67
Si convertir notre regard pour rejoindre celui que Jésus porte à ses frères humains est la condition première
de notre mission auprès des familles, ceci n'est cependant pas suffisant pour répondre efficacement aux
exigences et aux réalités nouvelles tant sociétales que familiales, les unes n'allant pas sans les autres.
Si nous voulons annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les familles, quelles qu'elles soient, nous devons avec
honnêteté et sérieux évangélique réexaminer ce qui, dans nos propositions pastorales, relève d'habitudes, de
réflexes, voire d'une idéologie ancrée dans un seul et unique modèle de vie familiale. Ce sera mon premier point.
Puis, nous tenterons de repérer dans la vie des familles d'aujourd'hui, traditionnelles ou non, les signes de la
présence de Dieu et du travail de son Esprit, nous reconnaîtrons les valeurs évangéliques qui émergent des
nouvelles réalités familiales. Ce sera le deuxième point de ce chapitre.
Mesurer les risques du ronron pastoral et de l'attachement à un seul modèle ...
Certes, sans nos habitudes et réflexes, la vie serait bien fatigante ! Vous vous imaginez devoir réfléchir
chaque matin avant de sortir votre bol, le café, le lait sur la table du petit déjeuner! Mais s'il est un domaine de
nos vies qui, par nature, ne supporte pas le ronron de l'habitude, c'est bien celui de la relation à l'autre. Pour être
vivante, durer et être au service de la croissance, la relation humaine doit se faire inventive, dynamique, réactive
et jouer de tous les registres. C'est à cette condition que la relation pourra faire circuler ce qui nous fait vivre les
uns et les autres, à savoir l'amour, l'amitié, le respect, le sentiment d'être reconnu, l'écoute, le plaisir et la joie
partagés, etc. C'est vrai pour toutes les relations, c'est donc vrai pour les relations que nous pouvons établir avec
les familles. Nous avons un modèle précieux en la personne de Jésus qui excelle dans l'art de la relation. Quand
Jésus rencontre une personne sur sa route, il ne se préoccupe pas de ce qui se fait ou ne se fait pas
habituellement, de ce qui est mal vu ou bien vu ni même de ce qui est considéré comme hors-norme, voire puni
par la loi. Au contraire, à chacune de ses rencontres, Jésus étonne par ses paroles, ses gestes, son regard qui
révèlent l'attention particulière qu'il accorde à chacun et la priorité qu'il donne à son désir de le voir grandir et
répondre à son appel à s'accomplir pour partager sa joie.
Or, parfois, face aux nouvelles histoires et situations familiales, nous craignons de remettre en cause nos
habitudes pastorales ou de revoir notre vocabulaire et nous prenons alors le risque de disqualifier certaines de
nos rencontres ou pire, de passer à côté d'autres.
Ainsi, je prends l'exemple du mariage sacramentel
. Peu à peu ce type de mariage s'est imposé comme
modèle auquel toute famille dite chrétienne devait se conformer. Le schéma était celui-ci: fiançailles sans
relations sexuelles, mariage sacramentel, naissance des enfants dans l'espoir de la reproduction du même modèle
à la génération suivante. Les propositions pastorales se sont mises au service de ce modèle unique longtemps
dominant et porté par l'environnement et la culture judéo-chrétienne. Dans l'union sacramentelle du couple,
fondatrice de la famille, l'amour de Dieu se révélait alors avec une certaine évidence et les époux avaient à
transmettre leur foi à leurs enfants.
Aujourd'hui encore, nul doute que la famille « traditionnelle» composée d'un homme et d'une femme unis
par le sacrement du mariage
et élevant des enfants dans la foi chrétienne reste un modèle qui, sans aucun
doute, facilite l'idéal de vie familiale voulue par Dieu. En cela les acteurs de la pastorale familiale doivent
continuer à le proposer à ceux et celles qui sont mûrs pour un tel engagement et à accompagner ceux et celles qui
expriment le désir de cheminer sur cette route.
Reste que ce modèle, malgré quelques assouplissements amenés par l'évolution des mœurs et intégrés à la
pastorale (relations sexuelles ou vie de commune avant le mariage) comme tout modèle unique a ses limites et
peut présenter quelques effets pervers. J'en perçois cinq:
1. Confusion entre moyen et finalité. L'idéal de vie familiale que propose l'Eglise vise la qualité des liens et des
relations entre ses membres et non un modèle en soi. Le modèle (la loi) est fait pour la famille et non la famille
pour le modèle.
2. Risque d'associer automatiquement bonheur familial à ce modèle et négligence de la nécessité d'actions
pastorales et d'évangélisation envers celles que l'on nomme encore parfois : les bonnes familles chrétiennes. Le
bonheur familial est une aventure complexe et une conquête difficile quel que soit le modèle qui structure la
famille.
3. Risque que les familles qui n'entrent pas, ne peuvent pas entrer, ne sont pas mûres ni aptes à vivre ce modèle,
se croient mal aimées, soient mal accueillies ou tout simplement oubliées par l'Eglise. Comment pourraient-elles
avec ses exigences: liberté d'engagement, indissolubilité, fidélité à la construction d'une histoire commune et fécondité
La notion de sacrement s'est précisée au cours du XIIIè et a pris sa place officielle parmi les 7 sacrements au deuxième concile de Lyon en
1274 (Grégoire X) . La forme actuelle du sacrement date de 1907 avec quelques aménagements du rituel en français