1
Quelle importance dans le devenir déviant ou délinquant
de la période de la grossesse et de l’accouchement ?
Jusqu’à une période récente, la pré natalité était entourée de mystère et son importance se limitait
à celle d’une période de croissance physique. On ignorait tout du développement et des capacités
cérébrales du fœtus. Le fœtus apparaissait comme un être passif, dénué de toute capacité de perception et
d’apprentissage. Longtemps, on s’est imaginé que le fœtus, à l’abri dans le ventre maternel, ne percevait
rien et n’éprouvait rien jusqu'à la naissance.
Les recherches récentes montrent que non seulement le fœtus perçoit de nombreuses sensations
mais que celles-ci sont indispensables à sa croissance et contribuent à son développement harmonieux.
On sait désormais grâce aux progrès de la science que le fœtus est un être humain actif et réceptif, doté de
multiples compétences sensorielles et d’une capacité de mémoriser certains événements de la vie intra-
utérine sous la forme d’ « empreintes affectives » qui forgeront sa personnalité.
Concernant le développement sensoriel du fœtus, les organes des sens et les centres cérébraux
correspondant sont en place dès la fin de la période embryonnaire, vers trois mois de vie intra-utérine.
Pendant les six mois de la période de la vie fœtale, ils se développent et affinent leur spécialisation, avec
des modalités différentes selon la qualité et l’intensité des stimulations reçues.
-Ainsi, la vue s'exerce peu dans la nuit utérine.
-L'odorat se développe, conjointement avec le goût, grâce à un organe olfactif spécifique de la gestation
et adapté à la détection de molécules odorantes en milieu aqueux.
-Le goût entre en jeu quotidiennement et manifeste ses préférences. Le fœtus absorbe chaque jour une
certaine quantité de liquide amniotique. Si l'on injecte dans ce liquide une substance sucrée, il en avale
double ration. Mais si l'on ajoute une substance amère, il n'en prend que très peu.
-Le toucher concerne l'ensemble de la peau.
-Pour ce qui est de l’ouïe, l'enfant perçoit les sons bien avant que l'oreille ne fonctionne. Dès la période
embryonnaire, il reçoit les vibrations sonores par des cellules réceptrices de sa peau, de ses muscles et de
ses articulations.
Le fœtus humain est par conséquent doté d’un système sensoriel très compétent lui permettant
d’interagir avec son environnement, notamment maternel. Il imprime également dans sa mémoire
cellulaire des empreintes affectives qu’il reçoit de sa mère, de son père, voire de leur entourage. Ces
événements se gravent définitivement dans le système nerveux et vont entraîner toutes formes de réaction
dans l’ensemble du corps : viscérale, musculaire, vasculaire. Le fœtus est donc capable d’emmagasiner
des souvenirs avant sa naissance et de les conserver au-delà de sa vie intra-utérine.
2
Ce constat selon lequel le fœtus garde en mémoire un certain nombre d’événements de sa vie
intra-utérine invite à s’intéresser à la période primale et à s’interroger sur l’importance qu’elle peut revêtir
dans la vie d’une personne. Cette découverte a été le point de départ de nombreuses études concernant la
santé primale.
Selon Michel ODENT qui est le pionnier de la santé primale, obstétricien français dirigeant
le centre de recherche en santé primale basé à Londres, la santé primale constitue une période
cruciale de l’enfantement.
Se pose alors la question de la définition de cette notion de « santé primale ». Il la définit comme les
niveaux d’équilibre atteints par le système d’adaptation primale à la fin de la prime enfance (c’est-
à-dire environs un an après la naissance) ; période à laquelle ce système a atteint sa maturité.
Qu’est-ce que le système d’adaptation primale ? Ce système est un tout. Il renvoie à trois
dimensions. Prenons un exemple. Imaginons l’annonce d’une bonne nouvelle ou la vue d’une arme
menaçante. En fait, qu’il s’agisse de joie ou de peur, dès qu’il y a émotion il y a toujours une
réponse de l’ensemble du système d’adaptation primale c’est-à-dire une ponse à la fois au niveau
du cerveau, au niveau du système hormonal et au niveau du système immunitaire. Ce rapport
tridimensionnel constitue le système d’adaptation primale ; système qui à la fin de la prime enfance
renvoie à la « santé primale ». La santé primale se construit donc pendant toute la riode d’étroite
dépendance à la re, d’abord dans l’utérus (ce qui renvoie à la phase de la grossesse), puis
pendant le processus de l’accouchement et ensuite pendant la période de la prime enfance.
Pour M. ODENT les étapes, entre autres, de la grossesse et de l’accouchement sont donc
primordiales dans le devenir de l’individu. La santé ultérieure de l’individu est liée à son vécu
durant la période primale. Or, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) la santé se définit
comme « l’état de bien-être complet sur le plan physique, mental et social. » Pour l’O.M.S., la santé
ne se limite pas à l’absence de maladie, d’infirmité. Par conséquent, en partant de cette définition de
la santé, on peut dire que M. ODENT considère qu’il existe un lien entre le vécu pendant la période
primale et le bien-être physique, mental et social ultérieur de l’individu.
Comme nous l’avons dit précédemment, la grossesse et l’accouchement font partie de cette période
primale. Ces deux périodes pourraient donc avoir un impact sur le bien-être physique, mental et
social ultérieur d’une personne. Faut-il en déduire que la grossesse et l’accouchement peuvent
avoir un impact dans le devenir déviant ou délinquant d’un individu ?
Pour tenter de répondre à cette question, il apparaît tout d’abord cessaire de définir les
termes de « déviance » et de « délinquance ».
3
Selon le dictionnaire Le Petit Robert, le terme « déviance » est un mot d’usage récent (les années
1960) qui, dans son sens psychologique signifie un « comportement qui échappe aux règles admises
par la société ». Plus précisément, l’adjectif « déviant » permet de désigner la « personne dont le
comportement s’écarte de la norme sociale admise ».
Pour qu’une situation de déviance existe il faut que trois éléments soient réunis :
- existence d’une norme
- comportement de transgression de cette norme
- stigmatisation de cette transgression
Concernant l’existence d’une norme, on peut dire que pratiquement toute notre vie sociale est
organisée par des normes. Tous les normes qui peuvent exister ne sont pas obligatoirement
juridiques. Il existe en effet de nombreuses normes sociales, non moins impératives, quoique non
juridiques (normes familiales, normes professionnelles…). La notion de déviance s’étend donc au-
delà du strict domaine juridique. On peut donc dire que, si les concepts de déviance et de
délinquance présentent d’importantes similitudes, il n’existe pas de parfaite corrélation. En effet,
alors que la notion de délinquance réduit la norme à son acceptation juridique (renvoie aux
infractions que les lois punissent d’une peine), le concept de déviance considère la norme dans une
acceptation sociologique, plus globale.
Cette norme doit ensuite être transgressée et la transgression doit être stigmatisée. Cette
stigmatisation peut se faire de manière formelle ou informelle. Par exemple, le simple détournement
du regard ou du corps constitue une stigmatisation ?
Par conséquent, au vue de la définition du concept de déviance on peut dire que c’est une notion
extrêmement large qui englobe aussi bien les comportements « criminels » (c’est-à-dire la
délinquance), que les différentes formes de troubles mentaux (ex : autisme), ainsi que les
comportements autodestructeurs tels que le suicide, les troubles alimentaires, la toxicomanie…
On peut donc dire que les notions de « déviance » et de « délinquance » renvoient au bien-
être mental et social. Elle rentre donc dans la définition de la santé qui est donnée par l’O.M.S.. On
peut donc en déduire, au vue des développements précédents, que la grossesse et l’accouchement
pourraient avoir un impact sur le devenir déviant ou délinquant d’un individu.
En effet, nous verrons dans une première partie que durant la période périnatale des facteurs
de risques de déviances ou de délinquances peuvent apparaître, ce qui implique une certaine
importance de la période de la grossesse et de l’accouchement dans le devenir déviant ou
délinquant. Puis, nous verrons dans une seconde partie que ces facteurs de risques sont
« combattues », par le biais de la prévention mais également par la relativisation de leur importance
dans le devenir déviant ou délinquant d’un individu.
4
I. L’apparition de facteurs de risques de déviance ou de délinquance
pendant la période périnatale
L’enfant peut en effet développer des risques importants de déviance et de délinquance à la fois
pendant la grossesse (A) et pendant la naissance (B).
A. Des facteurs de risques liés au comportement de la femme durant
la grossesse
Les incidences sont nombreuses, durant la grossesse, de l’état de la femme, qu’il soit physique ou
mental, sur le développement du fœtus et du futur adulte qu’il deviendra.
1. Des facteurs extrinsèques : la prise de stupéfiants
La grossesse chez une mère toxicomane est considérée comme une grossesse à risques. D’un
point de vue pharmacologique, il est clairement établi que les différents toxiques inhalés, ingérés ou
encore injectés dans le corps d’une femme enceinte sont susceptibles de traverser le placenta. Ainsi, ces
substances vénéneuses sont assimilées par le fœtus avec un certain nombre de conséquences néfastes
potentielles, qui varient selon le type de produit utilisé, des quantités ingérées, de sa qualité ou de la
fréquence de consommation.
Conséquence de la consommation de médicaments pendant la grossesse :
Des recherches menées
1
montrent que tout médicament donné à la mère modifie les systèmes de
neurotransmission du fœtus, en particulier au cours de la période critique de leur formation, provoquant
des changements à long terme dans le comportement de l’enfant.
Une autre recherche
2
a montré que les femmes ayant été anesthésiées au cours de leur grossesse mettaient
au monde des bébés moins gros. Leur faible poids de naissance peut résulter de modifications
physiologiques qui pourront affecter leur comportement par la suite. Ces nouveaux-nés seront ensuite
plus lents et plus apathiques que les autres.
Des auteurs danois ont établi un lien entre une exposition prénatale aux analgésiques et le risque de
schizophrénie.
Un risque plus important de devenir toxicomane n’est pas en outre à négliger.
Conséquence de la consommation de tabac pendant la grossesse :
Aujourd’hui, 25% des femmes, très dépendantes, continuent à fumer pendant leur grossesse. D’un
point de vue chimique, la nicotine augmente la fréquence cardiaque du fœtus, ainsi que sa tension
artérielle. L’oxyde de carbone contenu dans la fumée va se fixer sur l’hémoglobine du fœtus qui sera en
1
HOLLENBECK (1985)
2
HOLLENBECK
5
conséquence moins oxygéné. On parle d’hypoxie fœtale, ce qui va nuire à la croissance intra-utérine du
fœtus.
Le tabac a des conséquences graves sur le développement de l'enfant parce qu'il s'attaque au système
nerveux central. « On a découvert de fortes associations entre la consommation de tabac pendant la
grossesse et les problèmes de comportement chez l'enfant. On observe notamment des problèmes
d'hyperactivité et de délinquance juvénile»
3
. Les enfants exposés à la fumée du tabac in utero sont plus
agressifs, plus impulsifs, plus hyperactifs, plus inattentifs, et plus oppositionnels que les autres. Les autres
problèmes reliés à la consommation de tabac pendant la grossesse sont les risques plus élevés de fausses
couches, un petit poids à la naissance, et des taux plus élevés du syndrome de la mort subite du
nourrisson.
Conséquence de la consommation d’alcool pendant la grossesse :
S’il n’existe pas de correspondance mathématique entre le degré d’alcoolisme de la mère et les
risques pour l’enfant, on sait qu’une consommation élevée entraîne des complications fréquentes et
graves. Des consommations modérées sont loin d’être anodines, tout particulièrement au cours des trois
premiers mois de grossesse.
Près de deux femmes enceintes sur dix consomment de l'alcool pendant la grossesse. Environ une femme
enceinte sur 100 consomme de l'alcool au moins une fois par semaine. « On estime qu'un enfant sur 1000
souffre du syndrome d'alcoolisme fœtal (SAF) »
4
. Le SAF est la première cause connue de déficience
intellectuelle dans le monde occidental. Les conséquences sont dramatiques pour ces enfants qui
présentent de graves déficits sociaux et cognitifs permanents. A la naissance, les enfants atteints de SAF
peuvent accuser des retards de croissance, présenter des malformations faciales, des déficiences
intellectuelles (le QI moyen est de 80), ainsi que des problèmes sociaux et de comportement. À l'extrême,
l'enfant naît en état de manque à l'alcool, avec un tremblement d'alcoolo-dépendant.
Adolescents et adultes, les troubles du comportement sont très fréquents avec un risque élevé de
développement d’une délinquance plus ou moins aggravée par l’environnement. L'instabilité prédomine.
Elle entrave l’intégration sociale. Le risque de devenir dépendant de l’alcool et des drogues est accru.
L’enfant, alcoolique à la naissance, risque fortement de retomber dans l’alcool s’il est amené, une fois
devenu adulte, à recroiser le chemin de l’alcool.
Conséquence de la consommation d’héroïne pendant la grossesse :
En France, au moins un cinquième des toxicomanes sont parents
5
. Si la naissance d’un enfant
apparaît statistiquement corrélée à l’évolution favorable du ou de la toxicomane
6
, on sait peu de choses
sur le devenir de ces enfants.
3
David FERGUSSON, de l'Université Christchurch en Nouvelle-Zélande
4
Claire COLES, du Marcus Institute à Atlanta
5
FACY et LAURENT, 1992
6
CURTET et DAVIDSON, 1987
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !