Les étrangers en France 1880-1940
Introduction :
Attrait de la France sur les étrangers avec l'idée qu’il s’agit d’un pays l’on peut
« vivre mieux », où l’on peut s’exprimer plus librement qu’ailleurs..
(patrie des droits de l’homme)
Dès le 19e, il a été question d’une immigration de travail bien plus que d’une
immigration de peuplement.
L’étranger est toujours soumis aux cycles de l’activité économique : c’est le
producteur que l’on recherche avant tout dans l’étranger.
Existence de cycles a conduit la France à élargir de plus en plus le cercle de l’aire
géographique de recrutement des étrangers : dans les périodes d’expansion
économique, on observe un très fort accroissement !
L’immigration fait un premier bond avec le boom industriel du second empire ;
jusqu’au lendemain de la grande guerre, leur nombre évolue peu.
Dans les de stagnation, la population étrangère se stabilise ou régresse (fin 19e,
années 30)
L’action des partis politiques en faveur ou contre l’immigration est liée à la
situation économique du pays : les campagnes xénophobes coïncident toujours
étroitement avec les périodes de crise
Comment la manière de percevoir les étrangers a-t-elle évoluée en France de
1880 à 1940 ?
I. Le 19e : la naissance de l’étranger
II. 1914-1925 : intervention de l’état dans le recrutement des étrangers
III. 1925-1940 : de l’accueil des réfugiés à la montée de la xénophobie
I. La naissance de l’étranger
A. La fin du 19e, une ère de ruptures
En 1851, l’étranger demeure un familier : 1 fois sur 3 = un Belge ;1 fois sur 6 = italien
Belges comme italiens sont inscrits dans une communauté d’activités remontant bien
au-delà du 19e : ils ne sont pas de nouveaux venus
Fin du 19e, l’étranger ne forme pas une catégorie à part dans la société..
ex : dans les registres statistiques : la rubrique « étrangers » confond
les individus nés hors de France et ceux qui viennent d’un autre
département français !
A cette époque, être français ne procure pas d’avantages particuliers :
- les règlements municipaux des bureaux de bienfaisance des grandes villes
mettent surtout en avant le critère de l’ancienneté de la présence dans la
commune, plus que celui de la nationalité : les droits sociaux sont encore à
cette époque sous l’emprise matérielle et idéologique de la « charité
chrétienne » : le pauvre n’a pas de patrie
-dans les entreprises, jusqu’à la loi de 1898, aucune faveur n’est faite aux
nationaux, il y a assimilation complète pour la réparation des accidents du
travail entre l’ouvrier étranger et l’ouvrier français
-avec la question du service militaire, il y a même avantage à ne pas être
français
Il y a en France, vers 1880, « une multitude d’individus qui, établis en France de père
en fils depuis un temps immémorial, n’ont pas obtenu la naturalisation proprement
dite, mais jouissent néanmoins de la possession d’état de Français».
Loi de 1889, considérée comme le 1er code de la nationalité, illustre l’ampleur de la
rupture qui se produit dans les années 1880 :
Le débat se focalise sur la question de l’accès de la 2e génération à la nationalité
française.
L’enjeu = le service militaire:
Au lendemain de la défaite de 1870, le courant nationaliste antigermaniste considère
que, face au déclin démographique français, il faut trouver d’autres moyens de « faire
des soldats » :
Le 2e grand argument : en se dérobant à la conscription, les étrangers exercent une
concurrence vis-à-vis des nationaux sur le marché du travail, les patrons
préférant souvent embaucher des ouvriers qu’ils savent pouvoir conserver..
Contexte de crise économique, les ouvriers français, qui ne peuvent pas utiliser
l’argument de la nationalité pour échapper à la conscription commencent à protester..
d’autant que dans les 80’, le gouvernement met en place le service national pour
tous. Cqce :
-la législation de 1889 va considérablement faciliter l’obtention de la nationalité
française : Les fils d’étrangers nés en France de parents eux-mêmes nés en
France sont français sans possibilité de décliner.
Cette loi, s’illustre aussi par les concessions faites aux partisans de la « race » :
la naturalisation n’offre plus tous les droits reconnus aux citoyens : les nouveaux
français sont exclus de l’éligibilité aux assemblées parlementaires pdt 10 ans
avec l’apparition du code de la nationalité !
Rupture appuyée par le développement du Bertillonage : le rapport à l’autre change
Nouvelle rupture : fin du 19e, se produit une véritable « nationalisation » de la
société française qui se traduit par une intervention de l’état dans tous les secteurs
de la vie sociale
C’est à partir de là que s’épanouit le « modèle français » d’immigration :
mise en place d’une véritable législation sur l’immigration et une
politique ferme de protection des frontières
La France compte trop d’exploitants agricoles, mais manque d’ouvriers.
Trop de fonctionnaires..
La France = 1er pays à mettre en place un modèle « moderne » d’immigration,
fondé sur le recrutement sélectif d’une main d’œuvre destinée à alimenter les
métiers et les branches délaissées par les nationaux.
= abandonner aux étrangers les tâches que refusent d’accomplir les citoyens
B. Xénophobie de la fin du siècle :
1880 : Périodes de crise économique et de bouleversements sociaux internes :
Xénophobie n’est pas forte au sein de la population.
Preuve : la circulaire confidentielle de février 1887 demandant aux
préfets d’obliger les hôteliers à consigner dans un registre le passage
des étrangers provoque de fortes résistances.
Rôle de la presse important dans l’accentuation du phénomène :
Dans les 1880’, contexte de concurrence impitoyable entre quotidiens, il apparaît très
vite que le fait divers est un instrument privilégié pour intéresser le lecteur, et
donc vendre. Dès lors, les rixes entre ouvriers étrangers deviennent une aubaine :
-sous la monarchie de juillet, les mouvements de xénophobie contre les
ouvriers anglais, passent inaperçus dans la presse de Normandie
En 1881, les événements de Marseille prennent une dimension nationale : non
seulement ils font la une du Petit Marseillais pendant plusieurs jours, mais les autres
journaux nationaux et régionaux s’en régalent
Dans les périodes de crise, l’étranger est ressenti comme une menace par le
groupe enraciné
Chez l’étranger, l’arrivée d’une nouvelle vague d’immigrants auxquels ils risquent
d’être assimilés provoque fréquemment un phénomène de rejet :
une étude sur les « vêpres Marseillaises » en 1881, estime que les italiens
francisés depuis peu étaient souvent à la tête des bandes pourchassant les
transalpins !!
C. Caractéristiques de ces étrangers de la fin du siècle :
-surreprésentation du sexe masculin, à l’inverse de la population française
-les classes d’âge les plus productives = adultes dans la force de l’âge
-l’étranger est recruté, retenu pour travailler dans les secteurs d’activités qui sont
refusés par les nationaux
3 pôles du travail méprisé peuvent:
1)les tâches reposant sur la force physique du manœuvre : agriculture, usines,
activités en marge de la grande industrie
2) branches situées à la pointe du progrès technologique, là où la machine a
presque remplacé l’homme
3) la domesticité : En 1901, près du tiers des femmes salariées de nationalité
étrangère sont domestiques
les grandes villes = Meilleures qualités de vie que chez eux bien souvent.. + intérêt
des étrangers pour les zones frontalières :
ex :En Lorraine, les italiens préfèrent habiter les communes proches du
Luxembourg ou de l’Allemagne, permet d’échapper plus facilement à la police
ou de parer aux fluctuations du change et du chômage en passant d’un pays à
l’autre rapidement
-Autre constante : l’espoir du retour !: liens conservés avec ceux qui sont restés au
pays confortent cet espoir. l’immigration n’est qu’un moment provisoire, une
parenthèse avec :
le transfert de l’épargne : l’envoi d’une partie du salaire à la famille restée au
pays est une constante de l’histoire de l’immigration ; geste symbolique
meme quand sommes sont infimes !
échanges de lettres = devoir social que s’impose l’étranger : manifeste, au-
delà des frontières, la solidarité persistante entre les membres de la famille
D. Dominantes et arrivées massives en cette fin de siècle
La "dominante Belge" :
En 1872 = près de la moitié de la population étrangère.
Ces immigrés (banlieue parisienne mais prioritairement dans les départements du
Nord) = ouvriers et paysans.
Ds les usines = questions de salaire (plus élevés en France qu’en Belgique).
= textile et métallurgie (ex : Roubais).
Les mariages mixtes augmentent fin 19e ; l’affaiblissement numérique de la minorité
belge en France s’explique par le taux élevé de naturalisations après 1889 et par
les retours au pays d’origine.
La "déferlante italienne" :
Succède la grande vague de « l’invasion italienne » :les dernières années du 19e : il
s’agit de travailleurs sans qualification, recrutés le plus souvent dans les
campagnes, implantés essentiellement en 1880 dans les départements du sud-est
de la France
Puis grande migration italienne se dirige plus au nord vers les régions industrielles,
(région lyonnaise et région parisienne) + zones minières et industrielles du nord et du
nord-est, la Lorraine (mines de fer et sidérurgie).
Ds certaines entreprises, ils finissent par représenter 30 à 40% de la main d’œuvre !
Developpement d’une immigration nouvelle vers l’occident ds 1880, à partir surtout
de la Russie : après l’assassinat du tsar Alexandre II, les pogroms qui se déchaînent
contre les juifs et les ordonnances gouvernementales qui restreignent les libertés
poussent beaucoup d’entre eux à s’exiler
Pour ces hommes, la Révolution française a un sens particulier : elle a émancipé les
juifs et fait d’eux des citoyens comme les autres. Paris attire : 80% des juifs venus
d’Europe centrale et orientale fin du 19e vont s’y établir !
Employés dans l’industrie du vêtement, l’ébénisterie, la chaussure, la maroquinerie,
ils passent souvent de la province à la capitale. S’exprimant encore en yiddish, ils se
regroupent à Paris dans le quartier du marais, le Pletzl. ..mais adhésion profonde à
la nation française qui les accueille et autorise une incontestable ascension sociale
la population étrangère est constituée, pour les ¾, d’individus appartenant à un petit
nombre de nationalités dominantes :
-Jusqu’à la 1ère guerre mondiale = pays frontaliers fournissent la quasi-totalité
des immigrants.
-années 20 = première rupture avec ce modèle : élargissement considérable
des zones de recrutements (Europe centrale (Polonais, Russes) et Moyen-Orient
(Arméniens, Grecs d’Asie mineure)).
La principale raison du tarissement d’une source d’immigration réside dans le
décollage économique du pays considéré, ce qui crée un appel interne de main
d’œuvre : les Belges = parfaite illustration : Ds 1880, ils représentent plus de 40%
de l’ensemble des étrangers en France. En 1930, ils n’en représentent plus que 9%
II. 1914 : le début de l’intervention de l’état dans le recrutement des
étrangers
A. Intégration des étrangers dans le conflit et renouvellement des sources de main
d'oeuvre
-dès le début du conflit, engagement des étrangers résidant sur le territoire français
ds les bataillons de marche de la Légion étrangère. D’autres étrangers arrivent :
volontaires venus spontanément pour défendre la France (notamment les
Catalans), soldats alliés (Russes, Serbes…), troupes coloniales, les combattants de
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