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Tout étant si grand ouvert, il n’est pas étonnant que les mortels se mêlent aussi à l’action. L’absorption de
l’individu dans l’essence et l’image d’un dieu dans le contexte funéraire a été notée dès le début [50].
Mais plus particulièrement, dans des représentations telles que le fac-similé n° 3, il nous est souvent
rappelé qu’il nous est possible de nous trouver à n’importe lequel des trois niveaux de l’existence, ou à
tous les trois, par ce qu’on pourrait appeler « la règle de trois ». « La logique de l’esprit égyptien est l’un
de ses aspects les plus frappants, écrit Gardiner, et rien n’est plus remarquable que l’impartialité avec
laquelle on considérait les vivants, les morts et les dieux. Les hommes, les dieux, les morts… indiquent
une classification hiérarchique des êtres humains et surhumains … Les trois classes avaient les mêmes
besoins et étaient traitées de la même manière… En fait, le temple, le tombeau et la maison des vivants
se ressemblaient fortement [51]. » Dans deux livres importants, Alexandre Moret démontre en long et en
large le principe fondamental que 1) les rites de palais, temple et tombeau sont essentiellement les
mêmes, 2) que les mêmes ordonnances sont accomplies au ciel, sur terre et dans le monde d’en bas et
3) par les vivants, les morts et les immortels et 4) que dieu, roi et gens du commun se livrent tous aux
même activités rituelles à des niveaux différents [52]. Le pouvoir des dieux était « court-circuité », comme
le dit Georges Posener, et « devint une faculté du Roi ; il devint leur remplaçant et s’identifiait comme tel
auprès d’eux [53] ». Dans l’autre direction, en tant que « Horus l’héritier de Geb, possédé par son père
[54] », le pharaon était aussi le type et le modèle de tous les hommes [55], de sorte qu’un Égyptien
ordinaire peut prier « qu’il lui soit permis d’entrer dans l’éternité… et de voir le Seigneur Unique de tous
assis sur son Grand Trône » et « de recevoir la couronne que le dieu condescend à lui transmettre »,
gloire qu’à son tour il transmettra à ses enfants, lesquels « seront établis » sur son trône dans ses
« offices de l’éternité [56] ». « À toutes les pages, ils confondent l’Osiris-N humain [c.-à-d. le défunt] avec
le dieu Osiris », écrit Louis Speleers avec irritation ; « cette confusion était délibérée et ne doit pas
déranger le lecteur qui y est préparé… Inutile de chercher une explication… [elle se situe] dans le
dérangement de leur cerveau [57]. » C’est la plus bête de toutes les explications ; il doit y avoir mieux.
Qui est assis sur mon trône ?
La formule « Tu feras ce qu’Osiris a fait, car tu es celui qui est sur son trône [58] » implique que « le trône
‘fait’ le roi [59] ». « Le trône rendait manifeste un pouvoir divin qui changeait l’un de plusieurs princes en
un roi capable de régner [60]. » Quand le roi ou son remplaçant se lève du lit en forme de lion, ayant
vaincu les puissances de la mort (fac-similé n° 1) lors de la fête du Sed, c’est le trône plutôt, que l’homme
qui est acclamé quand il s’y assied [61]. Le trône sur lequel on s’assied ne fait aucune différence, car il
n’y en a qu’un, l’archétype du ciel, de la terre et du monde d’en bas [62]. Mais qui s’assiérait sur le trône
du Pharaon pendant que celui-ci est vivant et présent ? « Aucun Pharaon d’Égypte, s’écrie l’un des
savants détracteurs de Joseph Smith, n’aurait cédé son trône, ne serait-ce que temporairement, à
Abraham ou à qui que ce soit d’autre, Ç’aurait donc été un ‘événement impossible’ [63]. » Mais on a
montré depuis lors qu’il y avait, à ce genre d’événement, d’amples précédents.
Cela remonte au titre très ancien de « Rpct sur le Trône de Geb », Geb, le dieu de la terre représentant le
principe de la succession patriarcale royale ici-bas. Comme Helck l’a démonté, nous pouvons
commencer avec la fête du Sed, marquant la fin d’un règne et le début d’un autre dans un seul rite : dans
la scène, le vieux roi est mort – ce sont ses funérailles – mais son successeur n’est pas encore monté sur
le trône, qui, par conséquent, est toujours le sien. Mais, à cause de sa situation, quelqu’un doit agir pour
le défunt roi en attendant que le nouveau prenne les choses en main, et cette personne, c’est le Rpct – à
l’origine, le fils lui-même « dans son attente du trône », dans son rôle d’Horus et par conséquent
« comme son père, descendant de Geb [64] ». Suivant l’exemple du Sed, le prince pouvait représenter
son père dans diverses missions, portant le titre « pour des tâches précises comme substitut
(Stellvertreter) du roi, autorisé à donner des ordres » en son nom et appelé fils de Geb pour proclamer
son poste légitime [65]. Étant donné les charges croissantes de l’empire, le roi devait avoir besoin de plus
d’un substitut et très tôt des fonctionnaires importants de la cour qui n’étaient pas de sang royal furent
délégués pour représenter la royauté dans diverses missions et se virent conférer le titre dans un esprit
« vraiment patriarcal » pour montrer qu’ils agissaient pour le roi et comme le roi [66]. Le grand Imhotep,
un homme de génie mais néanmoins homme du commun, détenait le titre de Rpct sur le Trône de Geb
dans la troisième Dynastie [67] ; un autre sage, Aménophis, fils de Hapou, se vante d’avoir joué le rôle de