, Nîmes, Arles etc., seront des centres de
domination mais aussi d'acculturation. Quand, vers l'an 50 avant J.-C., César se met
à conquérir toute la Gaule entre l'Atlantique et le Rhin. Il peut se baser sur la
Provincia Narbonensis, qui depuis cent ans est pleinement intégrée à l'Empire
Romain et à la civilisation romaine.
Les territoires nouvellement acquis par César seront divisés en trois provinces : la
Gallia lugdunensis, avec Lyon pour capitale, l'Aquitania, avec Bordeaux, et la
Belgica, avec Reims. Dans les trois ou presque quatre siècles à venir, ces provinces
seront entièrement latinisées et constitueront même le centre économique de la
moitié Ouest de l'Empire Romain. Car le sol y est fertile, le climat doux et humide.
L'agriculture peut donc nourrir une population relativement dense, beaucoup plus
dense que par ex. dans l'Italia ou dans l'Hispania, plus montagneuses et arides. Et