Proposition de sujet de thèse 2008 à l’ED Diversité du Vivant. Les réseaux d’interactions champignons mycorhiziens-plantes-pollinisateurs : flux de nutriments entre plantes via les champignons VA et impact sur les relations plantes-pollinisateurs. Directeur de thèse : Co-encadrants : Isabelle DAJOZ *, Université Paris Diderot Patricia GENET *, Université Denis Diderot * Laboratoire Bioemco, UMR CNRS 7618, équipe Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes, ENS, 46 rue d’Ulm, 75230 Paris cedex 05, France. Stéphane DECLERCK, Université Catholique de Louvain Unité de microbiologie, UCL, MBLA - Croix du Sud 2, bte.12, 1348 Louvain-laNeuve, Belgique. Résumé : Les champignons à vésicules et arbuscules (VAM) sont des symbiontes racinaires obligatoires de la plupart des espèces végétales. Ils favorisent notamment la croissance des plantes en améliorant leur nutrition minérale. Ces champignons, peu spécifiques, peuvent coloniser une ou plusieurs plantes en même temps, formant ainsi un réseau interconnectant entre elles des plantes d’une espèce ou d’espèces différentes. Une des conséquences de ces réseaux fongiques est la possibilité de transferts de nutriments entre plantes, transferts potentiellement contrôlés par les champignons. Si les VAM se révèlent être des acteurs clé dans la distribution des nutriments entre plantes, ils peuvent être d’une importance majeure dans le développement et le maintien des communautés végétales et de leur biodiversité. De la même manière, ces champignons peuvent influer indirectement sur d’autres interactions, notamment celles des plantes avec les pollinisateurs, via la nutrition minérale des plantes et l’attractivité des fleurs qui dépend de l’état nutritionnel des plantes. En effet, la reproduction de nombreuses plantes dépend des pollinisateurs. L’objectif du sujet proposé est donc d’étudier (i) si les VAM peuvent activement distribuer les nutriments entre les plantes, et (ii) l’impact des interactions VAM-plantes sur les interactions plantespollinisateurs. 1 Descriptif du sujet : Les champignons à vésicules et arbuscules (VAM) sont des symbiontes racinaires obligatoires de la plupart des espèces végétales herbacées et sont très répandus dans les écosystèmes terrestres (Smith et Read, 1997). Les VAM favorisent notamment la croissance des plantes en améliorant la nutrition minérale de celles-ci (Jakobsen, 1995). En effet, les hyphes peuvent s’étendre loin des racines et explorer un volume important de sol et donc avoir accès à des ressources en eau et en nutriments du sol inaccessibles directement aux racines. Les champignons mycorhiziens sont plus ou moins spécifiques et peuvent coloniser une ou plusieurs plantes en même temps, formant ainsi un réseau mycélien interconnectant entre elles des plantes de la même espèce ou d’espèces différentes. Une conséquence de ces réseaux fongiques est la possibilité de transfert de nutriments entre plantes et notamment de carbone (Whitfield 2007). Bien que la littérature rapporte des résultats contradictoires, Simard et al. (1997) ont montré par marquage isotopique des transferts de carbone entre arbres via le mycélium de champignons ectomycorhiziens. De même, des individus de l’espèce d’orchidée Neottia nidus-avis peuvent bénéficier d’un apport de carbone des arbres voisins via le même processus (Selosse et al. 2002). Ce type de fonctionnement au sein du réseau d’interactions plantechampignon-plante peut être considéré comme une dérive de la symbiose mycorhizienne vers un parasitisme d’un végétal sur un autre, avec l’apparition de plantes « source » et de plantes « puits » reliées entre elles par le mycélium. Les plantes occupent une place privilégiée au sein des écosystèmes puisqu’elles sont à l’interface entre le compartiment hypogé (le sol) et le compartiment épigé (compartiment atmosphérique) et elles établissent des symbioses-mutualismes avec des organismes appartenant à ces deux compartiments. C’est le cas des relations plantes-pollinisateurs. En effet, dans les écosystèmes terrestres, de nombreuses plantes dépendent des pollinisateurs pour leur reproduction et il a été montré que la diversité de la faune pollinisatrice jouait un rôle important dans la pérennité et la productivité des communautés végétales (Fontaine et al. 2006). Les champignons mycorhiziens, en améliorant la nutrition minérale des plantes, devraient permettrent à celles-ci d’être plus attractives vis-à-vis de leurs pollinisateurs via des fleurs plus grandes, plus colorées, des récompenses (nectar, pollen) plus abondantes ou de qualité variable (Gange et al. 2005). Les communautés végétales constituent donc un matériel de choix pour l’étude de l’influence de la diversité des interactions hypogées (racines-VAM du sol) sur les interactions épigées (plantes-pollinisateurs). L’objectif du sujet proposé est de mieux comprendre (i) le rôle des champignons à vésicules et arbuscules dans la distribution des nutriments entre plantes (rôle de simple conduit ou rôle actif dans le transfert des nutriments) et (ii) l’impact des interactions champignons mycorhiziens-plantes sur les interactions plantes-pollinisateurs. Si les champignons mycorhiziens se révèlent être des acteurs clé dans la distribution des nutriments entre plantes, ils peuvent être d’une importance majeure dans le développement et le maintien des communautés végétales et de leur biodiversité. De la même manière, ces champignons peuvent influer indirectement sur d’autres interactions, notamment celles des plantes avec les pollinisateurs, via la nutrition minérale des plantes et l’attractivité des fleurs qui dépend de l’état nutritionnel des plantes. Les interactions champignons-plantes participeraient ainsi au maintien de la qualité et de la dynamique des réseaux d’interactions au sein des écosystèmes, assurant en partie la pérennité des écosystèmes et la fourniture de certains services écosystémiques (production de miel par exemple). Le sujet s’articulera autour de 3 axes : Axe 1) Mise en évidence du transfert des nutriments entre plantes via les champignons à vésicules et arbuscules Les expériences seront réalisées en conditions contrôlées (culture in vitro, expériences réalisées en Belgique) afin de mieux appréhender les mécanismes sous-jacents à ces transferts potentiels de nutriments et en conditions semi-contrôlées (culture en pots contenant du sol, expériences réalisées sur Paris) afin de se rapprocher des conditions naturelles. Les dispositifs expérimentaux sont des dispositifs à compartiments. Chaque dispositif est constitué d’un compartiment central appelé « champignon » (différents traitements : absence de champignon, une espèce fongique, plusieurs espèces fongiques) et de plusieurs compartiments latéraux appelés « plante » (une plante par compartiment, plante de la même espèce ou d’espèces différentes) interconnectés. Dans le cas des cultures en pots, la séparation entre les différents compartiments d’un dispositif se fait via une toile en nylon dont le diamètre des mailles (20-25 µm, Van Aarle et al 2002) permet le passage des filaments fongiques mais pas des racines. En conditions contrôlées, les cultures sont réalisées dans des boîtes de pétri. Chaque traitement sera répliqué plusieurs fois. 2 Après croissance des plantes et installation de la symbiose mycorhizienne dans les traitements mycorhizés (soit environ 2 mois), des nutriments marqués (15N, 33P) seront apportés dans le compartiment champignon des dispositifs de chaque traitement (mycorhizé, non mycorhizé) et leur incorporation dans les tissus fongiques et/ou végétaux sera suivie. Du carbone marqué (13C) sera apporté au niveau du compartiment d’une plante source pour être assimilé via le processus photosynthétique et sa distribution sera suivie dans le champignon puis les autres plantes. Les paramètres analysés seront : - des paramètres de croissance végétale (biomasse, nombre de noeuds, nombre de feuilles, taux de mycorhization racinaire…), - des paramètres du développement fongique (longueur hyphale, nombre de spores,…) - des teneurs en éléments marqués (N, P, C, ratio N/C, P/C, N/P) dans le champignon et les plantes. Axe 2) Impact de la mycorhization sur le transfert de nutriments entre plantes en conditions de stress. Les champignons mycorhiziens peuvent-ils « orienter » le transfert des nutriments entre les plantes en fonction de l’état physiologique de ces dernières ? Pour cela, au sein de la moitié des dispositifs expérimentaux choisis aléatoirement, une des plantes de chaque dispositif sera soumise à un stress (stress hydrique, carence en minéraux). Le suivi du transfert de nutriments (N, P, C) entre les plantes via le champignon sera à nouveau suivi grâce à des traceurs isotopiques comme dans l’axe 1 (le carbone pouvant être apporté au niveau des plantes non stressées ou des plantes stressées). Plusieurs hypothèses peuvent être émises : (i) les transferts de nutriments sont fonction de l’état physiologique du champignon qui subvient en priorité à ses besoins, (ii) les plantes non stressées vont subvenir majoritairement aux besoins à la fois du champignon et des plantes stressées, (iii) les plantes stressées, par exemple par une carence en minéraux, constituent une source de carbone pour le champignon et un puits fort pour les minéraux (N, P). Des études sur des algues ont montré qu’une carence minérale (N, P) pouvait conduire à une excrétion de composés carbonés dans le milieu. En effet, la photosynthèse des algues carencées se poursuit, le CO2 n’étant pas limitant, mais le carbone assimilé ne peut être investi dans le développement des plantes du fait de l’insuffisance en minéraux (Lacroix, comm pers). Ce processus pourrait se retrouver chez les plantes herbacées stressées qui pourraient ainsi se maintenir dans l’écosystème. Axe 3) Impact de la mycorhization sur les relations plantes-pollinisateurs. Les dispositifs expérimentaux (cultures in vitro et en pots) seront maintenus jusqu’à obtention de la floraison des plantes. Celles-ci seront alors mise en présence d’insectes pollinisateurs type bourdons afin d’étudier la qualité des interactions plantes-pollinisateurs via l’analyse du comportement de butinage des insectes et de l’attractivité des plantes. Les paramètres analysés seront : - des paramètres floraux (nombre, taille des fleurs) et de qualité du nectar (teneur en sucres, en acides minés) chez des plantes mycorhizées ou non, produites en pots ou en culture in vitro. Des différences potentielles pourraient être liées à des variations de l’attractivité des fleurs en relation avec des paramètres floraux (taille et forme de la corolle, proportion de germination des grains de pollen, abondance des récompenses offertes aux pollinisateurs (quantité/qualité du nectar, du pollen). - le comportement de butinage des insectes (temps de vol, temps d’alimentation) et les conséquences sur le succès reproducteur des plantes. Les différents aspects abordés dans ce sujet permettront de mieux comprendre le fonctionnement des réseaux d’interactions au sein des écosystèmes et les conséquences que cela a sur le fonctionnement global et la pérennité des écosystèmes. Comprendre et préserver les mécanismes naturels existant dans les écosystèmes peut aider à une gestion plus soutenable et durable de l’environnement. Références : Fontaine C., Dajoz I., Meriguet J. & Loreau M., 2006. PloS Biology, 4: 129-135. Gange A. & Smith A., 2005. Ecologycal Entomology, 30: 600-606. Jakobsen I., 1995. In: Varma A., Hock B. (Eds), Mycorrhiza. Springer-Verlag, Berlin, Germany, pp. 297-324. Selosse M-A., Weiss M., Jany J-L. et Tillier A. 2002. Mol. Ecol., 11: 1831-1844. Simard S.W., Perry D.A., Jones M.D., Myrold D.D., Durall D.M. et Molina R., 1997. Nature, 388: 579-582. Smith S.E. et Read D.J. 1997. Mycorrhizal symbiosis, second ed. Academic Press, London. Van Aarle I.M., Olsson P.A. & Söderström B., 2002. New Phytologist, 155: 173-182. Whitfield J., 2007. Nature, 449: 136-138. 3