Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle L1

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Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle
L1 -Anglais Culture Economique
Chapitre 2 : L’équilibre général néoclassique
Les néoclassiques ont été les premiers à formaliser les raisonnements économiques sous forme
mathématique, donc à faire des modèles. Mais ils raisonnaient d’abord au niveau des
comportements individuels, dans la mesure où ils prolongent la pensée libérale des classiques
(Smith, Say, etc.). C’est Léon Walras qui a forgé le modèle d’équilibre général (dit walrassien),
devenu au fil du temps le modèle de concurrence parfaite. Pour lui l’économie est une science
naturelle.
Les modèles théoriques (et économétriques) sont des représentations simplifiées de la réalité.
Cette image théorique sert à la fois un but descriptif -ou positiviste (comprendre scientifiquement
le réel) et normatif (trouver les règles qui permettent d’atteindre des objectifs que l’on se pose).
Le modèle de concurrence parfaite est souvent considéré comme un modèle normatif car il est
souvent utilisé comme tel ! Il peut être aussi considéré comme une sorte d’étalon à partir duquel
on peut comprendre par « écarts au réel » les mécanismes de la vie économique concrète.
I/ Présentation générale du modèle
A/ Les fondements micoéco de la macroéco :
Les acteurs sont rationnels-maximisateurs donc la demande est toujours décroissante avec les
prix et l’offre est toujours croissante avec les prix. La microéconomie analyse comment les
consommateurs et les producteurs effectuent des choix sous contrainte :
 Choix de consommation sous contrainte de revenu pour les Cteurs (droite d’isobudget)
 Choix de leur combinaison des facteurs de production (droite d’isocoût) sous contrainte
physique de rareté du travail et du capital pour les Pteurs.
Les producteurs de l’analyse microéconomique deviennent des offreurs (en macroéconomie)
qui produisent des biens à l’aide de facteurs de production de deux types : travail et capital qui
s’échangent sur leur marché respectif. Seul importe de savoir combien ils utilisent de travail et de
capital et combien ils fournissent de biens finis sur leur marché. L’offre globale est la somme de
toutes les offres individuelles.
Les consommateurs de la microéconomie deviennent des demandeurs en macroéconomie, qui
expriment une demande solvable variant en fonction du prix des marchandises. La demande
globale est la somme de toutes les demandes individuelles.
B/ Les objectifs du modèle :
L’analyse macroéconomique s’intéresse aux équilibres sur les marchés (marché = lieu de
rencontre de l’offre et de la demande de biens et services, variables en fonction du prix. Le prix qui
égalise l’offre et la demande et « vide » le marché est le prix d’équilibre).
C’est par la variation des prix que l’équilibre peut être atteint. Ils jouent le rôle de signal auprès
des agents pour modifier leurs offres et leurs demandes. Ils résument toute l’information dont ont
besoin les agents pour déterminer leur niveau d’offre/demande (« ils sont fait pour dire les coûts –
et le reste : qualité, rareté, etc.- comme les horloges pour dire l’heure » Marcel Boiteux).
Elle cherche à décrire comment l’interdépendance des marchés aboutit à un équilibre général
(EG) qui correspond au système de prix permettant l’allocation optimale des ressources.
L’existence de l’EG a été posé par Léon Walras mais a été démontré en 1954 par Kenneth Arrow et
Gérard Debreu (Nobels 1972 et 1983). C’est un optimum de Pareto (définition) donc un équilibre
dans lequel plus aucun agent n’a intérêt à échanger. Définir l’équilibre néoclassique comme un
optimum paretien sert d’argument normatif aux libéraux.
CITATION de STIGLITZ : L’analyse macroéconomique s’intéresse donc uniquement aux échanges
et pas vraiment à la production et la consommation, même si certaines hypothèses posées en
microéconomie jouent un rôle essentiel. Le contexte institutionnel (= normes juridiques ou
culturelles) n’est présent dans le modèle qu’à travers les prix (taxes, progrès technique, etc.).
M. Latreille
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II/ Principes de construction du modèle néoclassique
A/ Les « conditions de la concurrence parfaite ».
ATOMICITE / La concurrence se définie comme la rencontre sur un marché d’une multitude
d’offreurs et de demandeurs. En macroéconomie cette hypothèse ne sert à rien puisqu’on a une
demande globale pour chaque bien et une offre globale. En revanche, ce qui importe est que les
quantités offertes et demandées s’ajustent en fonction des prix, donc que les agents soient « price
takers ». Or, la situation réelle qui assure que les agents ne peuvent influencer les prix est celle où
leur petite taille leur interdit d’influencer le marché (d’avoir un pouvoir de marché).
HOMOGENEITE / Pour qu’un agent n’influence pas le prix, il ne doit pas pouvoir modifier le
produit. Tous les produits échangés sur un marché sont donc considérés comme strictement
identiques. Sur certains marchés (du travail, du logement,…) on sait que chaque bien est unique.
LIBRE ENTREE + MOBILITE des facteurs de production / Pour que les ressources soient allouées de
la meilleure façon possible, il faut que les facteurs de production puissent se déplacer librement,
sans délai et sans coût.
TRANSPARENCE / L’information de tous les agents est parfaite. Ils doivent tout savoir sur la qualité
des biens échangés mais aussi sur l’existence et sur la situation sur tous les marchés. Par exemple,
sur le marché du travail, dès que le prix diminue, les contrats doivent être renégociés
instantanément.
On voit que toutes ces conditions sont idéal-typiques, qu’elles ne sont que des représentations
simplifiées de la réalité. Mais leur côté « approximation » de la réalité n’invalide pas le modèle. En
revanche, il faudra avoir en tête que les différences entre les résultats du modèle et la réalité
viennent sans doute en grande partie du caractère « approximatif » de ces hypothèses.
B/ La loi des débouchés
C’est une hypothèse essentielle. Les mécanismes de marché assurent un débouché à toutes les
productions (quitte à le faire à des prix très faibles…). Tous les facteurs de production sont tous
employés à des prix déterminés par le modèle. On doit à Jean-Baptiste SAY l’énoncé de cette loi.
(« C’est la production qui ouvre des débouchés aux produits »). Elle repose sur l’idée que tout le
revenu créé par la production est utilisé pour demander ces mêmes produits. Il n’y a pas de fuite
dans le circuit, pas d’argent non utilisé. Si les agents épargnent, cette épargne servira aux
entreprises à acheter des biens de production qui forment une partie de l’offre des biens.
L’épargne sera égale à l’investissement.
Ainsi, la demande globale DOIT être égale à l’offre globale, et une surproduction généralisée est
inconcevable. On va donc vers un équilibre.
CONSEQUENCE 1 : Il ne peut pas y avoir de surproduction et plus on produit plus on gagne.
Logique de croissance extensive (« travailler plus pour gagner plus »). Citation de Marx sur
l’accumulation, moteur du capitalisme.
CONSEQUENCE 2 : Les théoriciens classiques et néoclassiques sont des économistes de l’OFFRE.
Le niveau de production global dépend forcément des quantités de facteurs de production
disponibles sur le marché : il détermine le niveau de revenus et le niveau des prix. Comme le
modèle néoclassique raisonne à court terme, c’est en particulier l’offre de travail qui déterminera
le niveau de production global (le niveau de capital est donné à court terme).
CONSEQUENCE 3 : La monnaie est un simple intermédiaire des échanges, un bien qui n’est pas
demandé pour lui-même puisque toute l’épargne est nécessairement dépensée. Le modèle
néoclassique est bien un modèle de troc (type Robinson sur une île). Pour Mill, Les moyens de
paiement des marchandises sont les marchandises elles-mêmes.
M. Latreille
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C/ La loi des rendements décroissants
C’est une hypothèse forte du modèle néoclassique. Elle énonce que la productivité décroit
quand les facteurs de production augmentent. Or les rendements peuvent être constants ou
même croissants, ce qu’on nomme économie d’échelle.
Les rendements doivent être posés comme décroissants, pour qu’une entreprise ne monopolise
pas toute la production en baissant ses coûts avant les autres et pour que les courbes d’offre de
biens et services soient croissantes (on verra que ça permet aussi aux courbes de demande de
travail d’être décroissantes). Comme les rendements de la production diminuent, le coût unitaire
de production augmente avec la production. Donc une entreprise ne peut produire plus que si sa
recette marginale (donc le prix de vente) augmente.
EN RESUME : Les prix sont exogènes aux agents (ils s’imposent à eux, tout le monde est price
taker) mais sont endogènes au modèle (car déterminé par le modèle, par les rencontres entre
offres et demandes). C’est pour ça qu’on les met en ordonnées. Les quantités et les revenus sont
également endogènes et découleront des équilibres qui s’établiront sur les marchés.
Les vraies variables exogènes sont les dotations initiales des offreurs et des demandeurs, la
technologie et les goûts des consommateurs (qui vont permettre de définir leurs offres et leurs
demandes).
III/ Les propriétés de l’équilibre général walrassien
A/ L’équilibre sur le marché des biens et services
Nous allons montrer que l’équilibre général aboutit à la plus grande efficacité des marchés. La
productivité est le produit de l’efficacité et de l’efficience (pas la somme, car si l’efficacité est
nulle, l’efficience ne sert à rien).
1°) Efficacité des marchés concurrentiels
Les marchés concurrentiels sont efficaces car ils satisfont les consommateurs, non seulement
parce qu’ils trouvent à acheter tout ce qu’ils veulent au prix du marché, mais parce que certains
d’entre eux étaient prêts à payer plus pour le même bien. Cette idée s’observe dans l’étude du
« surplus du consommateur » (qui devrait être au pluriel mais c’est LE consommateur au sens
générique). C’est l’hypothèse de décroissance de l’utilité marginale qui permet de comprendre
pourquoi les consommateurs étaient prêts à payer plus les premières unités consommées. Le(s)
producteur(s) retirent aussi un surplus de la détermination du prix d’équilibre dans la mesure où
ils étaient à vendre moins cher une plus petite quantité de biens (leurs rendements décroissants
leur assuraient quand même des profits élevés).
On constate que le surplus total augmente quand les courbe d’offre (ou de demande) se
déplacent vers la droite. Le surplus est donc un bon indicateur de « bien-être » social puisque sa
hausse accompagne la hausse des quantités échangées.
Une conséquence : l’intervention de l’Etat réduit l’efficacité des marchés. La preuve par le
contrôle des loyers. On voit que le surplus global diminue. Seuls ceux qui ont déjà un logement
sont gagnants : les propriétaires et tous les demandeurs qui ne trouvent pas de logement sont
pénalisés. Comme le plafonnement rend moins rentable l’offre de logements, elle va diminuer.
L’Etat peut aider les locataires en redistribuant les revenus en leur faveur, mais sans toucher au
prix d’équilibre sur le marché. Stiglitz : « On ne peut pas faire comme si les lois de l’offre et de la
demande n’existaient pas » = on ne peut ignorer la référence (benchmark) du modèle
concurrentiel.
Conclusion : Sur un marché concurrentiel, le prix et la quantité d’équilibre correspondent au
surplus total le plus élevé possible. (Smith : 1° citation)
M. Latreille
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2°) Efficacité « au sens de Pareto »
Une économie est Pareto-efficace à trois conditions : que les échanges soient efficaces, que la
production le soit et que la combinaison des biens produits le soit aussi.
Echanges efficaces : quand chacun reçoit les biens qu’il aime. A la fin de l’échange, les individus
n’ont plus de raisons d’échanger. Chaque consommateur, par ses actions individuelles, contribue à
assurer l’efficacité de l’échange. Personne ne peut savoir mieux que lui ce dont il a besoin (Smith :
2° citation).
Production efficace : il n’est pas possible d’accroitre la production d’un bien sans réduire la
production d’au moins un autre bien. L’économie doit se situer sur sa frontière des possibilités de
production. En passant de P1 à P2 on améliore le bien-être de la société. Mais comment choisir
entre P2 et P’2 ?
Efficacité de la combinaison des biens produits : Il faut que les biens produits reflètent bien les
préférences de chacun. C’est par le système de prix que le marché va orienter vers la production
du bien A ou du bien B. Si la demande de A augmente relativement à son offre, le prix va
augmenter et va attirer des offreurs sur ce marché.
La concurrence donne donc lieu à une économie très efficace.
CEPENDANT la répartition des ressources (même optimale) peut être très inégalitaire.
L’efficacité au sens de Pareto ne veut pas dire qu’il n’existe aucun moyen d’améliorer le sort d’une
ou de plusieurs personnes. Il est toujours possible de retirer des ressources aux uns pour les
donner aux autres, et d’améliorer ainsi le bien-être de ces derniers. Pour redistribuer les revenus,
la société n’est pas obligée de supprimer les marchés concurrentiels. Il lui suffit de redistribuer les
richesses détenues par les individus, SAUF QUE presque toutes les mesures que prend l’Etat en
matière de redistribution interfèrent avec le fonctionnement de l’économie de marché. D’où la
citation de Stiglitz sur l’éducation, qui propose de modifier le plus tôt possible la répartition des
ressources.
[AVEC UNE LIMITE : en produisant trop de diplômés l’Etat modifiera la valeur des diplômes,
donc ne permettra pas à tous de trouver un « meilleur emploi ». Que le marché ne conduise pas à
l’optimum de Pareto ne démontre en rien que l’intervention de l’Etat améliore la performance de
l’économie (Jacques Généreux)]
B/ L’équilibre sur le marché du travail
 La demande de travail dépend d’abord de la productivité marginale du travail : un salarié ne
peut pas être payé en dessous de sa productivité marginale. Ex : Si un apprenti boulanger
permet pendant 30 jours de faire 50 baguettes de plus par jour à 0,5 € de bénéfice unitaire, il
sera embauché si son salaire ne dépasse pas 50 x 0,5 x 30 = 750 €.
Comme la productivité marginale du travail est décroissante (en raison de la loi des rendements
décroissants) la demande de travail est décroissante en fonction du niveau moyen de salaire. En
effet, on suppose qu’au départ les employeurs embauchent les salariés les plus productifs à un
niveau de salaire égal à leur productivité marginale (donc élevé). Si les employeurs embauchent
plus de salariés, ils vont les choisir de moins en moins productifs et vont donc baisser le niveau
moyen de salaire en conséquence. Les payer autant que les premiers embauchés, plus productifs,
ne serait simplement pas rationnel, ni concurrentiel : un employeur « altruiste » qui s’y risquerait
aurait des coûts de production supérieurs à ses concurrents et ne serait pas compétitif.
La demande de travail dépend aussi du niveau des prix des biens vendus : si le prix des
baguettes augmente de 0,10 €, on embauchera des apprentis boulangers jusqu’à 900 €/mois.
Donc, la demande de travail dépend exactement du niveau moyen des salaires réels. Le salaire
réel est le salaire nominal divisé par le niveau des prix.
M. Latreille
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 Puisque les salariés arbitrent entre le loisir et le travail, leur offre de travail est croissante avec
le salaire proposé. En effet, plus on travaille, plus le coût d’opportunité du loisir augmente,
c’est-à-dire que la valeur du temps de loisir sacrifié augmente (puisqu’il se fait rare). Seul un
salaire plus élevé peut donc justifier que le salarié se prive d’une heure supplémentaire de
loisirs. : l’effet de substitution joue dans un premier temps.
A un certain niveau d’heures travaillées (correspondant au revenu maximum souhaité par le
salarié), la hausse du salaire peut avoir un effet inverse et justifier que le salarié n’offre pas plus de
travail mais moins, dans la mesure où la hausse de salaire lui permet d’atteindre son niveau de
revenu souhaité en moins de temps, et donc de libérer du temps de loisirs. Cela se traduit
graphiquement par une offre de travail « coudée », que l’on n’utilise pas en théorie dans la
mesure où à une certaine quantité de travail correspondrait à deux niveaux de salaires possibles,
ce qui empêche de déterminer un prix unique d’équilibre.
La courbe d’offre de travail peut se déplacer vers la droite ou la gauche en raison de nombreux
facteurs démographiques :
Les variations de la population active :
• Arrivée/départ de main d’œuvre immigrée
• Décalage générationnel entre nombre d’actifs entrants et nombre de sortants
• Modification des taux d’activité féminins
Les modifications des conditions d’embauche
• Développement des emplois flexibles, temps partiels, etc.
• Développement des contrats aidés (emploi d’avenir, etc.)
Les modifications de la protection sociale
• Modifications des allocations (familiales, chômage, etc.)
• Modifications des minima sociaux (SMIC, etc.)
Les modifications des modes de vie
• Durée des études, natalité et émancipation féminine, etc.
 L’équilibre sur le marché du travail :
Pour les néoclassiques, le marché du travail doit s’équilibrer au niveau qui utilise toutes les
capacités de production. En effet, s’il existe de la main d’œuvre inutile et prête à se « louer », son
prix va baisser jusqu’à sa totale utilisation. Il ne peut rester que du chômage volontaire : chômage
de ceux qui ne travaillent pas en raison du trop faible niveau du salaire du marché. Pour les
monétaristes, comme Milton Friedman (1912-2006) Nobel 1976, c’est le niveau de chômage
naturel.
En présence de rigidité des prix à la baisse (SMIC, notamment), si le prix du travail est
supérieur au prix d’équilibre, la demande sera trop faible et l’offre trop importante. Les
entreprises ne peuvent rationnellement pas embaucher à ce niveau de (sur)salaire. Ce chômage
qui n’est pas dû à une insuffisance de la demande de travail mais aux salaires rigides qui
empêchent l’embauche : on parle de chômage classique (par opposition au chômage keynésien).
Ce chômage est aggravé par l’existence d’aides sociales proches du SMIC, qui rendent le travail
moins attractif que le loisir du chômage. La France a choisi un modèle économique peu libéral qui
augmente le nombre de chômeurs (pauvres), plutôt que de favoriser la création d’emplois (mal
payés).
En théorie, le niveau de salaire d’équilibre est donc celui qui supprime(rait) le chômage
volontaire. En réalité, il peut rester du chômage frictionnel, ou chômage d’ajustement, lié aux
passages des actifs d’un marché du travail à l’autre. Il peut également exister un chômage
structurel lié aux mutations sectorielles. Enfin, les entreprises peuvent surpayer leurs salariés pour
garantir un bon niveau de productivité (ce qu’on nomme le salaire d’efficience).
M. Latreille
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C/ L’équilibre sur le marché du capital
Le capital est une notion polysémique en économie. En microéconomie, il désigne les biens de
production durable utilisés par les entreprises pour produire. Il s’agit du capital fixe (par
opposition au capital circulant –les CI). En économie politique il désigne tous les moyens mobilisés
pour la production, donc aussi les moyens financiers. En macroéconomie il peut désigner
uniquement le capital financier, à savoir la monnaie.
La monnaie a deux usages : soit elle est placée sur un marché monétaire et son prix est alors un
taux d’intérêt, soit elle sert à investir dans des moyens de production et sa rémunération est le
taux de rentabilité. De la même façon que le temps des actifs a deux usages alternatifs (travail ou
loisir), l’usage alternatif du capital explique que son offre soit croissante avec son prix. La
demande est décroissante avec le prix, car si les taux d’intérêts dont trop élevés il n’est plus
intéressant d’investir (sauf avec ses capitaux propres, dont les coûts sont nuls).
Puisque les prix sont flexibles, toute l’épargne disponible est investie. Si les investisseurs
veulent investir plus qu’il n’y a d’épargne, c’est sans doute en raison d’un taux de rentabilité
intéressant : il faut alors qu’ils acceptent de verser un taux d’intérêt supérieur. L’épargne n’est pas
une fuite dans le circuit : la loi de débouchés est vérifiée. On avait dit que cela impliquait la
neutralité de la monnaie, ce que l’on va démontrer maintenant :
La question est de savoir si en injectant plus de monnaie dans le circuit on peut modifier les
quantités produites. La réponse est non, démontrée par la théorie quantitative de la monnaie. On
la doit à Jean Bodin (De la république, 1576) selon lequel l’inflation était due à l’afflux d’or venu du
Nouveau monde. Il s’oppose aux mercantilistes (bullionisme, même) qui pensaient que c’est
l’accumulation de métaux précieux qui fait la richesse d’un pays. Pour Bodin, l’accumulation d’or
ne fait que créer de l’inflation et la vraie richesse est dans les hommes.
La théorie quantitative de la monnaie formalisée par Irving Fisher montre qu’une offre
supplémentaire de monnaie ne ferait que modifier le niveau nominal des prix mais pas leur niveau
réel car la structure des prix relatifs ne change pas. On suppose en effet que la vitesse de
circulation de la monnaie (V) est stable. Dans cette hypothèse, pour un certain niveau de
transaction (Q), toute augmentation de la quantité de monnaie disponible ne fera qu’augmenter
le niveau général des prix (sauf si la monnaie va se placer sur des actifs non pris en compte dans
l’indice des prix – valeurs boursières et immobilières).
On peut représenter ce mécanisme par des courbes d’offre et de demande de monnaie. On
suppose que l’Offre de monnaie est une constante qui dépend de la décision des autorités
monétaires. En revanche la demande dépend de la valeur de la monnaie (qui peut être estimée
par le niveau des taux d’intérêt) et elle décroit avec son prix. Un doublement de M ne provoque
qu’une diminution par deux de la valeur de la monnaie.
On parle de dichotomie classique entre la sphère réelle et la sphère monétaire. Les échanges
ont lieu dans la sphère réelle (ou dans l’économie réelle). Le niveau des prix qui s’établit dans la
sphère monétaire n’a pas d’incidence sur les quantités échangées.
L’effet d’encaisse réelle est un mécanisme dû à Arthur Cecil PIGOU et permettant d’expliquer
comment les variations de la quantité de monnaie en circulation affectent le niveau des prix.
Citation de Jacques Généreux (Economie Politique. Tome 3. p.30). A ce niveau-là, on est
toujours sur la théorie quantitative de la monnaie. Mais Pigou affirmait contre Keynes que la
baisse des prix pouvait stimuler la demande dans la mesure où elle redonne du pouvoir d’achat
aux ménages qui dépensent plus. Ce qui est vrai sauf si les ménages attendent que la baisse des
prix ait totalement joué (ce qui est probable en période de crise où les gens sont attentistes).
M. Latreille
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IV/ Les apories du modèle concurrentiel néoclassique
Ce modèle ne fonctionne que si les conditions sont respectées, ce qui n’est jamais le cas en
réalité. Le fait de se rapprocher des conditions peut nous rapprocher de l’équilibre, ou pas. Le
marché a des défaillances qui l’empêche d’être optimal, mais le modèle aussi a des défaillances.
A. Les défaillances du modèle sont :
 La fixation des prix : qui dit les prix ? Le commissaire priseur est une figure centralisée.
 L’optimum dépend des dotations initiales non déterminées par le modèle. Il peut être
injuste et donc non optimal socialement.
 Les préférences individuelles ne peuvent donner lieu à des préférences collectives
(Paradoxe de Condorcet et Théorème de Sonnenschein– voir Introduction)
B. Les défaillances du marché
Il s’agit des « market failures ». Elles sont souvent la conséquence d’un non-respect des conditions
de la concurrence parfaite (3. et 4.). Mais elles sont dues aussi au fait que toute la production ne
peut être prise en compte par le système des prix (1. et 2.).
1. Les externalités : conséquence d’une activité sur une autre qui ne donne pas lieu à une
compensation financière.
Depuis A. Marshall, l’externalité se définit comme une conséquence positive ou négative d’une
activité économique qui n’est pas prise en compte par le marché. On distingue typiquement les
externalités négatives lorsque le bien-être des autres agents est réduit et positives lorsque celui-ci
s’améliore.
Exemple 1 : l’entreprise qui rejette des polluants dans l’air ou dans les eaux fluviales
(externalité négative) ;
Exemple 2 : la construction d’une station de sports d’hiver sur une commune située en
montagne conduit à augmenter le prix des terrains dont bénéficient les propriétaires fonciers
(externalité positive).
Au début du XXème siècle, l’économiste britannique A.C. Pigou (The economics of welfare, 1920) a
montré que le marché ne conduit pas à l’optimum en présence d’externalités.
Les décisions de chaque agent sont prises sur la base des coûts et des bénéfices privés qui
résultent de ses choix. En présence d’externalité, il existe un écart entre le coût privé (supporté
par l’agent) et le coût social (supporté par l’ensemble de la population)
 En cas d’externalité positive, le rendement social est supérieur au rendement privé : le
marché produit moins que l’optimum ; Ex : les entreprises ne dépensent pas en
recherche si elles pensent que leurs idées leur seront volées.
 En cas d’externalité négative, le coût privé est inférieur au coût social : le marché produit
plus que l’optimum. Ex : la mer de plastique produite par les déchets pétroliers.
Dans les deux cas, l’équilibre du marché n’est plus un optimum au sens de Pareto : le sort de
certains agents pourrait être amélioré sans détériorer celui des autres en faisant disparaître
l’externalité.
Les solutions de marché visant à internaliser les externalités (=réintégrer les coûts sociaux dans les
coûts privés) sont les taxes, les normes et les marchés de quotas d’émission de CO2 (très peu
efficaces par manque de volonté politique.
De plus, les externalités négatives du type « émissions de CO2 » posent le problème de la
dégradation du climat qui est un bien commun.
M. Latreille
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2. Les biens communs et collectifs purs
Il s’agit des biens qui par nature ne peuvent être pris en charge par le marché, essentiellement car
ils sont non excluables, c’est-à-dire qu’on ne peut en faire payer le prix de production réel par ceux
qui en profitent.
Garrett Hardin (1915-2003). The tragedy of commons (1968)
Exemple des vaines pâtures en Angleterre au Moyen-âge.
La « tragédie des biens communs » repose sur le fait qu’il s’agit d’une richesse limitée (la surface
des pâturages dans l’exemple de Hardin) pour laquelle il n’existe pas de droit de propriété
individuel. Les ressources halieutiques, le pétrole, et toutes les ressources non renouvelables sont
des biens communs (y.c. le climat).
C’est une défaillance essentiel du modèle comme du marché, de ne pas prendre en compte la
rareté des ressources non renouvellables, qui sont pourtant un facteur de production essentiel
(mais la théorie ne les prend pas en compte explicitement puisque seuls le travail, le capital et le
progrès technique –qui permet les gains de productivité- sont intégrés au modèle).
3. Les monopoles, cartels et barrières à l’entrée : le paradoxe de la concurrence.
Paradoxe de la concurrence : si la concurrence est un système visant à sélectionner les meilleurs
par élimination des moins bons, elle aboutit forcément à des marchés oligopolistiques, peu
concurrentiels. De plus, ces grandes entreprises sont parfois plus efficaces et productives que les
petites. En tout cas, elles font tout pour échapper aux situations de concurrence prônées par le
modèle néoclassique, en établissant des ententes (cartels) ou en établissant des barrières à
l’entrée.
Cartel : entente entre entreprises jugée défavorable aux consommateurs et portant sur les prix, la
répartition des marchés sur une base géographique ou sur des segments de clientèle, ou sur
l’établissement de quotas de production.
Monopole naturel : toute entreprise dont les rendements sont croissants est un monopole
naturel, dans la mesure où plus elle augmente sa part de marché, plus elle est compétitive.
Barrière à l’entrée : tout obstacle qui empêche l’entrée de concurrents sur un marché. Elle peut
être légale, technique, financière, liée aux particularités du produit, etc.
Il n’est pas sûr que le modèle le plus efficace économiquement soit celui qui mette en concurrence
de toutes petites unités de production, puisque la condition d’atomicité est rarement respectée
sur les marchés concrets. En fait, la science économique, en oubliant sa dimension politique, sousestime les situations de pouvoir. Seuls les héritiers de Galbraith et de Marx continuent de prendre
en compte cette dimension des échanges.
M. Latreille
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4. L’information imparfaite : entraine des asymétries d’information
La condition de transparence du modèle est une hypothèse forte, peu respectée en réalité. De
nombreux agents économiques utilisent leur maîtrise de certaines informations pour influencer le
prix en leur faveur.
George A. Akerlof (Nobel 2001) a mis en évidence la notion d’antisélection à travers l’exemple du
marché des vieilles voitures (market of lemons).
Sélection adverse : (ou antisélection) situation de marché dans laquelle le prix du marché ne
reflète pas toute l’information sur le produit. En l’absence d’information fiable, certains
échangistes peuvent quitter le marché. Si rien ne permet d’améliorer la qualité de l’information,
on peut aboutir à la disparition du marché.
Aléa moral : situation de risque lié à l’incertitude sur le comportement d’un coéchangiste. Il s’agit
d’une défaillance dans le système des incitations, l’acteur étant « poussé » à se comporter de la
façon la moins « utile » socialement.
Les situations d’aléa moral les plus connues sont :

Le marché des assurances-santé : plus un individu sait qu’il est assuré, moins il fait de
prévention. Inversement, savoir qu’on n’est pas assuré crée une incitation à bien se
comporter, c’est-à-dire à éviter les risques (ex : si les fumeurs savaient qu’ils doivent payer
eux-mêmes les soins liés aux tabagisme, certains fumeraient sans doute moins).

Le domaine de la finance : Joseph Stiglitz rappelle que le sauvetage des banques fin 2008
par le trésor américain a été la conséquence de la tentative de ne pas créer d’aléa moral en
laisser Lehmann Brothers faire faillite, en septembre 2008. Or, au lieu d’envoyer un signal
rassurant aux marchés (=les banquiers vont désormais assumer les conséquences de leur
abus de crédits) cela a affolé les spéculateurs qui ont craint que toutes les banques fassent
faillite à leur tour. Depuis, elles considèrent toutes qu’elles sont « too big to fail », ce qui
met le secteur bancaire dans une situation d’aléa moral visiblement irréversible. [la solution
préconisée par Stiglitz serait d’éclater les grandes banques en nombreuses petites dont
aucune ne sera assez grosse, en faisant faillite, pour entrainer les autres].
CONCLUSION :
Non seulement la concurrence non faussée n’existe que dans le modèle théorique, mais les faits
économiques invalident l’efficacité des marchés concurrentiels, ce que l’on constate surtout en
période de récession prolongée, comme le faisait Keynes dans les années 1930.
« The outstanding faults of the economic society in which we live are its failure to provide for
full employment and its arbitrary and inequitable distribution of wealth and incomes. » Keynes,
General Theory.
C’est sur le point du chômage et des inégalités que Keynes va attaquer le modèle néoclassique, en
montrant qu’il est possible de relancer l’activité économique en réduisant les inégalités (idée que
Stiglitz reprend dans « Le prix de l’inégalité », 2013).
M. Latreille
Année 2014-2015
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