La conjugaison bactérienne
1) Mise en évidence
Un échange de matériel génétique entre populations bactériennes a été observé pour la
première fois dans les années 1940 : dans un milieu minimum contenant une source de
carbone on a mis une souche de mutants his- et une souche leu-. Des bactéries ont poussé, et
on a observé un certain nombre de bactéries accolées les unes aux autres.
Pour vérifier qu’il ne s’agissait pas de simples réversions, on a utilisé des triple mutants.
Souche C A- B- C-
Souche D X- Y- Z-
Là encore, des bactéries ont pu pousser sur milieu minimum. Or la probabilité d’avoir un
triple révertant est extrêmement faible.
On a donc conclu qu’il pouvait y avoir échange de matériel génétique entre deux souches.
Ce transfert aurait pu avoir lieu grâce à un virus. Il a donc fallu réaliser une autre expérience
pour vérifier s’il y avait bien une sexualité bactérienne.
Pour que le transfert d’information ait lieu, il faut donc contact entre les bactéries.
2) Mécanisme
Deux souches bactériennes de « sexe différent » peuvent se conjuguer. Il existe un facteur de
fertilité, l’épisome (ADN circulaire capable de se maintenir à l’extérieur du génome bactérien
et ayant donc une origine de réplication). Les souches en possédant un ont été appelées F+,
celles qui n’en ont pas sont les F-. La conjugaison ne peut se faire qu’entre une souche F+ et
une souche F-, dans le sens F+ vers F-. Après un mélange, les bactéries F- deviennent F+.
Le facteur F permet la formation de poils (ou pili) à l’origine du contact physique entre deux
bactéries.
La réplication du facteur F se fait par une réplication en cercle roulant :
- coupure sur un des deux brins
- séparation des deux brins
- transfert d’un des deux brins dans l’autre bactérie grâce à l’épisome qui tourne sur lui-même
en même temps que le brin est répliqué.
3) Souche Hfr
On a aussi trouvé une F+ qui ne transférait pas l’épisome, mais une partie de son génome. En
fait le facteur F avait été ingéré dans le génome bactérien : c’est une souche Hfr (haute
fréquence de recombinaison). La réplication en cercle roulant du génome entier est effectuée !
Ainsi on va créer un état diploïde chez la bactérie (ce qui est un état très instable, permettant
de faire de la recombinaison).
La recombinaison Hfr est très utilisée pour faire de la cartographie de génome. Pour ce faire,
on mélange une souche Hfr sauvage sensible à un antibiotique, avec une F- mutante pour
plusieurs caractères (X, Y, Z) mais résistante à l’antibiotique.
On interrompt la conjugaison après 5 minutes, 10 minutes, 20 minutes :
milieu
-X et antibiotique
-Y et antibiotique
-Z et antibiotique
Hfr
-
-
-
F-
-
-
-
F- 5 minutes conjugaison Hfr
+
-
-
F- 10 minutes conjugaison Hfr
+
+
-
F- 20 minutes conjugaison Hfr
+
+
+
L’ordre de transfert est donc X Y Z. La position relative sur le chromosome bactérien
peut ainsi en être déduite, la cartographie en « minutes » est très imprécise. Pour préciser, on
se sert de la fréquence et de la probabilité de recombinaison.
Exemple : His transféré en 5 minutes, Leu en 30 minutes, Trp et Arg en 10 minutes.
Il y a donc deux possibilités, et pour établir la cartographie exacte on va procéder à un
mélange de Hfr leu+ trp- arg+ his- sensible à l’antibiotique et une F- leu- trp+ arg- his+
insensible à l’antibiotique. Après une conjugaison de plus de trente minutes :
On aura donc beaucoup plus de recombinants si l’ordre est leu arg trp his.
Un problème au niveau de cette cartographie est apparu lorsqu’une autre équipe a voulu
refaire cette expérience en isolant une autre souche Hfr. Le facteur F s’est intégré à un autre
endroit, et les résultats sont très différents. En fait il y a une 20aine d’endroits possibles où le
facteur F peut s’intégrer.
(le site d’origine de réplication est représenté par une flèche et un carré)
4) Souche F’
On a trouvé un troisième type de bactéries capables de faire de la conjugaison. Ce sont des
souches F’, dérivées de souches Hfr, formées par excision du facteur F du chromosome
bactérien en emportant quelques gènes.
Ce sont de nouveau des épisomes, se répliquant de façon autonome et transférés à des
bactéries F- receveuses. C’est un état diploïde partiel stable. Il sera transmis à la descendance.
C’est une complémentation et non une recombinaison.
On peut donc vérifier si deux mutations appartiennent au même groupe de complémentation.
On dispose par exemple de deux souches F- his-. Il faut tout d’abord en rendre une F+, pour ce
faire on la conjugue avec une F+. Il faudra ensuite sélectionner une Hfr qui a un facteur F
intégré à proximité du gène considéré de his, puis isoler une F’ his- à partir de cette Hfr.
On met alors les deux souches F’ his- en contact dans un milieu minimum his-. Si les bactéries
vivent, elles complémentent, sinon elles appartiennent au même groupe de complémentation.
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