Stage FSU des 4 et 5 décembre 2013 sur le Financement de la Protection sociale Intervention de Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, membre du HCAA Les dépenses de santé Plan de l’intervention : De quoi parle-t-on quand on parle de dépenses de santé ? La gestion de l’assurance maladie : une maîtrise comptable des dépenses de santé Pour une approche renouvelée de la santé et de l'assurance maladie (encore en discussion au sein de la CGT) 1) La prise en charge socialisé des dépenses de santé Elles sont présentées comme une charge mais la santé, c’est d’abord un secteur majeur de l’économie qui représente environ 10% du PIB et une partie importante de l'emploi total. CSBM = Consommation de soins et de biens médicaux Une activité de service (consultation du médecin, à l’hôpital) Une activité de biens (médicaments) Une activité de biens médicaux (appareil auditif, fauteuil roulant…) On polarise beaucoup sur le médicament : la place de la recherche est importante mais les grands groupes français n’ont pas fait l’effort requis en matière d’innovation et de modernisation. La maladie représente 40% des dépenses de l'ensemble des régimes de base, la vieillesse 45%, la famille 12% et les AT/MP 3 %. Quand on regarde la CSBM, on distingue : la dépense remboursable (par exemple, les cures ne sont pas remboursables) la dépense remboursée : quel taux de remboursement ? appliqué à quel tarif ? Question du dépassement d’honoraires : la consultation peut coûter 75 euros mais le tarif opposable est de 30 euros. S’assurer que son médecin généraliste est bien en secteur 1 mais ce n’est pas évident d’en trouver un. 1 Il y a une stabilité globale apparente du remboursement avec une prise en charge globale de 1 75,5% par l’assurance maladie obligatoire 13,7% par les complémentaires, 1,2% par l’Etat, CMUC mais aussi un reste à charge de 9,6% pour les ménages Or, on observe un recul de 5 points depuis 1980 car la stabilité apparente des dépenses remboursées marque la montée considérable des soins longs et coûteux (ALD). Les chiffres qui suivent sont ceux de 2011 Stage FSU des 4 et 5 décembre 2013 sur le Financement de la Protection sociale Intervention de Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, membre du HCAA En fait, 2/3 des dépenses prises en charge le sont au titre du 100% ALD A l’origine, 25 maladies ouvraient droit à une prise en charge à 100% (soins longs et coûteux). On en est à 30 aujourd’hui (cancer, mais aussi les maladies chroniques qui ne sont pas graves sauf si elles ne sont pas traitées comme le diabète, l’hypertension…) 2/3 des dépenses sont donc concentrées sur 1 assuré sur 6. Le HCAAM2 a mis en évidence que la hausse des dépenses de santé provient plus du progrès technique que du vieillissement démographique (celui-ci n'explique qu'un tiers de la croissance des dépenses de santé). On ne fait pas assez d’IRM en France : si on multipliait par 2 l’équipement des hôpitaux en IRM, cela serait un élément de gain de productivité car on détecterait des maladies insoupçonnables. C’est l’IRM qui a permis d’identifier la maladie d’Alzheimer. On a fait aussi beaucoup de progrès dans les maladies cardio-vasculaires : on meurt beaucoup moins d’un infarctus aujourd’hui ou d’un AVC. Avec les antibiotiques, il y a de multiples infections dont on guérit aujourd’hui. Quand la Sécurité Sociale a été créée en 1945, il n’était pas question de rembourser à 100%. L’objectif était fixé à 80% On compte 3 acteurs différents : la sécu ; les complémentaires ; l’intervention de l’Etat et des Collectivités locales Environ 95% des assurés sont désormais couverts par une complémentaire, dont 5,2 % via la CMU-C qui a été un vrai progrès pour les populations fragiles. Mais il y a encore 2 millions de personnes qui ne sont pas couvertes. Les techniques de couverture complémentaire sont très variées3 : Mutuelles : 55,9% Instituts de Prévoyance (IP) : 20,5 % mais 41,4 % dans le cadre d’accords collectifs avec co-gestion des partenaires sociaux Assurances : 23,6 % Dans la FP, les mutuelles sont très peu aidées. Dans le privé, les aides sont très importantes Exemption d’assiette : les cotisations employeurs pour la complémentaire n’étaient pas considérées comme telles jusqu’à maintenant ; elles sont désormais soumises à l’impôt Partage 40% salariés -60% employeurs mais avec l’ANI 2013, ce sera au moins 50% -50% (si ce n’est pas soumis à l’impôt, c’est plus favorable ; si c’est soumis à l’impôt, cela n’est pas plus favorable qu’avec le 60%) 2 3 HCAAM = Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie Les chiffres qui suivent sont ceux de 2009 Stage FSU des 4 et 5 décembre 2013 sur le Financement de la Protection sociale Intervention de Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, membre du HCAA Affaire des désignations : il y a des populations qui présentent des risques très différents (dans la boulangerie, par exemple), d’où l’idée de mutualisation dans le cadre de la branche professionnelle. L’accord collectif peut « désigner » un IP. Mais cet article a été censuré par le Conseil Constitutionnel (CC) : on n’a plus le droit de faire une « désignation », seulement des « recommandations ». L’amendement du gouvernement « on ne taxera pas de la même manière » risque d’être invalidé aussi par le CC. Derrière tout cela, il y a le lobby des assureurs. Les mutuelles sont dominantes sur les complémentaires individuelles (69,8%), les IP sur les complémentaires collectives (41,4%) mais les assurances ont une part non négligeable du marché (20,2 % des contrats collectifs et 26,3% des contrats individuels). 2) Une maîtrise comptable des dépenses de santé depuis le plan Juppé La lutte contre le plan Juppé en 1995 a été une victoire au niveau des retraites mais le bilan est nettement plus nuancé sur l’assurance maladie. Le plan Juppé a introduit l’ONDAM (Objectif National des dépenses d’assurance maladie) qui constitue désormais un élément structurant du système : mais il s’agit d’une logique purement comptable et non médicalisée. L'objectif de dépenses remboursées par l'ensemble des régimes d'assurance maladie est réparti entre les grandes catégories de dépenses : hôpitaux, soins de ville, médicosocial. L’ONDAM était jusqu’ici à un niveau élevé et systématiquement dépassé. Il est aujourd’hui à un niveau de plus en plus serré et respecté. C’est la conséquence : de mesures d’économies qui ne sont pas contestables (comme la mutualisation des achats, le développement des médicaments génériques) mais aussi de mesures qui représentent des reculs comme les déremboursements, l’introduction de forfaits (1 euros, K50 si l’acte est lourd) La T2A (Tarification à l'activité) est un mécanisme technocratique censé garantir l' « efficience » de l’Hôpital public. Le système qui provient des USA, a été mis en place progressivement en France pour savoir ce qu’on dépense à l’Hôpital public. Chaque acte médical se voit attribuer une « valeur ». Depuis 2005, le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) permet de disposer d'informations quantifiées et standardisées pour mettre en place la T2A. Les dotations allouées aux Hôpitaux par l’Etat dépendent des actes réalisés. On mesure les actes qui rapportent et ceux qui ne rapportent pas. L’hôpital a donc intérêt à se spécialiser sur les actes qui rapportent. Un système qui pousse aux fermetures des petites structures (quand il n’y a pas de viabilité financière) et aux restructurations. Aujourd’hui tous les hôpitaux publics sont déficitaires (environ 100 M d’euros) et ont recours aux emprunts sur le marché (affaire des prêts toxiques) Stage FSU des 4 et 5 décembre 2013 sur le Financement de la Protection sociale Intervention de Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, membre du HCAA Roselyne Bachelot a fait voter la loi HPST (Hôpital, Patient, Santé, Territoires) Une conception managériale de l’hôpital dont le directeur se comporte comme un patron d’entreprise. Une étatisation du système de santé avec la création des ARS (Agences régionales de santé) obligatoirement présidées par le préfet de Région et où les représentants des assurés sociaux sont minoritaires. L’assurance maladie est largement dessaisie. A été introduite la notion de convergence tarifaire entre le public et le privé mais la structure de qualification n’est pas la même entre les deux (salaires inférieurs dans le privé). Marisol Touraine a mis fin à cette convergence, c’est une bonne chose car cela faisait converger le public vers le privé au niveau de la masse salariale. 3) Pour une approche renouvelée de la santé et de l'assurance maladie La CGT se prononce pour une approche renouvelée. Elle a souvent approuvé les rapports et avis du HCAAM, notamment celui de 2012 qui indique que le meilleur moyen d’assurer l’efficience du système de santé, c’est de mieux l’organiser. Il y a en effet des gaspillages. Mais on ne part pas d’objectifs comptables. Pour nous, la santé, c’est un droit de l'homme. Selon la définition de l’OMS (1948), la santé, ce n’est pas l’absence de maladie, mais un état complet de bien-être physique, mental et moral. C’est une bonne définition car on n’est pas dans la seule logique du curatif. La question du travail est essentielle, aussi : AT (accidents du travail), MP (maladies professionnelles), TMS (troubles musculo-squelettiques) et RPS (risques psychosociaux). Le « mal travail » coûte 80 Mds d’euros par an (soit 4 points de PIB). La CGT se prononce pour une prise en charge globale du patient, qui doit être au centre du dispositif. Il faut casser la séparation entre médecine de ville et hôpital et organiser le système de santé en réseau avec de vrais centres de santé de proximité : pas un simple regroupement de quelques médecins, comme c’est le cas dans les zones rurales, mais un rôle pivot dans le système pour : assurer la continuité des soins sur le territoire, y compris auprès des spécialistes assurer une coordination des professionnels entre la ville et l'hôpital, autour du patient, assurer la prévention et l'éducation à la santé évaluer les besoins de santé sur le territoire Il faut sortir du système actuel de liberté d’installation et sortir de la médecine entièrement à l’acte. Il y a un vrai débat dans la profession médicale sur la liberté d’installation. Il faut créer des convergences : on en a avec MG France mais pas avec la CSMF (des intégristes du libéral). Stage FSU des 4 et 5 décembre 2013 sur le Financement de la Protection sociale Intervention de Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral de la CGT, membre du HCAA Le problème de l’assurance maladie, ce n’est pas que les gens consomment trop mais que les recettes sont insuffisantes. La clé passe aussi par une sortie du tout libéral. Beaucoup de jeunes médecins ont envie d’être salariés pour avoir la sécurité. Il faut développer un statut de médecin salarié. La CGT ne défend pas le système de « numerus clausus ». Quand on instaure un tel système, on doit se poser la question de la capacité, ou non, d’ici 40 ans, de couvrir tous les besoins. On n’a pas trop de médecins, en général : il faut regarder par spécialités. La CGT se prononce pour la reconquête par l’AMO (assurance maladie obligatoire) : augmenter le taux de remboursement et élargir le périmètre. On a des débats internes sur le taux de remboursement à exiger. Certains demandent 100%. Il faut dans un premier temps revenir sur les reculs, les déremboursements. Arriver à 75%, ce serait déjà bien en incluant le dentaire, l’optique, l’auditif. En France, les médicaments qui ont obtenu une AMM (autorisation de mise sur le marché) sont classé en différents niveaux selon leur SMR (Service médical rendu)4. Pour nous, tout médicament doit être remboursé. La notion de SMR est pour nous une aberration car c’est le médecin qui prescrit. Un médicament peut ne pas guérir mais faire baisser les symptômes et c’est déjà cela. Pour nous, si un médicament n’est pas remboursé, alors cela ne doit pas être considéré comme un médicament mais comme un bien de consommation. Il y a un jeu des lobbies pharmaceutiques, à travers notamment les visiteurs médicaux. En l’absence de formation continue pour les médecins, ce sont les laboratoires qui la financent La CGT propose une gouvernance renouvelée : il y a une responsabilité de l’Etat mais la sécurité sociale a une mission globale (on n’est pas pour la séparation des risques) et elle doit avoir une gestion démocratisée (on est passé en 2004 du Conseil d’administration au Conseil tout court. Il faut revenir au C.A des assurés sociaux et à l’élection des administrateurs des caisses. En 1945, il y avait 2/3 de représentants des salariés). La CGT demande l’abrogation de la loi HPST, mais pas la suppression des ARS : on préfère les transformer pour parler de « territoires de santé » en tenant compte de la diversité des territoires. L’échelon régional nous paraît pertinent pour permettre une approche globale. Mais on ne veut pas d’une structure présidée par le préfet de région : cela doit relever du paritarisme avec prise en compte des avis des personnels. 4 Pour mémoire, les quatre niveaux de SMR des médicaments sont les suivants : SMR important (Remboursement à 65 %) ; SMR modéré (Remboursement à 30 %) ; SMR faible (Remboursement à 15 %) et SMR insuffisant (avis défavorable à l'inscription sur la liste des médicaments remboursables).