Disponibilités financières et blocage de la croissance en Algérie:

Problématique du rôle de l’Etat et croissance économique en Algérie
dans la perspective de l’Euromed
Par Youcef BENADALLAH CREAD
et M. Y FERFERA CREAD
contact : y[email protected]r
Le grand espoir du processus de Barcelone et des accords d’association est sans aucun
doute le transfert de ressources financières massives de la rive nord vers la rive sud.
L’investissement direct étranger (IDE) est la forme privilégiée de ce transfert. Cette forme de
financement permet un dépassement du débat qui a été déclenchée par la crise de
l’endettement durant les années quatre-vingts. L’initiative revenant au capital étranger, on
attend de ce transfert un apport de technologie, de savoir et de management. Autant
d’ingrédients de la croissance qui manquent au seul capital argent considéré en tant que tel.
Autrement dit, le transfert de ressources dont il est question dépasse les seuls aspects de la
comptabilité de la balance des paiements.
Les PTM attendent des accords d’association un effet « développement » grâce à ce
transfert qui pourra faire reculer le chômage, la misère et la menace extrémiste pour certains
d’entre eux. Dans les pays de la rive nord, on est tout à fait convaincus que seule une
croissance économique soutenue et durable pourrait garantir la paix et la sécurité dans le long
terme. Malheureusement, le processus de Barcelone et la signature des accords d’association
n’arrivent pas à influencer le climat dans le sens recherché. Le manque de volonté politique
des Etats des deux rives, l’exiguïté et le cloisonnement des marchés de la rive sud, la faiblesse
des marchés financiers, le risque politique etc… sont autant de facteurs avancés avec plus ou
moins de poids selon la démarche choisie.
Sur le plan strictement théorique, il est possible d’extrapoler en partie la
problématique des transferts à la région Euromed ; en partie parce qu’elle n’est pas fermée au
reste du monde. La rive sud est en mesure, au non de ce principe, d’attendre que l’équivalent
du surplus commercial que réalise sur elle l’UE lui revienne sous forme d’investissement
direct étranger. Tout en finançant son déficit courant, elle pourra profiter des effets
dynamiques de l’IDE sur la croissance économique. L’issue du processus de Barcelone reste
suspendue à cette dynamique dont les acteurs sont à la fois privés (marché) et publics. Ces
excédents sont malheureusement investis dans la région PECO , dont l’attractivité a été
améliorée grâce à des soutiens massifs, et en Amérique Latine.
Cette problématique est cependant différente pour un pays comme l’Algérie qui
retiendra notre attention pour cette communication. L’Algérie est le seul pays des 12 PTM qui
dégage des excédents courants sur l’UE. Devenus maintenant quasi structurels, sur le reste du
monde en général et sur l’UE en particulier, ces surplus imposent un traitement analytique
tout à fait particulier du partenariat algéro-UE. L’Algérie est en train d’émerger comme un
acteur majeur dans le domaine des hydrocarbures compte tenu des investissements réalisés et
en cours et des découvertes très importantes durant ces dernières années. En clair, l’Algérie
n’a pas tant besoin de ressources financières, mais plutôt d’un cadre dynamique plus efficace
dans la mobilisation et l’utilisation productive d’une épargne oisive en expansion continue
depuis quelques années.
Le second élément concerne la structure du surplus commercial de l’Algérie. Ce
surplus est le fait du seul secteur des hydrocarbures. Tous les autres produits enregistrent des
déficits. Les exportations algériennes sont les moins diversifiées dans la région PTM. La ZLE
risque d’aggraver le problème de la mono-exportation en Algérie qui se verra octroyer un
rôle de pourvoyeur de l’Europe en gaz et en pétrole. Le libre échange que va instaurer la ZLE
dans le moyen terme aura probablement pour effet de multiplier les effets pervers du
syndrome hollandais, en œuvre dans l’économie algérienne mais dont l’action a été
multiplié par les réformes et l’ajustement structurel d’une manière général .
Sur le plan théorique, les modèles du syndrome hollandais mettent en évidence les
effets sur la structure sectorielle de la production qui peuvent être ramenés au développement
du secteur en boom ainsi que les services au détriment de celui des échangeables (industrie et
agriculture). Mis en veilleuse durant l’ère de régulation administrée grâce à une affectation
autoritaire des ressources, ces effets se sont manifestés avec les réformes par une forte
régression du secteur industriel, un développement important du tertiaire et des
hydrocarbures. En accordant quelque crédit à ces modèles, il devient possible de penser que le
libre échangisme qui résultera de la ZLE aura pour effet de renforcer le phénomène du
syndrome hollandais.
Les modèles du syndrome hollandais se sont adaptés aux problématiques de l’heure
telles que la « gouvernance » et le « capital humain ». Une série d’études intègrent de plus en
plus ces deux derniers éléments comme facteurs importants de la croissance économique. La
recherche empirique tend à montrer que l’abondance des ressources naturelles décourage
l’accumulation du capital et favorise la mauvaise « gouvernance ». Avec un ancrage très
différent, les approches de la « rent seeking » et de la « captation de l’Etat » s’inscrivent dans
ce sens. Elle cherche à montrer, par les instruments traditionnels de l’économie, comment les
groupes de pression arrivent à s’accaparer d’une partie des richesses produites.
On sait par ailleurs que le processus de Barcelone attache une certaine importance aux
problèmes de gouvernance et de transfert des savoirs. Comment éviter l’écueil de retomber
dans une spécialisation d’un temps dépassé ? Comment contenir les effets du syndrome
hollandais qui ne s’inscrivent pas dans une fatalité ?
Le projet de communication n’ambitionne pas de traiter toutes ces problématiques. Il
s’agira dans un premier point de mettre en évidence la place particulière de l’Algérie dans le
partenariat euro méditerranéen à partir de sa dynamique économique sur longue période en
insistant sur le fait que le libre-échange pourrait amplifier le phénomène du syndrome
hollandais de deux manières :
la première résulterait des effets mécaniques du modèle du syndrome hollandais lui
même et
la seconde de la réduction des domaines de compétence économique et sociale des
pouvoirs publics.
Le deuxième point s’attachera à montrer comment une amélioration de la
« gouvernance » pourra contenir les effets du syndrome hollandais en réinjectant
indirectement mais productivement la rente pétrolière dans l’économie. Il est possible de
montrer que l’Etat pourra accroître, grâce à une affectation productive de la rente pétrolière,
l’efficacité de toute l’économie . Les domaines de l’économie du savoir et des grandes
infrastructures (biens collectifs) pourraient être privilégiés par les investissements publics.
Cela participera à la baisse des coûts et donc à un accroissement de la compétitivité de
l’économie natonale à a manière d’un impôt négatif puisque ses investissements seront
financés sur la rente pétrolière et bon sur le résultat de l’activité hors hydrocarbures.
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