Du concept de relation et de son rôle en religion et en philosophie

DU CONCEPT ONTOLOGIQUE DE RELATION
ET DE SON ROLE EN RELIGION ET EN PHILOSOPHIE
Larticle de Francis Jacques : « De la relation en général, et
comment elle se recatégorise en théologie », paru dans le
« cahier 12 » donne à penser, de façon nouvelle et audacieuse,
les rapports entre philosophie et religion ainsi que les diverses
« formes » de la relation. Sans une juste intelligence de ces
dernières et surtout de la relation comme « catégorie »
structurale de lêtre, toute philosophie reste inachevée et toute
religion insatisfaisante pour un esprit exigeant.
I PHILOSOPHIE ET RELIGION, DEUX DEMARCHES SPECIFIQUES
Examinons en un premier point les rapports entre
philosophie et religion en tant quelles représentent deux
démarches spécifiques de la conscience humaine.
A) La religion objet pour la réflexion philosophique
Dabord, la religion peut être considérée comme « objet »
pour la réflexion philosophique, au même titre que la science,
par exemple, ou encore lart ou le droit. Il sagit alors de
« philosophie de la religion » ou de « philosophie de telle ou telle
religion ». Lhistoire des idées nous montre que beaucoup de
philosophes, de Platon jusquà Hegel, en passant par Kant, et
sans oublier les contemporains, ont « réfléchi » sur la nature
religieuse de lhomme et ont « interprété » son actuation concrète
dans telle ou telle religion, souvent selon la religion qui était en
fait la leur ou à laquelle ils sopposaient.
B) Usage théologique de la philosophie
Ensuite il y a lusage qui est fait de la philosophie, ou de
telle ou telle philosophie par les « fidèles » des religions, soit
pour amener les esprits à partager leurs convictions religieuses,
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soit pour se défendre contre les critiques philosophiques dont
leurs croyances sont « lobjet », soit surtout pour se donner à
eux-mêmes une intelligence rationnelle de leur propre adhésion.
Il sagit alors dune démarche « théologique » en laquelle la
conscience « croyante » ou plutôt « fiduciale » réfléchit sur elle-
même et son Révélateur.
Dune part, on constate que les « théologiens » surtout les
théologiens institutionnels se servent habituellement de
philosophies déjà existantes, comme les physiciens se servent
ordinairement dun langage mathématique déjà constitué, et
dautre part, cest aussi sur des religions déjà formées et
pratiquées que les philosophes surtout les philosophes
décole exercent leur discernement interprétatif. Ainsi
entendues, la philosophie des religions reçues et la théologie
avec ses équipements philosophiques empruntés népuisent pas
la réalité existentielle des rapports entre lactivité philosophique
de lhomme et sa vie religieuse. De plus elle ne rend pas
intégralement compte des exigences méthodologiques de la
raison et de la foi. En sy arrêtant, on se cantonnerait en une vue
trop statique et déchirée de lactivité vivante et inventive de
lesprit, à la fois réflexive et fiduciale.
C) Constatation d’une passivité méthodologique
chez les philosophes et chez les théologiens
Et la raison ultime de cette insuffisance est à chercher dans
cette part de passivité objectiviste, tant en la pensée philoso-
phique quen la pensée théologique. Pour la philosophie, cela se
comprend dans la mesure elle « reçoit », comme son objet, la
religion en létat elle se présente, sans chercher à la faire
évoluer vers plus dauthenticité, du fait de ne pas sestimer partie
prenante dans la réception dune « révélation ». Pour la
théologie, cela se comprend dans la mesure elle accepte, en
imitation de sa soumission à une vérité révélée, telles ou telles
doctrines philosophiques comme si elles étaient l’œuvre
définitive de la Raison et donc sans chercher davantage à les
modifier dans un esprit de meilleure fidélité aux exigences
rationnelles.
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Cette part de passivité de la philosophie et de la théologie
est aussi liée à un confinement de chaque démarche dans une
sorte de « solitude méthodologique », comme si chacune était
pour elle-même la seule source de vérité. En revanche, lesprit
retrouve le chemin de son activité inventive de vérité, lorsquil
respecte à la fois loriginalité de chaque méthode et leur
nécessaire interdépendance en raison de lunité de la personne
humaine et de sa structure ontologique. Car il est évident que les
méthodes de connaissance sont fondées sur une structure de
lêtre qui les rend possibles. Ce rapport entre l« être » et le
« connaître » sera quelque peu suggéré dans le deuxième point.
Mais cette première approche, bien quinsuffisante, a le
mérite de montrer quelles sont les orientations respectives du
philosophe des religions et du théologien usant de philosophies,
en mettant en évidence le point de départ de leurs analyses. Le
philosophe sappuie sur des vérités « découvertes par lui » par
« réflexion en sa propre réalité humaine » ; le théologien
sappuie sur des vérités « révélées par cet Autre qui les réalise
pour lui » à qui il a donné son « adhésion de foi ».
Aussi à partir de leurs points de départ respectifs, le
philosophe et le théologien sont engagés en une dialectique
dynamique, souvent conflictuelle, mais nécessairement orientée
vers et finalement génératrice dune synthèse en laquelle la
réflexion et la foi trouveront chacune leur épanouissement. Usant
de méthode réflexive, et en lappliquant selon toutes ses
exigences, le philosophe des religions considère, jusquà
lintégrer complètement comme objet de réflexion, lattitude du
croyant quil peut aussi être en lunité de sa personne et il
procède au discernement critique des messages qui se donnent
pour révélés. Le théologien, sappuyant sur la réalité de son
adhésion de foi et usant de philosophies, cherche à donner aux
vérités révélées à sa foi, non une origine philosophique, mais une
intelligibilité en accord avec des vérités philosophiquement
fondées et préalablement disposées rationnellement à accepter sa
foi en la réalité dune révélation.
Si le philosophe des religions surtout de sa religion et
le théologien, usager dune philosophie surtout de sa
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philosophie, celle de sa culture conduisent leur recherche en
des sens opposés, cest sur la même route quils cheminent. Et
sur cette même route, tantôt ils vont chacun de lavant dans leur
sens propre, tantôt ils font retour sur le chemin parcouru pour
sen mieux assuré et alors ils se retrouvent aller dans le sens de
lautre, en sorte que chacun est amené à parcourir la même route
dans les deux sens.
D) Pour une dialectique dynamique
entre philosophie et théologie
Dune conception statique et cloisonnée entre philosophie et
religion, il faut passer à une dialectique dynamique et unifi-
catrice entre la réflexion et la foi. Dialectique unificatrice, car
cest le même homme qui est, en son unité personnelle, à la fois
et distinctivement, philosophe et croyant ; dialectique dyna-
mique, car en son unité personnelle, lhomme, philosophe et
croyant, est en devenir de lui-même selon la structure
constitutive de son être.
La réflexion philosophique ne peut se dire achevée sans
avoir donné un fondement ontologique à lacte de foi et sans
avoir établi les conditions a priori de possibilité et dintelli-
gibilité dune conduite de révélation. Au terme de sa réflexion
spéculative, le philosophe désirera même rencontrer le
Révélateur qui sera tel quil pourra « croire en lui de tout son
être », telle la femme qui dans la pleine conscience de ses
possibilités dêtre épouse et mère désire rencontrer lhomme qui
lui révélera son engagement de telle sorte quelle pourra croire
en lui de tout son être.
Une foi nest authentique quen discernant la valeur de
réalité et de vérité de la révélation qui lui est faite. Le croyant a
besoin du philosophe. Lhomme croyant se fera même
philosophe et tentera daller jusquau bout des exigences
dintelligibilité de la réflexion, pour croire authentiquement et se
voir justifié rationnellement dans une foi authentique. En
dautres termes, le croyant qui se veut authentiquement croyant
se fera « théologien », non seulement pour user dune
philosophie existante, mais pour créer une intelligibilité nouvelle
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en philosophie, si les philosophies existantes ne font pas aux
conduites de foi et à la possibilité dune révélation transcendante,
la place qui leur revient de droit dans une ontologie
compréhensive de tout le Réel. Il sera telle une femme qui
comblée dun amour authentique cherche à en comprendre la
nature essentielle pour en vivre pleinement. Le croyant qui, au
contraire, craint la philosophie et ses critiques, qui veut les
ignorer ou les rejette, renonce à tendre vers la perfection de sa
foi, telle une femme qui, éveillée à lamour, craint ses exigences
et veut senfermer dans lémotion de sa première révélation.
Toute tentative philosophique, cest-à-dire tout système
philosophique, doit être jugée, comme le remarque Kant par
rapport à « lidéal » de la philosophie, idéal que chaque tentative
sefforce de réaliser. De même toute prétention de révélation et
toute conduite de foi doivent être appréciées par rapport aux
exigences constitutives de lêtre révélateur et du sujet croyant. Or
comme ces idéaux de la réflexion philosophique et de la foi au
Révélant, sont des « idéaux » et nont donc pas de alisation
concrète parfaite, sinon ce ne serait plus des « idéaux », on ne
peut juger de la valeur de leurs réalisations par « comparaison
objective », comme entre « modèle et imitations ». Dans le cas
des rapports entre la réflexion et la foi, on pourra apprécier lune
et lautre, non seulement en fonction de leurs propres exigences
dintelligibilité, mais aussi en fonction du degré dharmonisation
et dunification dynamiquement réalisées entre telle conception
philosophique et telle religion historique.
Dune part, le philosophe qui a réfléchi sur la « nature
croyante ou plutôt fiduciale » de lhomme, et qui à la suite de
cette réflexion découvre lexigence éthique de croire, perçoit
aussi que la religion de sa culture et de sa tradition culturelle
nest pas automatiquement, par le seul fait quelle lui est
transmise, la religion qui véhicule une révélation authentique,
telle que la nature de son pouvoir de croire constitutif de son être
le souhaite. Le philosophe dans sa quête dune foi et dune
révélation authentiques nest pas lié en conscience à la religion
de son enfance et de ses pères. Il soumettra celle-ci à un examen
critique. Peut-être se fera-t-il que le message pour sa foi, reçu
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