Pompée - algerie ancienne

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Pompée.
LA mort de son rival rendit à Sylla l’empire du monde: le parti plébéien fut vaincu
pour la seconde fois. Après la chute de ce parti en Italie, Domitius, gendre de L.
Cinna, entreprit de le relever en Afrique. Il s’adressa à Hiertal, roi d’une partie
de la Numidie, et obtint de ce prince d’assez puissants secours pour envahir la
province romaine. Mais le dictateur résolut d’étouffer cette révolte dès sa
naissance. Sertorius, un des conjurés, commandait en Espagne; il fallait à tout
prix empêcher qu’un autre chef du parti vaincu ne s’établît dans l’Atlas, car,
maîtres de deux provinces riches et belliqueuses, ces deux chefs eussent pu
recommencer la lutte avec avantage, et peut-être même, en unissant leurs
efforts, venir chercher leur revanche jusqu’en Italie. Pompée reçut donc l’ordre
de passer de Sicile en Afrique. Cent vingt galères et huit cents bâtiments de
charge y portèrent six légions; une partie débarqua à Utique, l’autre à Carthage,
sous les ordres du jeune général. Les troupes campées sur les ruines de cette
dernière ville donnèrent en cette circonstance un exemple de cupidité et
d’indiscipline qui atteste la décadence du caractère romain. Quelques soldats, en
creusant la terre, y avaient trouvé un trésor considérable; le bruit de cette
découverte se répandit aussitôt dans les rangs : on assurait que les Carthaginois,
à l’époque de leurs derniers désastres, avaient enfoui ce qu'ils avaient de plus
précieux; et pour retrouver ces richesses imaginaires, officiers et soldats, sans
respect pour la discipline, quittèrent leurs armes, et se mirent à fouiller le sol en
tous sens. Les conseils de Pompée, ses ordres même, restèrent sans force sur
ces imaginations exaltées. Enfin, après plusieurs jours employés à ce travail,
fatiguée d’inutiles recherches et honteuse de sa folie, l’armée demanda de
marcher à l’ennemi.
Pompée et ses troupes rencontrèrent bientôt Domitius, qui avait un
puissant motif de terminer promptement la guerre : en effet, la désertion
faisait de grands ravages dans son armée. A la nouvelle du débarquement de
Pompée, sept mille hommes l’avaient abandonné, et il lui fallait une victoire pour
rattacher à sa cause ces esprits inquiets et inconstants. Toutefois la fortune lui
refusa cette faveur. Un ravin profond séparait les deux armées, et ni l’un ni
l’autre des deux généraux ne voulant le franchir le premier, ils restèrent quelque
temps en observation réciproque. Tout à coup un de ces orages de pluie et de
vent si fréquents sous le ciel africain éclate avec violence. Domitius, jugeant dès
lors que tout engagement était devenu impossible, fait sonner la retraite. Mais,
en présence de l’ennemi et au milieu des vents déchaînés, ce mouvement ne
pouvait s’effectuer sans désordre. Pompée profite avec habileté de cette
manœuvre imprudente, passe le ravin, et conduit l’attaque avec la plus grande
vigueur. En quelques instants, les troupes de Domitius sont enfoncées sur tous
les points, et leur défaite devient aussi complète que sanglante. Sur vingt mille
hommes, trois mille à peine regagnèrent leur camp. Domitius perdit la vie dans
cette déroute, et la guerre se trouva terminée en un seul jour. Parmi les villes qui
avaient embrassé son parti, les unes se rendirent sans résistance, les autres
furent prises d’assaut; en un mot, toute la contrée se soumit; les tribus gétules
et numides, saisies de terreur, levèrent leurs tentes et s’enfuirent vers le
désert.
De retour à Utique, Pompée y trouva un ordre de Sylla qui lui enjoignait d’y
rester avec une seule légion pour attendre l’arrivée d’un successeur auquel il
remettrait le gouvernement de la province pacifiée, et de renvoyer en Italie le
reste de son armée victorieuse. Une telle marque d’ingratitude étonna le général
et irrita violemment les soldats ils ne voulaient point, disaient-ils, le laisser à la
merci d’un tyran, et se répandaient en invectives contre le dictateur. Cette
sédition se prolongea tellement, que le bruit en parvint jusqu’à Rome ou bientôt
l’on rendit Pompée complice de ses troupes. Sylla lui-même parut croire à cette
complicité, et se plaignit publiquement de passer sa vieillesse à combattre contre
des enfants. Par ces paroles il faisait allusion au jeune Marius, qui lui avait si
opiniâtrement disputé la victoire. Mais tandis qu’au forum et dans le sénat on
représentait Pompée comme une rebelle, celui-ci, au contraire, luttait contre ses
troupes mutinées, et pour vaincre leur obstination les menaçait de se tuer à leurs
yeux si elles refusaient plus longtemps d’obéir. Elles cédèrent enfin, et
s’embarquèrent pour l’Italie. Après avoir remis entre les mains de son successeur
le gouvernement de la province, le jeune général suivit ses légions. Rome tout
entière alla à sa rencontre pour lui faire honneur, et Sylla, l’embrassant avec
tous les signes d’une extrême affection, le salua du surnom de grand, titre qui
depuis lors n’a cessé d’être joint au nom de Pompée.
Dans l’intervalle qui sépare la première guerre civile de la seconde, les
colonies africaines restèrent paisibles, mais eurent à subir un fléau plus cruel
que la guerre même, la préture de Catilina. Les exactions, les violences de ce
gouverneur devinrent si insupportables, qu’un cri unanime s’éleva contre lui. De
tous côtés les plaintes arrivèrent à Rome. Quelques-uns des sénateurs opinèrent
pour la mise en jugement; mais les nombreux amis qu’il comptait dans l’assemblée
lui épargnèrent cette juste honte. A l’expiration de sa charge, il rapporta dans sa
patrie d’immenses richesses qui lui servirent à fomenter cette fameuse
conjuration sous laquelle la république faillit périr.
Les convulsions politiques de la métropole, se succédant presque sans
interruption, réagissaient sur la colonie africaine, sans toutefois arrêter l’essor
de sa prospérité. Les tributs que Rome lui imposait, en blé, en huile, en fruits de
toute espèce, allaient toujours croissant. On en trouve, dès cette époque, une
preuve remarquable. Peu d’années après la conjuration de Catilina, une disette
ayant menacé Borne, Pompée reçut du sénat et du peuple la mission de remédier
au mal. Il mit à contribution les trois greniers de la république, l’Égypte, la Sicile,
l’Afrique, et en peu de temps il rassembla plus de denrées qu’il n’en fallait pour
faire cesser la cherté des vivres et dissiper les craintes de la multitude.
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