La mise en scène
En décidant de mettre en scène Venavi ou pourquoi ma sœur ne va pas bien
(après que cette pièce a été montée en France et a connu un succès
incontestable), ma volonté est d'arriver à convoquer par la force des mots et les
potentiels d'un seul acteur sur scène, tout l'imaginaire qu'est capable de déployer
le jeune enfant. La pièce n'aborde-t-elle pas les dérives que comporte la relation
tutélaire de l'adulte à l'enfant ? Entre protection et surprotection, l'adulte sait-il
toujours où placer la limite ? Et dans cette éternelle oscillation de l'adulte entre
les deux champs (protection et surprotection), que nous dit l'enfant, le principal
concerné ? L'écoutons-nous suffisamment ou sommes-nous dominés par nos
propres certitudes, nos propres frustrations, nos propres fantasmes et nos saints
désirs d'être de bons parents ? Dans ce spectacle, la parole est donnée à l'enfant
ayant grandi ou plutôt son double puisque, sur scène, il s'agit du jumeau mort
qui a grandi, loin des « bonnes résolutions » des parents et donc forcément, loin
de leurs influences. Le frère, mort mais accompagnant toujours la sœur dans un
monde parallèle, revient donc sur quelques faits marquants de la vie de cette
dernière et les analyse avec nous. Du ventre de leur mère, de la naissance jusqu'à
l'âge de... vingt-six ans, de quoi a été faite cette vie ?
Bien sûr, si sur scène, il s'agit de faire confiance à l'imaginaire de l'enfant, il
n'est guère question non plus de lui imposer une logorrhée indigeste, chose que
ne supporterait d'ailleurs aucun spectateur adulte. Ainsi, tout en faisant rejoindre
au fond la forme, j'ai travaillé avec William Kappoy (l'acteur sur scène avec qui
j'avais eu une première collaboration) sur la présence et la relation qu'il peut
avoir en temps et en heure avec le spectateur. Ce qui implique un jeu qui prend
énormément appui sur le regard et l'attention qu'a le spectateur. Et comme type
de jeu, même si le texte suggère énormément une posture de conteur, nous avons
décidé d'explorer les limites entre la narration et l'incarnation de personnages.
La manipulation de deux objets essentiels, à savoir une statuette et une corde à
sauter vient appuyer le propos. Du point de vue scénographique, et afin de
permettre le jeu prenant appui sur le public il nous a semblé essentiel d'opérer
très peu de séparation entre la salle et le plateau. Aussi la lumière permet-elle le
prolongement du plateau vers la salle sans que cette dernière soit totalement
éclairée.
Rodrigue Norman,
septembre 2012