Communiqué de presse
La consommation est-elle à l'abri des crises boursières ?
Héléna Beltran-Lopez
et Alain Durré
Au cours des derniers 26 mois, les marché boursiers se sont inscrits en forte baisse des deux
côtes de l'Atlantique. L'indice Standard and Poor's 500 est ainsi retombé en-dessous des 1000
points, totalisant une perte réelle de plus de 40% par rapport à janvier 2000. Le climat
boursier morose a de plus été accentué par les récents scandales financiers comme Worldcom
et Enron renforcant davantage la méfiance des investisseurs à l'égard des placements en
actions. Dans ce contexte, de nombreux observateurs craignent que la crise boursière ne pèse
sur la croissance de l’économie réelle, en dépit de quelques signes de reprise. Plus
particulièrement, certains affirment que la consommation des ménages américains a été
soutenue par l’envolée des cours boursiers à la fin des années 90. Ils craignent donc que, de la
même façon, la chute des cours n’incite les ménages à restreindre fortement leurs dépenses, ce
qui repousserait la reprise tant attendue.
Mais qu'en est-il vraiment ? Aux Etats-Unis, une diminution de 1 dollar américain de la
richesse boursière ne se répercuterait sur la consommation qu'à concurrence de 4 cents. Ainsi,
l’envolée des cours boursiers entre 1997 et 1999 n’aurait soutenu la croissance de la
consommation qu’à hauteur de 0,2 à 0,3 point de croissance chaque année, ce qui n’est pas
négligeable, mais reste faible par rapport aux 5 % de croissance annuelle de la consommation
américaine enregistrés pendant cette période. Certes, diront certains, que l’effet soit faible
n’est pas surprenant, car la majorité du patrimoine boursier est détenu par seulement 10% des
ménages américains. D'un autre côté, on pourrait arguer que, du fait de la plus forte
pénétration du marché boursier tant dans la vie quotidienne que dans le patrimoine des
ménages, le moral des ménages (mesuré par les indicateurs de confiance des consommateurs)
risque d’être sensible aux fluctuations des marchés boursiers. Une étude menée à l’IRES et
publié dans Regards Économiques confirme qu’effectivement les cours boursiers ont un
impact sur le moral des ménages américains, et ce depuis le début des années 90 seulement.
Mais les principaux déterminants du moral des ménages restent de loin les conditions sur le
marché du travail et le revenu.
En Belgique, les ménages continuent d’investir, « en bon père de famille », dans des
placements peu risqués, bien que la part des actions dans leur patrimoine augmente
régulièrement depuis le début des années 90. Les ménages belges sont donc probablement
encore moins sensibles aux fluctuations boursières que leurs homologues américains.
D’ailleurs, plusieurs études montrent que l’impact de la richesse boursière sur la
consommation devrait être faible, et que seules les conditions sur le marché du travail
semblent influencer leur moral.
Doit-on en conclure que la consommation est à l’abri des crises boursières, tant en Belgique
qu’aux Etats-Unis ? Cela nous semble hâtif. En effet, dans les deux pays, de plus en plus de
ménages détiennent des actions, et cette meilleure répartition pourrait expliquer que l’impact
de la bourse sur la consommation puisse être plus important dans le futur. Malheureusement,
ces changements profonds dans la structure du patrimoine étant récents, nous manquons de
recul pour pouvoir mesurer correctement leur impact sur le comportement des
Aspirante du FNRS et chercheuse à l'IRES et au CORE.
Chercheur à l'IRES et au LABORES-CNRS (France).