Les mécanismes cognitifs de la CO en langue seconde Stéphanie ROUSSEL, maître de conférences en études germaniques, docteurs en sciences du langage, université Bordeaux 4 Thèse : Les stratégies d’autorégulation de l’écoute et de leur influence sur la CO chez de apprenants de l’allemand langue seconde Il n’est pas possible de décomposer la CO mais c’est un tout. Les parties sont totalement interdépendantes. La notion de compréhension. Processus qui la sous-tendent : mécanismes psycho-cognitifs : Ce qu’en disent les apprenants lorsqu’ils évoquent leurs difficultés : Ressentir une anxiété ; Problème de concentration ; Ne pas reconnaître les mots ; Manquer le début et donc négliger ce qui suit… Oublier très vite le contenu : mémoire fugitive Ne pas arriver à découper le flux pour construire le sens Comprendre les mots mais pas le message Les apports psycho-cognitifs : La CO est une activité mentale. Cf. étymologie : cum-prehendere = prendre avec soi. Un processus mental complexe pendant lequel les individus construisent le sens du discours (O’Malley). La construction de la cohérence / la production d’inférences. La construction d’un modèle de représentation mentale, d’un modèle de situation à partir d’une forme reçue. C’est la macrostructure = synthèse cohérente ; (la microstructure serait une succession de répliques vides de sens) Des processus complexes ascendants et descendants. Processus perceptifs ascendants (bottom-up) : Traitement des plus petites unités de « bas niveau » (phénomènes physiques ondulatoires) (stimulus sonore : sons , intensité, timbre= aspect phonique), puis des unités de plus « haut niveau ». Ondes → syllabes, phonèmes → lexique Processus perceptifs descendants (top-down) : Les unités de bas niveau sont déduites après accès au niveau supérieur. Redescente pour donner un sens. Le discours est alors découpé en unités lexicales, point de départ de la CO. Il n’est possible de reconnaître les éléments de bas niveau que s’ils sont stockés dans la mémoire. La perception = un double processus de « bas niveau ». Mémoire à long terme (MLT) = « connaissance du monde » (connaissances culturelles : la culture, ma culture, celle des autres ; pragmatiques ; communicationnelles, procédurales : anticipation, planification, régulation, évaluation, etc.). Mémoire de travail = lieu de la construction du sens. Confrontation INPUT/hypothèses. Sélection des données pertinentes. Capacité limitée : Boucle phonologique : pendant que l’on traite les informations dans la mémoire de travail, d’autres nous parviennent et ainsi de suite. Le flux phonologique étant continu, on est toujours décalé par rapport à ce qu’on entend. Temporalité d’exécution des processus : Origine de la compréhension : perception de l’input sonore ; Processus successifs et concomitants ; Particularité de la langue orale : flux continu du discours ; En L1 : fort degré d’automaticité des processus ; En L2 : lenteur d’exécution des processus, notamment de bas niveau. → embouteillage cognitif si surcharge de la mémoire de travail Théorie de la surcharge cognitive : Théorie sous-jacente à l’explication par la psychologie cognitive de la compréhension ; L’intensité du traitement cognitif mis en œuvre par un individu lorsqu’il réalise une tâche donnée dans un contexte particulier ; beaucoup d’énergie consacrée à construire du sens (décrypter) et à accomplir la tâche =effort= difficulté à mettre en place une stratégie (anticipation et élaboration d’hypothèses) que facilite l’aisance acquise avec l’automatisation des processus de bas niveau Inversement proportionnelle aux connaissances du sujet relatives à la tâche. Expérimentation 1 (Vandergrift 2003) : pour distinguer les apprenants qui sont dans le cognitif uniquement (rapport mot à mot) et ceux qui sont dans le métacognitif (rapport plus distancé, déductions, inférences) Expérimentation 2 (Roussel et Tricot) : un protocole unique d’entraînement à la compréhension ? → Levier 1 : automatisation des processus de bas niveau : ex : associer le mot à l’image. Facile en 6ème mais cela devient impossible ensuite. → Levier 2 : processus de haut niveau, stratégies métacognitives ex : associations lexicales, hypothèses, anticipation sur le titre… → Levier 3 : « conscience métacognitive ». Il s’agit faire conscientiser aux apprenants les opérations et stratégies qu’ils utilisent lors de la CO (increase their awareness).Accélération du processus de CO, contrôle sur l’apprentissage, recours aux hypothèses lexicales et idéelles, effet de connaissances antérieures sur le domaine traité Perspectives scientifiques et questionnement : Mesurer l’effet de certains facteurs sur la CO : Effet de mots composés opaques en positions saillante ; Effet de l’émission d’hypothèses (lexicales et idéelles) ; Effet des connaissances antérieures du domaine. Qu’est-ce qu’on apprend quand comprend ? L’objectif est de développer des stratégies pour agir sur les processus contrôlés. Remarque : il est plus dur d’agir sur les processus automatiques Choix et préparation de supports pour la CO Le choix des supports sonores est fonction des objectifs visés : Mettre les élèves en situation de réussite, de comprendre ; lexique accessible, sans ambiguités, problématiques familières, références culturelles connues par l’ensemble, clarté d’élocution, ne pas heurter les sensibilités, choix de sujets motivants. Permettre d’évaluer tous les élèves sans laisser personne au bord de la route, avec doc fournissant suffisamment de contenu pour être en partie au moins accessible à l’ensemble des candidats. Equilibre à trouver entre la propension à bachoter et l’absence totale de cadrage. Eviter les excès : trop d’énumérations : chiffres, dates, débit trop rapide, références culturelles trop spécifiques, tous les ‘trop’… Quels supports ? Authentiques, Liés aux notions du programme Monologue ou forme dialoguée Calibrage d’une minute trente Charge cognitive Audio ou vidéo Un ou deux documents Où les trouver ? Sites institutionnels Portails de ressources médias Les sites de radios et de télévision Les sites des institutions culturelles, fondations, musées… Les sites consacrés à un chanteur, un auteur… Les sites de ressources des universités américaines, d’archives… Le support vidéo doit s’appuyer sur le message sonore qui délivre les informations et qui en reste par conséquent le principal vecteur. La vidéo ne doit pas détourner l’attention du candidat et le distraire des informations véhiculées, ou les contrarier ; La vidéo permet de faire intervenir un plus grand nombre de personnages… Un ou deux documents ? Un seul document sonore de 1mn30 contient en général une charge d’informations plus dense Anticiper Il est conseillé de trouver d’abord un support de qualité puis d’étudier les problématiques adéquates !!, car si on fait l’inverse, on peut avoir du mal à trouver un support qui corresponde au travail déjà fait !! Préparer le support : On lui donne un titre. S’il en possède déjà un, on vérifie qu’il ne constitue pas un « distracteur » ou ne mène pas à une fausse piste. Si c’est le cas on le renomme. On le calibre si nécessaire, en le retravaillant avec un logiciel de traitement. Tester le support : Vérifier que le document pressenti répond aux critères listés ; Tester le document dans les conditions de l’épreuve, sans avoir recours au script… Echanger, mutualiser (en interlangue) Un choix qui donne du sens Un choix à la croisée de nombreuses problématiques, et qui puisse aboutir à une tâche complexe, liant savoirs, actions, résolution de problèmes. Définition des attentes concernant la CO Cette épreuve se solde par un écrit. Activité double, d’audio et d’écrit. Seul le produit final écrit sera évalué. Construction des attendus de l’examen. C’est à l’aide de ces attendus que sera évalué le support. Grande variété de supports possibles. Tester les sujets dans les conditions de l’épreuve, donc éviter de travailler à partir du script afin de bien en vérifier la faisabilité Nécessité de recenser le maximum d’informations repérables par les candidats et de les mettre en regard des descripteurs de la grille. La quantité d’informations repérables dépassera la quantité d’informations qui figureront de manière effective dans la production du candidat. Il faudra ensuite définir les seuils qui permettront de positionner le candidat à un niveau.=lister les éléments repérables fournis par le doc et les mettre en cohérence avec les descripteurs Dans le temps imparti, il ne sera pas possible au candidat d’être exhaustif. Il faudra donc opérer des choix et évaluer de façon positive, par addition de réussites et en valorisant les indicateurs de bonne CO (mots clés, l’essentiel) Toutefois, si inventions, contradictions, si CO est fréquemment parasitée : A2 max Si essentiel compris : B1 Le cas des blancs au milieu des phrases (le candidat a entendu qch mais n’a pas vraiment compris ou n’a pas eu le temps), si les éléments manquants ne sont pas significatif, il conviendra d’être indulgent. Ne pas sanctionner non plus trop lourdement les marques personnelles : « je pense, je crois que… » Si le texte en rédigé en L2, non-respect de la consigne = zéro. Présence de mots de la L2 : être indulgent si ce n’est pas trop fréquent. Valoriser plutôt la pertinence de la CO dans ce cas Ordre chronologique : pas recherché, mais un compte rendu pertinent et classé sera apprécié Orthographe, style, erreurs de syntaxe seront pris en compte dans d'autres épreuves. Positionnement du candidat dans la grille : Une première case en deçà du niveau A1 : candidat très démuni, éléments isolés, sans lien, thème non identifié, production très lacunaire, signes graphiques, fléchage, éléments vides de sens : correspond à des productions très diverses. Distingue la non-production d’une production très indigente qui ne permet qu’une amorce de compréhension. Le repérage d’information lacunaire : A1 : Simples mots clés, puis avec un repérage d’infos et d’idées principales de plus en plus riche, on arrive au A2. S’il est satisfaisant, on passe au B1. (Avec des énoncés plus longs et plus complexes, et l’emploi de connecteurs) Ce n’est qu’à partir du niveau B2 qu’on parvient à une compréhension fine.(détails significatifs, humour, points de vue, inférence, subjectivité) Le candidat va donc au-delà du repérage d’informations factuelles et parvient à l’implicite. On passe de la simple dénotation à la connotation. Il y aura sans doute autant d’attendus que de sujets proposés. Mais cette démarche préalable de recherche des attendus est indispensable. Comment faire ? Quelques propositions d’un groupe de formateurs Le choix de l’audio ou de la vidéo va dépendre de ce à quoi les élèves auront été entraînés. 10 questions à se poser : 1. La durée du document est-elle conforme ? Max 1mn 30 2. Le document est-il authentique ? Textes écrits, lus, supports didactisés à bannir 3. L’anglais est-il « standard » ? Clarté de l’élocution, accent « reconnu » 4. Y a-t-il des éléments susceptibles de gêner la compréhension ? 5. Le document permet-il de balayer TOUS les niveaux de compréhension de A1 à B2 ? 6. Le lexique est-il d’une fréquence d’utilisation trop élevée ? N’est-il pas trop spécifique 7. Le document fait-il référence à un contexte connu des élèves ? (notions) 8. Le déroulement des idées et des faits est-il bien structuré ? Chronologie, liens logiques 9. En cas de support vidéo, le rapport entre le contenu visuel et le contenu sonore est-il approprié ? 10. Le titre du document est-il mentionné ? Donne-t-il des indices pour la compréhension ? Logique interne : Trame narrative (peut-on l’exiger en A2 ou faut-il le réserver pour B1 ?) : Marqueurs temporels ? Déroulements linéaires ? Flashback, ellipses ? Organisation logique : marqueurs logiques ? Enchaînement des idées ? Exemple de support : « Michael, A small wonder » PO Simulations. Rôle du professeur: Il lance l'entretien par une question ouverte, d'ordre général, Puis le candidat prend l'initiative. Dans la conduite de l'entretien toujours bienveillante, positive, les attentes ne seront pas trop précises et le professeur veillera à éviter les questions qui nécessiteraient des réponses trop complexes ou spécifiques. Il s’appuiera sur ce que dit le candidat pour conduire un échange, en lien avec les notions