Document 1 – Les avantages du vote républicain : « La IIIème République (1875-1940) a mis en place une « entreprise d'acculturation qui vise à récuser certaines formes populaires du politique issues d'un passé sans âge. […] L'école publique jouera ici un rôle primordial. En dénonçant certaines manifestations de violence comme des stigmates d'une mentalité "archaïque" ou "primitive", les manuels scolaires vont contribuer à faire du vote la seule expression politique compatible avec l'exigence de dignité citoyenne. L'entreprise de rationalisation des comportements ainsi engagée apparaît donc comme le prolongement inévitable de l'impératif politique d'échapper à la violence. « Le souci de promouvoir une expression électorale sincère et rationnelle se confond dans la littérature scolaire avec la volonté d'inculquer au futur citoyen une image valorisante de ses devoirs d'électeur. Cet apprentissage vise in fine à modifier le comportement des enfants et de leurs parents afin de les sensibiliser à la gravité d'une telle procédure. […] La participation politique attendue du citoyen se résume donc à une activité spécifique : celle par laquelle les membres de la Nation prennent collectivement part à la sélection des dirigeants et participent indirectement à la formation des politiques publiques. « Le vote devient, ce faisant, la forme légitime sinon exclusive de la participation citoyenne. Les républicains n'ont de cesse de le présenter comme un acte pacifique, organisé, régulier et prévisible ; un acte en tout point opposé aux formes "primitives" de participation politique définies elles comme violentes, inorganisées et irrégulières. Ce renversement a une valeur symbolique exemplaire qu'illustre la substitution imaginée entre le fusil et le bulletin de vote. […] "Dans la République, le gouvernement est confié pour un temps à des hommes élus par leurs concitoyens et responsables de leurs actes. Si le pays est content d'eux, il les maintient au pouvoir ; s'il n'en est pas content, il les change, sans bruit, sans violence, par le seul effet de ses suffrages. Dans une monarchie, on n'arrive à se débarrasser d'un maître, oppresseur ou injuste, qu'au moyen d'une révolution ; le fusil est l'instrument de la délivrance. Dans une république, l'arme toute puissante au moyen de laquelle on arrive à conquérir toutes les libertés et réaliser tous les progrès, c'est le bulletin de vote". […] « En stigmatisant une violence devenue illégitime, les manuels diffusent ce que l'on pourrait appeler l'idéologie du consensus majoritaire : le suffrage universel et, en particulier, la règle majoritaire, fondent seuls désormais la légitimité des gouvernants. La possibilité d'une alternance régulière est présentée comme devant inciter les citoyens à la patience. Investi de toutes les espérances, le bulletin de vote devient "l'arme" par excellence du changement social ». Y. Déloye & O. Ihl, « La civilité électorale : vote et forclusion de la violence en France » in Braud P., La violence politique dans les démocraties européennes occidentales, 1993 Question 1 : Par quelle institution les citoyens français ont-ils été principalement socialisés au vote ? Question 2 : Quelles sont les caractéristiques politiques, c'est-à-dire relatives à la communauté, du vote ? Question 3 : Quels sont les avantages du vote relativement aux autres formes de participation politique, comme la rébellion armée ? Document 2 – Les lois sur la protection sociale qui accompagnent la condition ouvrière : NB : entre 1883 et 1889, le chancelier allemand Bismarck met en place un système de protection sociale fondé sur l’assurance des 1928-1930 : Loi sur les assurances sociales pour couvrir notamment risques des ouvriers. les risques liés à la maladie, la vieillesse, la maternité. Ces assurances 1898 : Loi sur les accidents du travail. sociales fonctionnent par l’achat de titres financiers. Le crash de 1910 : Loi sur les retraites ouvrières et paysannes. Des caisses de 1929 qui touche la France vers 1932 fera diminuer radicalement le retraite sont organisées par l’Etat mais l’âge légal de la retraite est montant des revenus de transfert. fixé à 65 ans alors que l’espérance de vie moyen des ouvriers est de 1932 : Création des allocations familiales gérées par l’Etat. 50 ans. 1938 : Mise en place du Code de la famille. Document 3 – Les lois sur la protection sociale accompagnant la condition salariale : NB : en 1942, le chercheur anglais William Beveridge publie un 1948 : Régime d’assurances vieillesse pour différentes professions rapport défendant le principe d’une Sécurité sociale universelle d’indépendants (artisans, professions industrielles et commerciales, constituant un filet de sécurité minimal pour la population, rapport professions libérales) qui sera mis en œuvre à partir de 1945 par le parti travailliste 1958 : Régime chômage (UNEDIC) nouvellement élu 1967 : Création de l’Agence Nationale Pour l’Emploi (ANPE) 1945-1946 : Lois et ordonnances créant la Sécurité Sociale (maladie, 1975 : Généralisation de l’assurance vieillesse à toute la population maternité et famille, retraite) active 1947 : Extension des lois de Sécurité Sociale aux fonctionnaires. 1976 : Allocation de parent isolé (API) 1988 : Revenu Minimum d’Insertion (RMI) Document 7 – Les gains privés et publics d’un système universel de crèches : NB : Les calculs ont été faits à partir des caractéristiques fiscales du Danemark. G. Esping-Andersen, Trois leçons sur l’Etat-Providence, 2008 Document 4 – La « nouvelle question sociale » : « On peut interpréter la question sociale telle qu’elle se pose aujourd'hui à partir de l’effritement de la condition salariale. La question de l’exclusion qui occupe le devant de la scène depuis quelques années en est un effet […]. La salariat a longtemps campé aux marges de la société [, du Moyen-Âge à la Révolution Industrielle] ; il s’y est ensuite installé en demeurant subordonné [, c’est la condition prolétarienne] ; il s’y est enfin diffusé [, c’est la condition ouvrière], jusqu’à l’envelopper de part en part pour imposer partout sa marque [, c’est la condition salariale]. Mais c’est précisément au moment où les attributs attachés au travail […] paraissaient s’être imposés définitivement au détriment des autres supports de l’identité, comme l’appartenance familiale ou l’inscription dans une communauté concrète, que cette centralité du travail est brutalement remise en question. […] La nouveauté, ce n’est pas seulement le retrait de la croissance ni même la fin du quasi-plein-emploi, à moins qu’on n’y voie la manifestation d’une transformation du rôle de ‘‘grand intégrateur’’ joué par le travail. Le travail, on l’a vérifié tout au long de ce parcours, est plus que le travail […]. Aussi la caractéristique la plus troublante de la situation actuelle est-elle sans doute la réapparition d’un profil de ‘‘travailleurs sans travail’’, lesquels occupent littéralement dans la société une place de surnuméraires, d’inutiles au monde ». Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, 1995 Document 5 : Goutard & Pujol, « Les niveaux de vie en 2006 », INSEE Première n°1203, 2008 Document 9 – La tendance contemporaine à l’ ‘‘activation’’ des politiques publiques : « La troisième voie, dans laquelle s’inscrit le projet d’un État social actif, se présente comme une voie qui transcende l’opposition gauche-droite, comme une critique simultanée de l’État-Providence qui survit en Europe continentale et d’une vision libérale de l’État telle qu’elle s’est développée dans les pays anglo-saxons. La thèse est, en résumé, la suivante : s’il s’agit de maintenir en Europe l’ambition d’une protection sociale, il faut acter l’incapacité de l’État-Providence à résoudre le problème du chômage et de l’exclusion sociale […]. Dans ces conditions, pour éviter qu’une logique d’assurance cède progressivement le pas à une logique d’assistance, la promotion de l’emploi doit devenir l’objectif principal de la politique sociale. La méthode privilégiée pour y parvenir est celle de l’ “activation”. Pas de droit sans responsabilités, tel serait le principe fondamental de la troisième voie. Il se fonde sur l’opposition, popularisée depuis de nombreuses années par l’OCDE, entre les politiques d’emploi “passives” et “actives”. Tandis que les premières désignent les politiques traditionnelles d’indemnisation des chômeurs, les secondes se rapportent aux multiples dispositifs visant l’augmentation du taux d’emploi : orientation et formation professionnelle, subsides à l’emploi, abaissement du coût du travail par abattements des cotisations patronales de sécurité sociale. I. Cassiers, « De l’Etat-Providence à l’Etat Social Actif : quelles mutations sous-jacentes ? », Regards Economiques n°36, 2005 Question 1 : Définissez la tendance actuelle des politiques publiques à partir de ce texte. N’hésitez pas à faire un relevé précis des termes employés par l’auteur pour désigner les évolutions. Document 6 – Les effets redistributifs des services publics : « Globalement, les deux approches [utilisées] mettent en évidence un certain nombre de tendances générales qui cadrent, à quelques exceptions près, avec celles constatées lors de recherches antérieures. Les dépenses publiques au titre des services sociaux aux ménages (santé, éducation et logement social) réduisent sensiblement les inégalités […]. La contribution globale des services publics à la réduction des inégalités dans la distribution des ressources économiques des ménages tient essentiellement à une répartition relativement uniforme de ces services entre quintiles de revenu, qui se traduit par une majoration plus importante des ressources au bas de la distribution qu’en haut de celle-ci. [… De plus,] la réduction des inégalités attribuable aux services publics en nature est, en moyenne, inférieure à celle résultant de l’effet combiné des prélèvements fiscaux et des transferts monétaires publics, même si ce n’est pas le cas dans tous les pays [comme en France notamment]. OCDE, Croissance et inégalités, 2008 Montant moyen des transferts en nature par équivalent adulte : Bonnefoy et al. « La redistribution en 2009 », France. Portrait social, Edition 2010 Question 1 : A partir de ce document et du documents 6 page 221, dressez le constat des effets redistributifs des services publics (santé, éducation, logement social). Pour ce faire, n’hésitez pas à citer les textes ou à citer des chiffres du document. Document 8 – Effet global des prélèvements fiscaux et de la redistribution par le biais des revenus de transferts publics et de prestations en nature : INSEE, France : Portrait Social, 2008 Question 1 : Etant donné l’ordre de succession des lignes, essayer de supposer comment est calculé le revenu net ? Le revenu disponible ? Le revenu ajusté ? Le revenu final ? Question 2 : Calculez le rapport interquintile pour chacun de ces niveaux de revenu. Que concluez-vous sur la redistribution et ses différentes étapes en France ? Document 10 – Quel est l’implicite politique de l’activation des politiques publiques ? « Le caractère relativement imprécis des catégories auxquelles se réfère le discours sur l’Etat Social Actif incite à s’interroger sur ses fondements théoriques implicites, et en particulier sur les représentations économiques qui sous-tendent ce projet. […] Si la globalisation financière est actée, elle n’est tenue pour responsable ni de l’apparition d’une crise de l’État-Providence, ni de l’abandon des politiques keynésiennes. […] L’accentuation des pressions de la concurrence est perçue comme un fait inéluctable des sociétés contemporaines. Il n’appartient pas aux pouvoirs publics de chercher à les limiter, fussent-elles génératrices d’inégalités fortes. Le principe d’une égalité de résultat est d’ailleurs abandonné au profit de celui d’une égalité des chances. Le rôle de l’État ne serait pas tant d’assurer une redistribution des revenus que de garantir à chaque individu une même “employabilité”, la participation au marché du travail étant perçue comme le fondement de l’inclusion dans la société. […] « Cet examen des fondements implicites tant du discours sur l’ESA que des pratiques qu’il engendre suggère que ce projet adhère de facto à la doctrine d’une des deux voies qu’il prétend transcender, ce qui explique sans doute les résistances rencontrées dans sa mise en application […] En considérant la globalisation financière comme une donnée, en acceptant comme inéluctable ou souhaitable la passivité dans d’autres registres de la politique économique, en concevant l’activation de la politique sociale comme une mise en conformité des personnes vis-à-vis des exigences du marché, l’ESA ne contribue-t-il pas à consacrer la primauté de l’économique sur le politique ? ». I. Cassiers, « De l’Etat-Providence à l’Etat Social Actif : quelles mutations sous-jacentes ? », Regards Economiques n°36, 2005 « L'exemple du RSA est sur ce point particulièrement significatif. Pour réduire le chômage de longue durée, dont de nombreux allocataires des minima sociaux sont victimes, on postule qu'il est souhaitable pour eux de pouvoir cumuler un petit revenu d'activité et une allocation d'assistance. On crée donc officiellement un nouveau statut : celui de travailleur précaire assisté. Si l'on peut espérer que, pour certains, ce statut ne sera qu'un pis-aller temporaire avant d'accéder à un emploi stable non assisté, on peut déjà craindre que le RSA participe à un mode généralisé de mise au travail des plus pauvres dans les segments les plus dégradés du marché de l'emploi. […] Ce qu'il faut redouter, c'est l'institutionnalisation par les pouvoirs publics d'un sous-salariat déguisé. […] Cette mesure apparaît plus légitime car elle concerne des pauvres dont on pense qu'ils ont intérêt à se satisfaire de ce nouveau statut, mais n'est-ce pas une façon de les obliger à entrer non pas dans le salariat, mais dans ce que l'on appelle aujourd'hui de plus en plus le « précariat » ? On officialise ainsi l'abandon de la notion de plein-emploi, remplacée ainsi de façon manifeste par celle de « pleine activité ». […] Il existait avant le RSA des travailleurs pauvres obligés de recourir ponctuellement — ou, parfois même, de façon régulière — à des aides de l'assistance, mais désormais ce statut intermédiaire n'aura plus ce caractère d'exception. Il sera pleinement reconnu, d'autant qu'aucune limitation de durée n'a été prévue pour pouvoir en bénéficier ». S. Paugam & N. Duvoux, La régulation des pauvres, 2008 Question 1 : A partir des 2 textes, montrer quels sont les acteurs économiques (APU, entreprises, ménages) à qui on demande un effort particulier dans les politiques d’activation.