3 Conclusion
Notre société manque-t-elle particulièrement d’humilité, ou est-elle au
contraire en train de la découvrir ?
Gaëtane Lamarche-Vadel, écrivain et philosophe, estime que « l’humanité et
l’humilité sont tombées ensemble, l’une avec l’autre, dans l’oubli ;alors il nous
prend parfois un vertige : la réussite, le progrès conduisent-ils à l’élimination de la
vie ? Nous perdons pied, glissons sur les choses, ne sentons plus rien, ne jugeons
plus rien. Les réponses arrivent avant les questions, les solutions techniques
suppléent l’expression ou dispensent d’avoir quelque chose à dire.
Pour lutter contre ce dépérissement, il convient de « remonter à la source des
valeurs morales et de porter un regard neuf sur elles ».
Il est urgent de « faire la distinction entre les règles morales maintenant
érodées, et les illuminations de quelques hommes ou femmes, chrétiens,
musulmans, juifs ou hindous…d’où nous vient la certitude de la puissance des
vertus. Dans leurs récits, l’humilité apparaît d’une vitalité et d’une audace
déconcertante dont nous n’avons pas fini de tirer des enseignements ».
Les poètes et les écrivains les plus vrais cheminent dans la voie de l’humilité ;
la plus belle phrase est celle qui semble donnée, sans volonté forcenée, mais dans
l’attente d’une sorte de grâce :
« J’aime le poème lorsqu’il s’évapore dans l’air, lorsqu’il flotte dans l’air,
lorsqu’il devient un objet musical et qu’il s’évanouit. J’aime ce moment où le livre
s’évapore. C’est un moment de grande jouissance » (Pierre Lartigue).
L’humilité ramène aux choses élémentaires : « Je ne veux être qu’un grain de
sable de façon à ce qu’on ne puisse me réduire à moins » ( P. Reverdy ).
Elle n’est pas une résignation, mais une lucidité, une disponibilité à ce qui
arrive, une acceptation du présent ; elle avive la pensée car elle propose une autre
mesure des choses : « simplicité dérisoire des choses élémentaires où le regard et la
pensée craignent de se poser de peur de plonger dans un abîme sans fond… où tout
commence pourtant… et recommence.
Comme la hauteur de la montagne se mesure à la profondeur de la vallée,
ainsi l’abîme révèle l’altitude de l’âme » ( G.Lamarche-Vadel ).
L’humilité est au croisement de la pensée mystique et de la parole poétique :
« Je rêvais que j’étais sur une longue planche en bascule sur la rive d’un
grand fleuve bordé de sable éblouissant, et à chaque bout de la planche, c’était
moi, tantôt en l’air, tantôt en bas. Mais à l’un des bouts, c’était moi déjà mort, à
l’autre encore moi, mais vivant. Et tous les deux à chaque montée et à chaque
descente, de rire aux éclats et de pleurer alternativement » ( P. Reverdy ). D.G.