Football/Philosophie/France/Sénégal
Joseph Lopy : La philosophie pour apaiser sa vie
(MFI/22.10.2013) Au propre comme au figuré, le milieu de terrain sénégalais
Joseph Lopy raconte avec philosophie sa vie d'athlète loin de sa terre natale.
Arrivé de Diambars en 2011, il se bat pour son club de Sochaux menacé de
relégation encore une fois cette saison. Après quatre titularisations, il a marqué,
ce 20 octobre, un but contre Monaco.
Certes, le garçon n’est pas le plus connu des joueurs de Ligue 1, mais il fait
certainement partie des plus atypiques et des plus intéressants. À 21 ans, ce philosophe
en herbe joue depuis 2011 à Sochaux, un club qui navigue en bas de classement depuis
plusieurs années. Depuis le début de saison, Joseph Lopy a été titularisé à quatre
reprises et essaie, comme ses camarades, de faire bonne figure alors que le bateau
tangue. Sous la houlette d'Hervé Renard qui, le 20 octobre, vivait son premier match
en tant qu'entraîneur de Sochaux, Joseph Lopy a marqué son premier but en Ligue 1
face à Monaco. Et, de surcroît, cette bonne prestation s'est passée à domicile (2-2).
« J’ai le goût du travail »
Joseph Lopy a fait ses classes à Diambars, un institut de formation aux métiers du
football près de Dakar, créé entre autres par Bernard Lama, Patrick Vieira ou encore
Jimmy Adjovi-Boco. Et c’est désormais loin des siens et de sa ville natale de
Ziguinchor qu’il évolue. Ce jeune espoir du football vit désormais dans le Doubs, une
région industrielle austère, où le froid vous glace les os en plein hiver. Peu importe, le
milieu défensif sait que la réussite passe par les sacrifices. « Je sais que dans ma tête et
dans mon éducation, j’ai le goût du travail. Depuis tout petit, j’ai des objectifs. Chez
nous on travaille et il faut toujours compter que sur soi », prévient-il quand on lui
demande si son acclimatation n’a pas été trop rude. « Mon objectif, c’est de devenir un
titulaire indiscutable. La saison dernière, je n’étais pas à cent pour cent à cause de
mes blessures, mais j’ai hâte de montrer ce que je sais faire », insiste le jeune homme.
En ce moment, il lit Aristote
Pour supporter les moments de doutes et les arrêts dus aux blessures, Joseph Lopy a un
passe-temps favori : la philosophie. Adolescent, il est tombé dedans par hasard et cette
précocité pour une matière réputée difficile a de quoi interloquer. Pas lui. « Quand
j’étais en troisième, que je passais devant la classe de terminale et qu’il y avait un
cours de philo, je m’arrêtais et j’écoutais à travers la porte. Ensuite, le prof a accepté
que je rentre et que je me mette au fond de la classe pour assister à son cours.
Aujourd’hui, je cherche des infos sur la philo sur internet. C’est quelque chose qui
impose la réflexion, qui n’est pas dogmatique », explique-t-il. En ce moment, il lit
Aristote.
« Attention, il n’amuse pas la galerie. C’est un vrai passionné de philo. Ça lui permet
même de vivre ses blessures un peu mieux », prévient Jimmy Adjovi-Boco qui l'a
côtoyé à Diambars. La philosophie, c’est peut-être ce qui fait dire à Joseph Lopy :
« Les rapports humains et la chaleur des gens du Sénégal me manquent énormément.
C’est dur d’être loin de sa famille et de ne pas pouvoir parler à son père et à sa mère.
Mais depuis tout petit, on rêve de faire carrière et il faut l’assumer ».
Ces propos résonnent encore plus fort quand Jimmy Adjovi-Boco les commente. « Il a
une réflexion sur le jeu, sur son métier et sur la vie. C’est un gars assez bluffant et j’ai
toujours pensé que pour être un bon footballeur, il faut toujours être dans le
questionnement de son métier. Ça fait progresser plus vite que les autres. Lopy est un
futur grand joueur qui ne paye pas de mine. Il a une grande intelligence et il analyse
très bien le jeu de l’adversaire. Il a cette hauteur d’esprit par rapport au jeu qui doit
tenir de la philosophie. Il ne subit pas les choses, il les vit. Il est fidèle en amitié et il
est très respectueux. Il a beaucoup d’humour et gagne à être connu. »
« On ne devient homme qu'en se surpassant »
En termes d’amitié, son coéquipier et colocataire Papa Demba Camara, troisième
gardien de Sochaux en connait un rayon. « Je le côtoie depuis longtemps. Il m’a aidé à
m’établir ici à Sochaux. Il est super gentil, très calme et très posé. Il aime aider les
gens. On est des frères sénégalais et on vit bien ensemble », raconte Camara qui a
aussi un mot sur sa personnalité. « Il est patient et c’est un gars qui n’aime pas la
facilité. Il veut toujours que quelqu’un le remette en cause, car c’est un bosseur qui ne
lâche rien. »
« Mon premier match à Bonal, c’était contre Evian. On a fait un nul, les Haut-
Savoyards ont égalisé en fin de partie (1-1). Même si j’étais content de rentrer sur le
terrain, j’ai ressenti de la frustration. Je suis un compétiteur et j’ai la gagne dans la
peau », se souvient Lopy. Ça tombe bien, Sochaux a besoin de ce genre de joueur pour
remonter la pente. Entre deux livres de philosophie, Joseph Lopy aimerait bien,
comme d'autres l'ont fait avant lui, écrire une page de l’histoire de son club. « Sochaux
est un club emblématique. C’est un club formateur qui a vu des joueurs passer au
stade supérieur. C’est une chance d’être là et on doit tout faire pour y arriver ». Et
comme l’a écrit Aristote : « On ne devient homme qu'en se surpassant. » Et c’est ce
que fait chaque jour Joseph Lopy.
Farid Achache
L'entretien avec Joseph Lopy a été réalisé avant la venue d'Hervé Renard, l'ancien
sélectionneur de la Zambie.
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