Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie Document synthèse - survol par Jean-Marc Fontan, Marco Silvestro et Yanick Noiseux Recherche dirigée par Le Collectif des entreprises d’insertion du Québec (CEIQ) La Chaire sur l’Insertion socio-économique des personnes sans emploi de l’UQÀM (Chaire INSÉ) Octobre 2004 La présente recherche-action est sous la direction de Jean-Marc Fontan et Gérald Larose, chercheurs de la Chaire sur l’insertion socio-économique des personnes sans emploi. La réalisation de cette recherche-action a été possible suite à un montage financier provenant de différentes organisations : Le Programme d’assistance technique au développement économique communautaire (PATDEC) – http://www.carleton.ca/cedtap/conference/index_f.html Le Collectif des entreprises d’insertion du Québec (CEIQ) – http://www.collectif.qc.ca/frame.htm?url=/accueil/statique/accueil.asp&z=74 L’Alliance de recherche université-communautés en économie sociale (ARUC-ÉS), en vertu du financement obtenu par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) – http://www.aruc-es.uqam.ca/ La Chaire sur l’insertion socio-économique des personnes sans-emploi (Chaire Insé), en vertu d’un financement obtenu par le CRSH et la Faculté des sciences humaines de l’Université du Québec à Montréal – http://www.chaire.insertion.uqam.ca Note sur les auteurs : Jean-Marc Fontan est rattaché au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Marco Silvestro et Yanick Noiseux sont étudiants au programme de doctorat du département de sociologie de l’UQÀM. Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie Table des matières Introduction ............................................................................................................................... 1 L’objet de la recherche ...................................................................................................... 1 Les objectifs de la recherche ............................................................................................. 2 Méthodologie de la recherche ........................................................................................... 2 Synthèse – survol ............................................................................................................... 4 1. Contextes nationaux en matière d’insertion par l’activité économique .................... 4 1.1. La Belgique : une fédération décentralisée à la configuration institutionnelle unique ............................................................................................. 4 1.2. La France : un État unitaire en décentralisation administrative ............................ 5 1.3. Le Québec : L’insertion par l’activité économique au Québec, gestion provinciale et financement fédéral ............................................................. 7 1.4. La Suisse romande : L’insertion par l’activité économique, un secteur d’intervention en émergence ................................................................. 9 2. Les défis et enjeux politiques actuels ........................................................................... 12 2.1. Belgique ................................................................................................................. 12 2.2. France .................................................................................................................... 12 2.3. Québec ................................................................................................................... 13 2.4. Suisse...................................................................................................................... 14 Conclusion ............................................................................................................................... 15 Introduction L’objet de la recherche L’objet de cette recherche est l’action sociale/l’action communautaire qui prend la forme particulière de l’insertion (ou de la réinsertion) socioprofessionnelle des personnes marginalisées, par une formation qui s’insère dans la pratique d’une activité économique réelle. En d’autres mots, elle concerne les initiatives de formation par l’exercice d’un métier ou d’une activité en entreprise commerciale (c’est-à-dire qui produit des biens et/ou des services, lesquels sont le plus souvent commercialisés). Ainsi, la monographie s’intéresse surtout aux initiatives d’insertion par l’activité économique ancrées dans le secteur marchand de l’économie. Les mots-clés pour comprendre ces initiatives sont donc les suivants : Personnes marginalisées – Personnes exclues du marché du travail. Insertion (ou réinsertion) socioprofessionnelle – Insertion économique (Québec). Formation par l’activité économique – Formation par le travail. Il convient d’introduire immédiatement des précisions quant à ces mots-clés qui balisent le champ d’intervention des associations/organismes/entreprises : Les personnes marginalisées ou exclues du marché de l’emploi sont des citoyens qui, pour de multiples raisons, ne possèdent que de faibles compétences qui leur permettraient de s’insérer de façon autonome sur le marché de l’emploi. Elles traînent souvent une biographie difficile qui se caractérise par des échecs scolaires répétés, des difficultés sur le plan familial, des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, un déficit d’insertion dû à une immigration récente, peu ou pas de formation et d’expérience professionnelles, etc. L’insertion ou la réinsertion socioprofessionnelle (insertion économique au Québec) consiste à faire en sorte que ces personnes puissent devenir autonomes d’abord sur le plan social, c’est-à-dire quant à leurs droits et devoirs de citoyen et quant à leurs relations sociales. Ensuite, sur le plan professionnel, c’est-à-dire quant à l’obtention et à la conservation d’un emploi qui leur permet de vivre dans des conditions décentes. En ce sens, les organismes qui dispensent une formation à ces personnes agissent selon une philosophie qui pose comme complémentaires les aspects professionnels et sociaux. De même, le projet pédagogique est un mélange d’apprentissages collectifs et de suivi individuel. La formation par le travail ou formation par l’activité économique consiste à placer les stagiaires en situation réelle de travail (production de biens ou de services) afin de faire alterner les aspects pratiques Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie de l’emploi (techniques de production, relations de travail, vie en entreprise) et les aspects plus théoriques assurés en classe. Les stages en entreprises sont aussi privilégiés dans ce projet pédagogique. Les objectifs de la recherche Les objectifs de cette recherche-action sont d’offrir un portrait comparatif des initiatives d’insertion socioprofessionnelle par l’activité économique dans quatre pays de la francophonie (Belgique, France, Québec, Suisse) en vue d’une meilleure compréhension du secteur et d’une rencontre internationale des acteurs de l’insertion socioprofessionnelle par l’activité économique (IAE). Plus précisément, la recherche poursuit les objectifs suivants : Définir le concept de « système national d’insertion par l’économique ». Présenter le champ sémantique de l’insertion par l’économique dans les quatre lieux de la francophonie (établir un glossaire, établir les équivalences et les nuances entre les différents termes utilisés). Documenter les contextes d’intervention de l’insertion par l’économique en fonction des enjeux majeurs pour l’action des organismes, tels que définis par le CEIQ et ses partenaires internationaux (voir annexe 1). Identifier les éléments innovants (mécanismes, mesures, politiques, pratiques, etc.) pouvant être l’objet de modalités de transfert d’un contexte national à un autre. Analyser les données collectées, dégager des constats et des pistes d’action en vue de stimuler les activités de recherche et développement, de veille, de formation et de transfert en matière d’insertion par l’économique. Méthodologie de la recherche La recherche a été réalisée sur une période d’une année et demie par l’analyse de documents pertinents. Les textes de loi, les politiques relatives à l’insertion par l’activité économique, les documents des institutions nationales, de même que ceux des acteurs impliqués dans l’insertion par l’activité économique ont été utilisés. Beaucoup d’information provient de sites Internet. Afin d’aller chercher des informations complémentaires et de valider notre interprétation des données recueillies, une correspondance par courriel a été entretenue avec des chercheurs et des acteurs des quatre pays concernés. De plus, un processus de validation des résultats la recherche a été effectué au Québec et lors d’une mission réalisée en Belgique, France et Suisse au printemps 2004. Cette mission a permis de compléter les informations à notre disposition. La recherche que nous avons réalisée est donc limitée sur le plan des résultats et de l’analyse. À titre indicatif, les dynamiques concrètes présentent dans le secteur de l’insertion sociale et professionnelle n’ont pu être abordées, de même qu’un portrait fin et détaillé des modalités d’intervention pratiquées par les intervenants de l’insertion des quatre pays étudiés n’a pas été réalisé. Il est bien évident que les 2 Document synthèse - survol moyens limités de cette recherche n’ont pas permis la tenue d’entrevues avec des représentants de chacune des composantes du système d’intervention en insertion socioprofessionnelle. Seule une recherche plus approfondie pourrait nous renseigner sur les rapports concrets qu’entretiennent les acteurs entre eux ou sur les méthodes d’intervention mises en oeuvre. Cependant, comme l’objet de la recherche est de décrire le cadre institutionnel de l’insertion par l’activité économique, la méthodologie privilégiée permet d’atteindre l’objectif général que nous nous étions fixé. Au plan de l’analyse, les limites tiennent principalement au fait que l’équipe de recherche vient tout juste de compléter la phase de collecte et de validation des données. Le travail d’éditique a été réalisé de façon sommaire de façon à rendre les documents disponibles pour la tenue du Forum et la correction linguistique sur plus de 600 pages a été faite très rapidement pour les besoins de la cause. Enfin, tout un travail d’analyse des données reste à accomplir, tant en ce qui a trait aux informations concernant chaque espace national qu’à la nécessité de conduire une analyse comparative. Lorsque nous avons lancé le projet de recherche, il y a un peu moins de deux années, nous croyons pouvoir réaliser rapidement le portrait pour chacun des espaces nationaux, c’était sans compter sur la complexité de l’objet étudié et surtout sans prendre en considération l’ensemble de difficultés qui découlent d’une recherche disposant de peu de ressources et devant à la fois tenir compte du cadre universitaire et d’une situation de recherche tributaire de données et d’informations demandant la coopération de répondants internationaux très occupés par leurs activités professionnelles. Après coup, nous sommes conscients qu’une telle aventure demande une mobilisation plus grande de ressources, mais aussi un consensus et une implication plus forte sur l’objet même de la recherche de la part des parties prenantes nationales concernées. Somme toute, nous sommes non seulement convaincus de la pertinence de conduire une telle opération de recherche pan nationale sur l’insertion par l’activité économique, mais aussi de l’importance qu’il y a d’élargir le champ des observations à d’autres dimensions, dont celle de l’intervention en considérant le point de vue d’autres acteurs, tant les représentants des législateurs que les bénéficiaires ou les gens d’affaires, et d’élargir aussi le travail présentation de situations nationales en répertoriant les dispositifs présents dans d’autres pays non seulement européens (Grande-Bretagne, Italie, pays scandinaves, pays d’Europe de l’Est, Espagne, Grèce, etc.), mais aussi des Amériques (Canada hors Québec et États-Unis) et surtout de pays ayant des traditions d’intervention en la matière très différente, nous pensons plus particulièrement aux pays de l’émisphère Sud (Amérique latine et Afrique). 3 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie Synthèse – survol Le présent document reprend deux éléments des quatre monographies produite, à savoir le texte introductif au contexte national et les enjeux identifiés par les acteurs nationaux. Le texte introductif au contexte national est reproduit intégralement. Par contre, les enjeux sont présentés sous le format de points de forme résumant les idées centrales qui se dégagent des propos des acteurs de l’intervention ou de documents officiels. Ces propos sont principalement ceux des intervenants directs de l’activité insertive. Les enjeux dégagés pourraient varier considérablement si nous avions tenu compte des points de vue des législateurs, des gens du milieu des affaires, d’autres organisations de la société civile et bien entendu des bénéficiaires ou des usagers qui fréquentent les dispositifs insertifs considérés dans cette recherche. Le présent document contient deux sections. Une première fait un bref survol des contextes nationaux de la Belgique, de la France, du Québec et de la Suisse. Une deuxième partie présente les principaux enjeux en matière d’insertion par l’activité économique tels qu’ils se dégagent pour chacun des espaces nationaux décrit. 1. Contextes nationaux en matière d’insertion par l’activité économique 1.1. La Belgique : une fédération décentralisée à la configuration institutionnelle unique Le découpage politique et administratif de la Belgique est le suivant : le pays est une monarchie constitutionnelle qui est passée, en 1970, d’État unitaire à État fédératif, et qui a amorcé un processus de décentralisation échelonné sur plusieurs années (1970, 1980, 1988-89, 1993). Il en résulte aujourd’hui, en plus du pouvoir fédéral exercé par le roi et le Parlement fédéral, d’une part, trois Communautés culturelles et langagières : la communauté francophone qui se retrouve en Wallonie et à Bruxelles, la communauté néerlandophone qui habite la Flandre et enfin une petite communauté germanophone qui se regroupe surtout au sud-est du pays. D’autre part, trois régions : la Wallonie, la Flandre et BruxellesCapitale. Les compétences en matière d’insertion socioprofessionnelle et de formation des adultes sont surtout le fait des trois régions. La monographie produite sur la Belgique se concentre sur la communauté francophone, soit sur les régions wallonne et bruxelloise. À l’intérieur de ce découpage géographique, les instances politiques et les administrations publiques pertinentes sont celles de la Région Wallonne, du Collège de la Commission communautaire française de Bruxelles-Capitale (Cocof) et, dans une moindre mesure, celles de la 4 Document synthèse - survol Communauté française de Belgique et de l’État fédéral. L’étude réalisée a surtout concerné les actions des membres de trois grands réseaux : l’Interfédération des EFT et OISP de Wallonie (l’Interfédération), la Fédération bruxelloise des opérateurs de l’insertion socioprofessionnelle (FéBISP) et le Réseau d’économie sociale (RES) (ce dernier n’étant qu’un des multiples réseaux qui regroupent des entreprises d’insertion). Ces trois réseaux regroupent plus de 220 organismes qui s’occupent d’insertion et de réinsertion socioprofessionnelles et de création d’emplois pour les personnes les plus éloignées du marché de l’emploi. De tous ces acteurs locaux, près de 70 sont des entreprises de formation par le travail (EFT) ou des ateliers de formation par le travail (AFT) à Bruxelles. La monographie sur la Belgique se décline en quatre parties. Comme la compétence en matière d’insertion socioprofessionnelle est dévolue aux régions, nous avons constaté qu’il était plus simple de présenter alternativement la situation dans les deux régions qui nous intéressent. La première partie concerne la Région wallonne. Elle débute par un historique des actions locales et une définition de l’insertion socioprofessionnelle. On présente ensuite le cadre de reconnaissance des organismes. En troisième lieu, on fait le tour des institutions publiques pertinentes pour ensuite se pencher sur le dispositif d’insertion. La première partie se termine par la présentation détaillée des caractéristiques des acteurs locaux que sont les EFT, OISP et EI. C’est alors l’occasion de se pencher sur leur nombre et sur leurs filières d’activités, sur leur projet pédagogique ainsi que sur leurs organes fédératifs. La seconde partie concerne la région de Bruxelles et elle se divise comme la première (historique, cadre de reconnaissance, institutions, parcours d’insertion, acteurs locaux). La troisième partie se penche sur les caractéristiques des stagiaires qui utilisent les services des organismes d’insertion socioprofessionnelle. La clientèle des organismes d’insertion socioprofessionnelle en est une qui cumule souvent plusieurs déficits sociaux. La dernière partie expose les enjeux actuels pour le secteur de l’insertion socioprofessionnelle en Belgique. 1.2. La France : un État unitaire en décentralisation administrative La France est un État unitaire qui a amorcé au début des années 1980 un processus de déconcentration des pouvoirs publics et de décentralisation des administrations publiques (prenant la forme des « services déconcentrés » de l’État). En substance, cela signifie que les politiques sont encore définies à l’échelon national, mais que les pouvoirs départementaux et locaux ont de plus en plus de marge de manœuvre dans leur mise en œuvre locale. En ce qui concerne l’insertion par l’activité économique, son orientation générale est donnée par la Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. C’est le ministère du Travail qui est responsable de son application. À l’échelon national, ce sont plus spécifiquement la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et la Direction générale de l’action sanitaire et sociale (DGASS) qui sont 5 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie responsables de l’application de la Loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. L’ensemble du dispositif relatif à l’insertion par l’activité économique en France est administré par le Service public de l’emploi (SPE). Le Conseil national de l’insertion par l’activité économique (CNIAE), sous la tutelle du ministère du Travail, a un rôle consultatif auprès des décideurs, notamment concernant le conventionnement des structures d’IAE (insertion par l'activité économique). Le CNIAE réunit des élus, des administrateurs et des représentants des différents réseaux de l’IAE en France. À l’échelon régional, la Direction générale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) est responsable de la mise en œuvre des mesures de formation professionnelle des chômeurs (à l’exception des mesures destinées aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion (RMI) dont la responsabilité incombe aux administrations départementales), notamment ceux intégrant une structure d’insertion par l’activité économique. Le Conseil régional est responsable du développement économique, de la formation professionnelle et, depuis 2003, des missions locales pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. À l’échelon départemental, ce sont la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP), la Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) et la préfecture qui sont responsables du conventionnement des acteurs de l’insertion par l’activité économique. Les Conseils départementaux de l’insertion par l’activité économique (CDIAE), qui rassemblent les acteurs locaux concernés, tiennent un rôle consultatif. À l’échelon local (communes), les maires et les autres acteurs peuvent être rassemblés dans des « Plans Locaux pour l'insertion et l'emploi » (PLIE). Fin 2002, on dénombrait en France 948 (980 en 2001) associations intermédiaires (AI), 856 (869 en 2001) entreprises d’insertion (EI) et 263 (279 en 2001) entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI). Ainsi, plus de 2 067 structures ont été conventionnées par les préfets (Dares, 2003). Ces différentes structures — AI, EI et ETTI — ont employé 227 700 salariés au cours de l'année 2001, soit environ 38 000 emplois en équivalents temps plein (Céalis, 2002). Ces trois types de structures se situent dans le secteur marchand de l’insertion par l’activité économique, toutes trois s’inscrivent dans l’économie de marché tout en mettant de l’avant un projet social d’insertion de personnes marginalisées. Ces entreprises et associations se sont regroupées en fédérations régionales et nationales. Le Comité national des entreprises d’insertion (CNEI) est la fédération des Unions régionales d’entreprises d’insertion (UREI) et des Unions régionales des structures d’insertion par l’économique (URSIE). Le CNEI représente plus de 550 acteurs locaux (SIAE). Une autre fédération, la Fédération COORACE représente aussi près de 500 membres, dont plus du tiers des AI conventionnées. COORACE représente autant des structures d’IAE du secteur marchand que du secteur des travaux d’utilité publique. 6 Document synthèse - survol Cette recherche est donc limitée sur le plan des dynamiques concrètes, microsociologiques, qui régissent le secteur de l’insertion socioprofessionnelle. Seuls des entretiens approfondis pourraient nous renseigner sur les rapports concrets qu’entretiennent les acteurs entre eux. Cependant, l’objet de la recherche est de décrire le cadre institutionnel de l’insertion par l’activité économique et la méthodologie privilégiée permet d’atteindre les objectifs fixés. La monographie sur la France est divisée en quatre parties. La première balise le secteur de l’IAE en France. On y présente d’abord son historique, puis les définitions qu’on lui a données, à travers l’environnement législatif et le cadre institutionnel mis en place par l’État français et, enfin, les principales aides et les subventions disponibles. La seconde partie présente les acteurs locaux (EI, ETTI, AI, chantiers-écoles), les regroupements d’acteurs (CNEI, UREI, COORACE, FNARS, CNLRQ, chantiers-écoles), les institutions publiques liées à l’IAE (DGEFP, DRTEFP, DDTEFP, Préfecture, ANPE, ALE) et les différentes instances de concertation (CNIAE, CDIAE, PLIE). La troisième partie concerne les « parcours d’insertion » ainsi que les caractéristiques socio-économiques des publics qui utilisent les structures de l’insertion par l’activité économique. On y expose, entre autres, certaines statistiques sur les activités des différentes structures d’insertion (EI, AI, ETTI). Enfin, la quatrième partie concerne les enjeux politiques actuels de l’insertion par l’activité économique en France. 1.3. Le Québec : L’insertion par l’activité économique au Québec, gestion provinciale et financement fédéral Le Québec est l’une des dix provinces de la fédération canadienne. Au Canada, les politiques concernant l’assurance-chômage, devenue assurance-emploi, relèvent du gouvernement fédéral alors que le secteur de l’éducation est de compétence provinciale. Ainsi, en vertu de l'entente Canada-Québec relative au marché du travail, intervenue en avril 1997 et entrée en vigueur le 1 er janvier 1998, le Québec est responsable des mesures actives d'emploi dont bénéficient les participants de l'assurance-emploi ainsi que de certaines fonctions du Service national de placement auxquelles peuvent avoir recours les usagers de l'assurance-emploi. Ces mesures et fonctions sont financées par le Compte d'assurance-emploi dont le Canada est responsable. Au Québec, c’est donc Emploi-Québec, agence (unité autonome) au sein du ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du gouvernement du Québec (MESSF), qui est responsable de gérer la politique liée à l’insertion par l’activité économique. Cette agence est née de la fusion, en 1998, de différents services d'emploi et de main-d'œuvre. La fusion avait alors comme objectif de faire converger l'ensemble des efforts et des ressources en cette matière vers les grands objectifs du Québec. Ce sont les instances régionales d’Emploi-Québec qui sont aujourd’hui responsables de l’accréditation et du 7 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie financement des entreprises d’insertion. En mai 2003, Emploi-Québec avait accrédité 29 entreprises d’insertion. Pour leur part, les Centres locaux d’emploi (CLE) administrent les « ententes de service » entre les entreprises d’insertion et Emploi-Québec. En mars 1998, le Cadre de reconnaissance et de financement des entreprises d’insertion est signé par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Ce cadre décrit les modalités opérationnelles menant à l'établissement de la reconnaissance des entreprises d’insertion dont la grande majorité est regroupée au sein du Collectif des entreprises d’insertion du Québec (CEIQ). Le CEIQ est le seul regroupement provincial d’entreprises d’insertion au Québec. Il n’a pas d’antenne régionale. Le CEIQ regroupe 42 des 51 entreprises d’insertion au Québec (38 en 2001). Celles-ci sont présentes dans 11 régions administratives différentes. C’est à Montréal que l’on en retrouve le plus grand nombre — dix-neuf —, soit près de la moitié. Plus de 66 activités d’apprentissage distinctes sont offertes à travers le réseau des EI. Le réseau a accueilli plus de 2 600 participants-travailleurs en 2002. Près de 600 personnes sont employées de façon permanente dans les EI (responsables de l’accompagnement, de la production, directeur, personnel administratif, etc.). La vente de produits et services par ces entreprises génère plus de 20 millions de dollars dans l’économie québécoise. L’activité des entreprises d’insertion au Québec se situe dans le secteur marchand de l’économie. Toutes s’inscrivent dans l’économie de marché tout en mettant de l’avant un projet social d’insertion de personnes marginalisées. Dans le cadre de cette monographie, comme il a été stipulé par les directives de recherche, nous limiterons notre analyse de l’IAE au Québec aux entreprises d’insertion membres du CEIQ. Cependant, étant donné les relations étroites qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique avec d’autres organismes dont la mission se situe en périphérie de l’IEA, ces derniers seront aussi mentionnés à l’occasion. En amont des initiatives d’insertion par l’économique qui prennent la forme d’une « entreprise d’insertion » se trouvent, par exemple, des organismes qui proposent des services d’accueil, de « counselling » (organismes communautaires, les CDEC, etc.) ou encore des services de francisation (éducation aux adultes dans le réseau public, organismes communautaires, etc.). D’autre part, en aval, s’adressant à des personnes en fin de parcours, il y aussi des organismes qui offrent des services de référence auprès des employeurs, des services de placement, du « suivi en emploi » ou encore un soutien à la création d’entreprises ou au travail autonome. Soulignons enfin qu’à l’intérieur même de l’entreprise d’insertion, ce type de service est bien souvent rendu disponible. La monographie sur le Québec est divisée en quatre parties. La première balise le secteur de l’insertion par l’activité économique au Québec. On y présente d’abord l’historique de l’IAE, puis les définitions qu’on lui a données, l’environnement législatif et le cadre institutionnel mis en place par le gouvernement du Québec ainsi que les principales aides et le financement disponible. La seconde partie présente en 8 Document synthèse - survol détail les différents acteurs locaux (EI), le regroupement d’acteurs (CEIQ), les institutions publiques liées à l’IAE (MSSS, Emploi-Québec, CLE, etc.) et les différentes instances de concertation (Comité du suivi du cadre de reconnaissance et de financement, Comité consultatif régional-Accréditation des entreprises d’insertion, etc.) La troisième partie concerne les « parcours d’insertion » ainsi que les caractéristiques socio-économiques des participants-travailleurs qui travaillent dans les structures de l’insertion par l’activité économique. Enfin, la quatrième partie concerne les enjeux politiques actuels de l’insertion par l’activité économique au Québec. 1.4. La Suisse romande : L’insertion par l’activité économique, un secteur d’intervention en émergence La Suisse est une nation multiculturelle et multiconfessionnelle régie par une constitution fédérale. Le terme Confédération désigne l’état fédéral en Suisse et ses compétences sont fixées par la constitution. La Confédération est notamment compétente en matière de politique étrangère, de politique de sécurité, de douanes, de monnaie et de la législation de la Confédération; lorsque celle-ci s'applique à tout le territoire national. Elle est généralement compétente dans tous les domaines qui touchent à l'intérêt général. Les tâches qui ne relèvent pas expressément de sa compétence sont du ressort des cantons ou des communes. Le territoire suisse est divisé en 23 cantons. Le canton le plus récent, le Jura, a été créé en 1978. Les cantons sont des États qui se sont réunis petit à petit dès 1291 pour donner naissance à la Confédération (1848) en lui transférant ainsi une partie de leur souveraineté. Chaque canton ou demi-canton a sa propre constitution, son parlement, son gouvernement et ses tribunaux. Les parlements cantonaux comptent de 58 à 200 sièges, et les gouvernements cantonaux cinq, sept ou neuf personnes. En ce qui a trait aux « portes d’entrée » de l’IAE en Suisse, soulignons que les personnes bénéficiant de l’assurance-chômage ou de l’aide sociale peuvent consulter les Offices d’Orientation et Formation Professionnelle (OOFT) (dans les cantons), qui, dans certains cas, ont développé des prestations dans l’évaluation des acquis, des portfolios voire de certification. D’autre part, les Offices régionaux de placement (ORP) gèrent les mesures actives et le placement des chômeurs. Dans ce dernier cas, c’est le gouvernement fédéral qui finance la prestation des services qui, par ailleurs, sont gérés au niveau cantonal. Cette courte présentation de l’organisation politique de la Suisse met en relief les structures différenciées ainsi que les fortes variations en ce qui concerne les champs de compétences entre les paliers fédéral, cantonal et communal. Il semble que ce type d’organisation rend difficile l’établissement d’une ou des définitions gouvernementales de l’insertion par l’activité économique. Ainsi, on constatera qu’en Suisse, contrairement au cas français, belge et québécois, les entreprises sociales d’insertion par l’économique ne 9 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie correspondent à aucune définition précise. Pour plusieurs, cette absence de définition constitue un frein au développement des structures d’IAE. De plus, ceci constitue également un frein à l'organisation en fédération ou en réseau. Il semble d’ailleurs que cette absence de définition se répercute sur l’organisation en association professionnelle nationale des entreprises sociales d’insertion par l’économique qui demeure encore très partielle en Suisse. Certains réseaux, parfois éphémères, se sont constitués, notamment le réseau genevois Réinsertion où va-t-on. Ce réseau informel comprenait plusieurs entreprises sociales d’insertion, notamment : Réalise (Genève), l’Orangerie (Genève), SOS Femmes (Genève), La Thune (Valais), Emploi et Solidarité (Fribourg) et Caritas-Jura (Jura). Bien que le réseau « Réinsertion où va-t-on » n'existe plus, ce fut le premier pas vers la constitution du RÉSOL. Pour cette raison, il nous a paru important d’en relever l’existence, bien qu’elle fut éphémère. Ainsi, au niveau régional, le RÉSOL, Réseau lémanique économie solidaire/entreprises sociales, a été constitué récemment et a pour ambition de fédérer des organisations de l'économie sociale (et pas seulement des ESIE). Face aux difficultés de fédérer les organisations de l'économie sociale directement au niveau romand, il a été décidé que le RÉSOL deviendrait un groupe de travail francophone de l'AOMAS. Dans le canton de Genève, l'association APRES a été créée fin 2003, pour réseauter au niveau de la région genevoise les organisations de l'économie sociale et solidaire, dont les ESIE. Dans le cadre de cette monographie, comme il a été stipulé par les directives de recherche, l’analyse de l’IAE en Suisse portera surtout sur les entreprises sociales d’insertion relevant du secteur marchand. Cependant, les relations étroites qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique font en sorte que les activités en périphérie de l’IAE seront aussi mentionnées à l’occasion. En Suisse, l’absence de définition institutionnelle de l’insertion par l’activité économique fait en sorte que les entreprises sociales d’insertion par l’économique ne sont pas circonscrites à un secteur précis de l’économie. Ainsi, parmi les entreprises se qualifiant d’entreprises sociales d’insertion, on trouvera, à la fois, des entreprises opérant dans le secteur marchand de l’économique et dans le secteur qu’on a appelé le secteur de l’utilité publique. De plus, dans le cas suisse, la distinction entre les entreprises s’adressant à des personnes exclues du marché du travail et celles employant des « personnes handicapées » au sens de la loi sur l’assurance-invalidité n’est pas aussi tranchée que dans les cas français, québécois ou belge. Cette précision étant faite, il faut aussi souligner qu’il existe différents types de structures et de services se situant en amont des initiatives d’insertion par l’économique qui prennent la forme d’une « entreprise sociale d’insertion », notamment les ateliers pour personnes handicapées (bénéficiaires de l 'AI), qui font de « l'économique », mais sans perspective de réinsertion (ou de manière très partielle). 10 Document synthèse - survol D’autre part, en aval de l’IAE, notamment pour des personnes ayant complété leurs parcours en ESIE (mais non exclusivement, car les services sont généralement ouverts à tous), de nombreux services ont été mis en place. Certains cantons ont prévu des mesures d’accompagnement pour les personnes bénéficiant de l’aide sociale ou des mesures de type revenu minimum pour retrouver un emploi. Les cantons peuvent ainsi financer aussi certaines institutions qui offrent du travail avec des rémunérations minimums. D’autre part, la LACI (Loi fédérale sur l'Assurance-Chômage et Insolvabilité) prévoit des « aide au démarrage d’entreprise » aux personnes ayant droit aux indemnités chômage et voulant exercer une activité à titre de travailleur indépendant. Dans l’ensemble, ces services se situent à la périphérie de l’IAE, ils ne seront pas abordés directement dans la monographie. Comme il a été stipulé par les directives de recherche, l’analyse de l’IAE en Suisse porte sur les entreprises sociales d’insertion (ESIE) relevant du secteur marchand. Cependant, les relations étroites qu’entretiennent les acteurs du secteur de l’insertion par l’activité économique font en sorte que les activités en périphérie de l’IAE seront aussi mentionnées à l’occasion. Quant à eux, les « entreprises sociales d’insertion par l’économique » (ESIE) produisent des biens et/ou des services, tout en mettant de l’avant un projet social d’insertion de personnes marginalisées, ce qui correspond à la définition de l’IAE utilisée dans le cadre de la recherche. En terminant, soulignons qu’il n’existe pas de recensement national ou cantonal des ESIE en Suisse qui nous permettrait d’en présenter un portrait global (nombre d’ESIE, leur taille, nombre d’accompagnateurs, nombre de collaborateurs, etc.). La monographie sur la Suisse est divisée en trois parties. La première balise le secteur de l’insertion par l’activité économique en Suisse. On y présente d’abord l’historique de l’IAE, puis les définitions qu’on lui a données, l’environnement législatif et le cadre institutionnel mis en place par les différents paliers de gouvernements ainsi que les principales aides et les subventions disponibles. La seconde partie présente en détail les différents acteurs locaux (ESI), le regroupement d’acteurs (Réinsertion où va-t-on, RÉSOL, APRES, AOMAS), les institutions publiques liées à l’IAE (seco, ORP, OOFP, cantons et communes) et la seule instance de concertation (Conférence suisse des institutions d’actions sociales). Enfin, la troisième partie concerne les enjeux politiques actuels de l’insertion par l’activité économique en Suisse. 11 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie 2. Les défis et enjeux politiques actuels 2.1. Belgique Enjeux perçus en Belgique (FéBISP) Défi de la consolidation a. Application de l’accord non-marchand b. Vers une meilleure définition du partenariat associatif Défi de l’évolution c. Face au marché de l’emploi et à son évolution d. Penser en termes de parcours d’insertion dits de socialisation e. Développer une formation qualifiante Défi d’une intervention citoyenne : l’insertion comme un des maillons de l’intervention sociale Enjeux perçus en Belgique (RES) Une position de renforcement de la dynamique de croissance du secteur des entreprises sociales. Des actions pour faciliter les interventions auprès des demandeurs d’emploi particulièrement difficile à placer Développer des ressourceries et des « service ries » Développer un chantier SFS Mettre en place des cellules d’économie sociale au niveau régional 2.2. France Enjeux perçus par le CNEI Enjeux concernant le public : dans une situation de multiplication des dispositifs, il s’agit de contrer la distanciation et la perte de confiance entre les publics et les professionnels Les rapports de l’IAE aux politiques publiques et aux acteurs locaux : inscrire l’IAE comme une démarche de développement local, ce qui implique des partenariats et des alliances Enjeu de la communication pour bien dégager la spécificité et l’identité des IAE Les enjeux de la reconnaissance et du rapprochement entre réseaux au niveau européen 12 Document synthèse - survol Enjeux liés au Contrat d’insertion revenu minimum d’activité (CI-RMA) Une certaine levée de boucliers contre une mesure qui favorise une intégration forcée et précarisée des publics de l’insertion dans le marché du travail 2.3. Québec 1. Le défi de l’aggravation des problématiques des participants : des populations plus lourdement affectées que par le passé 2. L’enjeu de la formation globale : favoriser une reconnaissance du modèle de formation et d’apprentissage réalisé en cours d’insertion par le ou la participante 3. Le défi de la vie démocratique : l’entreprise d’insertion est un espace démocratique à développer et à protéger contre certaines tentatives externes visant à amoindrir la vie démocratique qu’on y rencontre 4. La question du développement des entreprises d’insertion par l’adoption de critères d’évaluation et de productivité sociale et économique adaptée à leur spécificité 5. Les rapports avec le milieu : des développements sont à faire en fonction des différents types d’acteurs avec lesquels les EI du Québec interagissent : Le milieu communautaire Le secteur privé La société civile L’État Les syndicats 13 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie 2.4. Suisse Une situation spécifique d’un secteur en émergence : tout est en démarrage, dès lors : a) la question de la reconnaissance b) carence au plan de formes juridiques adaptées c) problèmes généraux d’intervention spécifiques à l’insertion par l’économique dans un contexte faiblement institutionnalisé Des enjeux politiques particuliers en termes : d) De manque de cohérence dans les politiques publiques e) D’absence de mesures actives Les débats liés à la substitution d’emploi : l’insertion qui substitue des emplois qui relevaient du secteur public ou qui colonisent le domaine du marché. 14 Document synthèse - survol Conclusion La réalisation de cette recherche nous a permis de dégager quelques constats. Premièrement, force est de constater que les contextes politiques, économiques, associatifs ou civiques de chaque entité nationale pèsent lourdement sur la nature et la structuration des dispositifs en matière d’insertion par l’activité économique. S’il y a une convergence dans la problématisation de la question sociale de l’exclusion et un consensus sur la mise à l’écart de certaines populations, les façons d’agir pour répondre à cette question se teintent d’une culturalité qui permet certes d’identifier des racines communes ou une parenté d’action, mais aussi une diversité de pratiques. Au-delà d’une certaine langue commune, nous sommes confrontés à la présence de quatre dialectes bien distincts. D’où l’importance du travail que nous avons fait pour dégager les champs sémantiques et les réalités institutionnelles propres à ces quatre univers. Sans cette compréhension, il devient difficile d’établir des échanges et de s’inspirer réciproquement en favorisant des activités de transfert et de mise en proximité. Deuxièmement, nous avions l’intention d’identifier et de caractériser les systèmes d’acteurs. Les résultats de cette recherche permettent de déceler des systèmes d’acteurs. Elle permet moins de définir les cadres d’intervention spécifiques relevant d’acteurs autres que ceux de l’insertion ou des agences publiques. Cette recherche dit peu de chose sur l’acteur privé, sur l’acteur syndical et sur les populations en situation d’insertion. Nous avons abordé ce qui est au centre apparent, reste à identifier ce qui relève d’une autre centralité, à savoir les populations visées, les bénéficiaires ou les usagers, et surtout les populations silencieuses, les gens d’affaires, sans qui il est difficile d’avoir une action intégrée en matière d’insertion. Ces acteurs occupent une fonction clé tant en ce qui concerne les causes de l’exclusion que les résultats de l’intégration au marché du travail. Troisièmement, les contextes institutionnels sur l’insertion par l’activité économique nous ont révélé une forte imbrication entre les dispositifs associatifs (Europe) et communautaire (Québec) et l’appareil public. En fait, les quatre monographies mettent en scène deux acteurs fortement liés et dépendants l’un de l’autre, mais pas avec le même type de dépendance et de pouvoir. Ce constat nous renvois au cadre fordiste et keynésien de structuration du devenir sociétal à un moment où ce cadre perd de son acuité pour expliquer et mobiliser les acteurs sociaux. En d’autres mots, le cadre relationnel de l’insertion par l’activité économique donne l’impression d’être resté figé dans un mode de gestion fordiste et keynésien des rapports sociaux. Cette situation fait en sorte que les cadres d’intervention se définissent principalement en fonction de paramètres nationaux, sans tenir compte de la mondialisation, de l’évolution des situations économiques, des transformations identitaires. Ceci 15 Un portrait des initiatives de formation par le travail et d’insertion socioprofessionnelle dans la francophonie nous amène à formuler un questionnement sur le renouvellement de la capacité d’innovation sociale et économique des structures ou des dispositifs d’insertion par l’activité économique. En étant trop collé par rapport à chaque réalité nationale, tant sous son l’angle des politiques publiques que de la configuration du marché du travail, la capacité d’innovation des acteurs sociaux de l’insertion ne se trouve-t-elle pas « cadenacée » par une certaine rationalité de gestion en douceur d’une forme de marginalité socio-économique? En étant centré sur des réponses très adaptées à des spécificités nationales, est-on en mesure de réfléchir et d’agir plus politiquement sur les causes et la remise en question des processus producteurs d’exclusion socio-économique? N’en arrive-t-on pas à faire une bonne ou une très intervention professionnelle et paradoxalement à réaliser une faible intervention citoyenne? N’en arrive-t-on pas à agir uniquement en amont du marché du travail pour préparer une population à ce dernier sans responsabiliser les gens d’affaires et les syndicats sur leurs responsabilités eu égard à l’adaptation de l’entreprise à une main-d’œuvre « culturellement » diversifiée dans sa prédisposition à entrer dans le moule d’un « bon type de comportement au travail »? Ce questionnement, nous pouvons le retrouver en filigrane dans les enjeux identifiés par les acteurs de l’insertion par l’activité économique. Il propose de questionner les politiques publiques et le marché du travail (Suisse), de ne pas s’asseoir sur les acquis d’une reconnaissance publique et de se commettre par rapport à de nouveaux enjeux (France), de travailler à faire reconnaître l’expertise formatrice des entreprises d’insertion (Québec), de penser l’insertion comme un maillon de l’intervention sociale (Belgique). En fait, on décèle une volonté de renouer avec la capacité innovante du mouvement social que représente l’insertion par l’activité économique, mais aussi une difficulté à sortir du moule confortant découlant des gains ou des acquis en termes de reconnaissance publique. Lorsqu’il est question de réfléchir à la grande question de la démocratisation de l’activité socio-économique par et dans l’activité insertive (Québec); de dénouer le problème de l’intervention auprès des demandeurs d’emploi difficile à placer (Belgique); de se rapprocher des publics en court-circuitant l’effet de distanciation découlant d’une professionnalisation de l’intervention (France); de trouver des formes juridiques appropriées aux besoins portés par les organisations insertives (Suisse). Si les enjeux sont variés, ils portent faiblement sur la production d’outils collectifs au niveau national. Est-ce à dire que les dispositifs sont bien nantis? Qu’il n’y a plus de besoins à cet effet? Nous lançons la question. Nous y joignons aussi une autre question; est-il nécessaire de développer des outils collectifs à l’échelle internationale de façon à faciliter les transferts, les échanges, les mises en proximité et des actions conjointes auprès des législateurs et des grands acteurs économiques? 16 ALLIANCE DE RECHERCHE UNIVERSITÉ-COMMUNAUTÉS EN ÉCONOMIE SOCIALE Université du Québec à Montréal Case postale 8888, Succursale Centre-Ville Montréal (Québec) H3P 3P8 Adresse civique: 1290, rue Saint-Denis, 10e étage Montréal (Québec) H2X 3J7 Téléphone: (514) 987-3000 poste 2574 Télécopieur: (514) 987-6913 Site web: www.aruc-es.uqam.ca Courriel: [email protected]