Author: Soufian AL KARJOUSLI
E-mail: Soufianalkarjous[email protected]
Department: SUPELEC
Institution: SUPELEC, Rennes
Title: Capter les richesses du patrimoine mondial dans une ville sainte de l’islam :
dynamiques endogènes et attentes des touristes. L’exemple de Djenné au Mali
Abstract:
Un des buts du classement au patrimoine de l’humanité est de faire connaître
mondialement un héritage afin de favoriser l’arrivée de nombreux touristes venus
de tous horizons et d’enclencher un développement local. A la nécessité de
préserver le patrimoine s’ajoute celle de valoriser les ressources patrimoniales pour
créer des richesses. Il convient aussi de penser à une répartition équitable de ces
richesses afin de préserver une concorde locale. L’exemple de Djenné, dont
l’ensemble de la vieille ville a été classé au patrimoine mondial, montre que cette
tâche est ardue et que les stratégies divergentes des différents acteurs peuvent
amener des conflits. Programmer un veloppement soutenable pour la ville, c'est-
à-dire un développement pensé a minima comme équitable et pacifique, oblige à
retenir des propositions qui permettent non seulement d’allier islam et tourisme,
mais aussi de répartir les fruits des revenus patrimoniaux. La ville de Djenné étant
classée pour sa qualité architecturale mais aussi pour l’exemplarité d’une culture
locale fortement liée à l’islam, il est nécessaire de penser à un développement
d’activités qui puissent contribuer à préserver l’âme de cette ville de religion et
d’enseignement coranique. Nous voulons d’abord montrer quelques éléments qui
ont conduit à la mésentente et au blocage des positions, puis envisager quelques
pistes de réflexion qui ont commencé à émerger au sein des communautés locales
pour préserver le caractère exceptionnel de Djenné.
Dans une ville le patrimoine classé est en relation directe avec la religion, la
question de l’islam est instrumentalisée par certains acteurs pour confisquer une
partie des revenus. L’exemple de l’interdiction de l’entrée aux non musulmans dans
la mosquée soulève les passions. En tant qu’espace symbolique, espace de prière et
potentiel haut-lieu touristique, la mosquée de Djenné cristallise les passions. Cette
mosquée est le joyau architectural principal de la ville et c’est l’intervention des
experts de la Fondation Aga Khan pour sa restauration qui a déclenché la première
émeute sérieuse. Celle-ci a eu le mérite d’obliger les débats et la confrontation des
différentes propositions. Le classement au patrimoine mondial donne-t-il un droits
aux touristes de pénétrer dans la mosquée quelque soit leur religion ? Dans quelles
conditions ? Comment alors les faire rentrer en plein accord avec la religion
musulmane ? La proclamation de l’interdiction faite aux touristes d’y rentrer est
évidemment une perte sérieuse pour la communauté quand on la compare au
nombre de touristes qui visitent la ville. Or, ce manque à gagner ne semble pas nuire
à tout le monde. Les touristes arrivent par des moyens détournés à rentrer malgré
tout dans la mosquée avec des tarifs très élevés. A qui profite donc cette interdiction
? Une meilleure organisation des entrées dans le respect de la loi musulmane ne
serait-t-elle pas plus profitable au développement du patrimoine commun, aux
musulmans de la ville de Djenné et finalement aux touristes aussi ? L’argent des
touristes rentre à tous les coups à Djenné, mais au détriment de la collectivité. De
nouvelles propositions ont été faites par des acteurs locaux et des intervenants
extérieurs de façon à mieux gérer ce qui est devenu un problème central. Cela a
provoqué parallèlement une prise de conscience de la part des acteurs locaux des
autres potentialités existantes dans la ville et non exploitées. C’est le cas par
exemple du devenir des écoles coraniques et des activités qui y sont directement ou
indirectement liées. Les questions du développement touristique, du type de prise
en charge par les populations dans le respect de la culture locale et de la façon dont
il est possible de faire la promotion de l’image d’une ville sainte de l’islam, sont
désormais au cœur de tous les débats.
Author Bio:
Al Karjousli Soufian
Linguiste et islamologue, enseignant de langue et de civilisation arabo-musulmanes,
SUPELEC Rennes.
Recherches engagées :
-ANR Colmas (ENS Lyon), étude du patrimoine écrit subsaharien (manuscrits)
-FSP Mali contemporain (AIRD Institut Recherche Développement France et Institut
Sciences Humaines Bamako)
Bibliographie sélective :
2010, La notion d’autrui dans la pensée arabo-musulmane, in Ardoino Jacques, Bertin
Georges (dir.), Figures de l’Autre, Actes du colloque international du CNAM, Angers,
09-11 juillet 2007, Paris, éd. Teraédre.
2008, Le rapport aux savoirs et aux sens, Les écoles coraniques et l’islam de la
mondialisation, in Actes du colloque international « L’école et les savoirs : la
question du sens », éd. Sahar et Université de Sousse, Tunisie, pp. 425-439.
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