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Economie nationale 26 novembre 2003
"Une politique ''à la suédoise' en matière de couverture sociale
est-elle envisageable pour la Suisse ?"
Etude de MM. P.-A. Bole et F. Lachat
Commentaires & critique
Appréciation d'ensemble
Votre étude est très riche en informations et vos camarades auront certainement beaucoup
appris en vous lisant. Le plus souvent, vous étayez vos analyses avec les données chiffrées
pertinentes (certains tableaux, cependant, sont difficilement lisibles, du moins dans mon
exemplaire). Votre texte est aussi écrit de manière généralement acceptable et se lit aisé-
ment. Votre position de fond - vive le système social suédois que la Suisse ferait bien
d'imiter - est aussi parfaitement claire et vous ne succombez pas au travers typique des
économistes quand ils doivent prendre position : "On the one hand... On the other hand".
De tout cela soyez remerciés. Voilà pour le positif.
De l'autre côté du bilan, il me semble que la principale faiblesse de votre étude est l'ab-
sence d'un certaine ligne directrice, d'un "leitmotiv" ou schéma analytique clair qui guide
le lecteur. En effet, on a souvent un peu l'impression que vous procédez par juxtapositions
et comparaisons partielles, avec ci et quelques jugements un peu à l'emporte-pièce.
Quelle aurait pu être une telle ligne directrice au plan analytique ? On peut en imaginer
plusieurs, dont celle-ci que je vous soumets.
Un système à la suédoise est plus satisfaisant que d'autres d'un point de vue éthique si la
philosophie dominante dans la société est égalitaire.
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D'où une première question : (1) La
philosophie sociale dominante en Suède est-elle vraiment égalitaire ? Votre réponse à
cette question, fondée sur les succès électoraux des sociaux-démocrates, est positive. Soit,
mais on pourrait cependant vous faire observer que les partis de droite, qui représentent
surtout les classes sociales "supérieures" (chefs d'entreprise, professions libérales, etc.),
ont un poids non négligeable. Ce qui soulève une autre question : (2) Ces classes, à qui il
revient de financer le système social suédois et qui vont donc être "redistribuées contre",
acceptent-elles de jouer le jeu ? A mon avis, elles l'ont joué pendant longtemps - d'une
part par conviction (la justice sociale), d'autre part parce qu'il y a aussi quand même des
contreparties avantageuses pour elles (stabilité et tranquillité sociales). Dans ces circons-
tances, un système à la suédoise est compatible avec une économie fonctionnant de ma-
nière relativement efficace et il n'y a pas ou peu de "trade-off" entre équité et efficacité.
Cependant, d'après ce que je sais, je ne suis pas sûr que lesdites classes sont toujours au-
tant disposées à jouer le jeu. En d'autres termes, la Suède ne va-t-elle pas vers une certaine
fracture sociale ou un certain divorce social dans la mesure ceux qui sont "redistribués
contre", c'est-à-dire les éléments les plus productifs dans la société, l'acceptent de moins
en moins ? Si c'est le cas, on pourrait être alors moins optimiste que vous sur la suite des
événements.
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Aucun doute, à ce sujet, que les sociétés diffèrent profondément dans cette dimension : les USA, par exemple,
ne sont pas ou que très peu égalitaires et les Américains acceptent, dans l'ensemble, un degré élevé d'inégalité.
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Pour répondre à la question qui constitue votre titre, il faut bien sûr se poser alors les
mêmes questions pour la Suisse en adoptant le même schéma analytique. A mon avis, la
philosophie sociale en Suisse est nettement moins égalitaire qu'en Suède ou, au mieux,
elle l'est de manière assez différente. Preuve en soit qu'il y a en Suisse une majorité "bour-
geoise" de plus ou moins deux tiers - les votations du début de l'année en ont donné une il-
lustration frappante. S'il y a peut-être quand même un certain égalitarisme en Suisse, il est
limité et se manifeste, me semble-t-il, surtout en ceci que tout le monde ou presque est
d'accord pour atténuer le sort de ceux qui se trouvent au bas de l'échelle sociale, mais sans
pour autant "écrémer" exagérément les hauts revenus à la manière suédoise. "La pauvreté
nous dérange, mais nous n'envions pas la richesse", telle pourrait être une formule pour la
philosophie sociale qui domine en Suisse. Le corollaire est que plus ou moins tout le
monde "se cotise" pour aider ceux au bas de l'échelle bien qu'il soit cependant concevable
que les plus aisés fassent un effet proportionnellement un peu plus important. Si cette vue
de la philosophie sociale dominante est correcte, une évolution - voulue ou plus ou moins
involontaire en raison d'une certaine inertie - du système social helvétique dans une direc-
tion suédoise finirait alors par provoquer des problèmes et, partant, mettrait en péril l'effi-
cacité économique.
Pour des commentaires plus ponctuels, voir ceux de Sylvain et, j'imagine, du 'discutant'.
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