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La culture des anciens Égyptiens, leur façon de concevoir les choses, est tellement différente de la nôtre
que l’interprétation des textes et des illustrations est extrêmement complexe et reste aléatoire. Les fac-
similés du livre d’Abraham n’échappent pas à cette règle, comme on pourra le constater en lisant cet
article sur le fac-similé 3. Les problèmes de transmission des textes viennent encore compliquer
davantage les choses. On pourra s’en faire une idée en lisant l’article de Kevin L. Barney, Adaptation
sémitique. Il convient donc de se garder des conclusions simplistes et hâtives.
LE FAC-SIMILE N° 3, UNE MOMERIE ROYALE
Par Hugh Nibley
Abraham in Egypt, The Collected Works of Hugh Nibley, Volume 14, chapitre 9
Qu’est-ce qui se passe dans le fac-similé n° 3?
L’étape ultime dans l’identification d’un objet antique est de rappeler et de recueillir tous les exemples
connus du document ou de l’objet pour faire une comparaison valable. Pour le fac-similé 3 (fig. 1),
c’est un fameux travail : il y a, en effet, littéralement des centaines d’images égyptiennes qui ressemblent
à celle-ci [1]. Mais une fois qu’on a assemblé les cent premières, il devient évident qu’il n’y en a aucune
qui soit exactement comme les autres. On retrouve sans cesse les mêmes personnages, presque dans la
même attitude, mais cela ne veut pas dire qu’ils racontent tous la même histoire.
C’est à propos de compositions telles que notre fac-similé 3 qu’Alan H. Gardiner a obserque « des
représentations plus ou moins semblables » peuvent appartenir « à un ensemble tout à fait différent de
cérémonies » que l’on ne peut distinguer que grâce aux inscriptions qui les accompagnent [2]. Les
figures sont utilisées dans diverses combinaisons pour représenter des situations diverses et chacune
d’elles doit être interprétée, comme le dit un égyptologue, à la lumière d’une « syntaxe de symboles »
égyptienne acceptée. Les compositions qui ressemblent le plus au fac-similé n° 3 sont classifiées comme
1) des scènes de présentation, 2) des scènes d’offrandes et 3) des scènes de jugement ou des
combinaisons de celles-ci. Mais avant d’y regarder de plus près, il est important de souligner le fait sur
lequel beaucoup d’égyptologues insistent aujourd’hui, à savoir qu’il est absurde de ne donner qu’une
seule et unique interprétation à une représentation égyptienne quelle qu’elle soit. C’est le piège dans
lequel les détracteurs de Joseph Smith sont toujours tombés : « Il est impossible que ceci représente ‘A’,
parce que cela représente ‘B’ ! » « La valeur d’une présentation égyptienne, nous rappelle Eberhard Otto,
dépendait du fait qu’on y voyait le nombre le plus grand possible de significations dans la formulation la
plus brève possible [3]. » Jusqu’à présent, les détracteurs des explications de Joseph Smith ont insisté
sur le plus petit nombre possible d’explications, c’est-à-dire une seule, pour chaque figure et par
conséquent non seulement ils étaient en désaccord complet les uns avec les autres, mais ils ont aussi
exposé leurs efforts à des révisions radicales futures. Les Égyptiens « considéraient que c’était
particulièrement bien que des symboles possèdent des significations multiples, écrit Henri Frankfort,
qu’une interprétation unique ne devrait pas être la seule possible [4]. »
Nous avons la grande chance de posséder la thèse de doctorat d’Ali Radwan, égyptologue d’origine
égyptienne, qui a rassemblé à des fins de comparaison une centaine de scènes appartenant à la
catégorie de notre fac-similé 3. Pourquoi rien que cent ? Parce qu’il se limite à une seule dynastie, la
dix-huitième, et aux scènes qui décrivent des audiences royales mais que l’on ne trouve que dans des
tombes privées, pas royales. La thèse a pour titre : « Représentations du roi régnant et des membres de
sa famille dans les tombeaux privés de la dix-huitième Dynastie [5] ». Bien que la scène de l’audience
royale (et toutes les scènes sont des « audiences » comme notre fac-similé 3) [6] soit présentée avec
des variantes caractéristiques de chaque période de l’histoire égyptienne, la situation décrite est hors du
temps, reconnaissable depuis les monuments prédynastiques jusqu’aux périodes les plus récentes, une
uniformité bienvenue puisque nous ne connaissons pas les dates d’Abraham [7]. Les scènes d’audience
recueillies par Radwan ne sont pas funéraires ; toutes ont lieu du vivant du pharaon et du propriétaire du
tombeau [8], et le propriétaire du tombeau qui commandite la peinture murale participe toujours
personnellement à l’événement [9]. Bien que les images se trouvent dans des tombeaux et soient parfois
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considérées comme des projections dans le monde éternel [10], elles rapportent toutes une fête très
réelle et très joyeuse au palais, fête à laquelle le propriétaire du tombeau est invité. C’est le point
culminant de sa vie et l’image est comme une photo prise pour immortaliser le moment il s’est trouvé
le plus près du pharaon [11] : « Des scribes lés font un enregistrement permanent des événements de
la fête » au moment même ils se produisent [12]. Les écrits sont transcrits sur de la pierre, matériau
impérissable, les inscriptions qui accompagnent les images décrivant l’événement et enregistrant les
discours et les conversations mémorables qui ont eu lieu à cette occasion pour l’édification de la
postérité.
Le but de l’audience est d’honorer le propriétaire du tombeau pour le remercier de toutes sortes de
services. Donc quand nous voyons le pharaon honorer, en présence de la cour, un fonctionnaire dont
l’efficacité a permis d’engranger une récolte de grain record dans les entrepôts royaux, nous pensons
inévitablement à Joseph en Égypte [13]. Chose surprenante, l’ambiance n’est pas celle d’une majesté
écrasante, mais celle d’une intimité bon enfant. « Le contact intime avec le roi était essentiel pour une
biographie correcte », nous assure Radwan [14]. L’intimité est l’ordre du jour. Même les rappels
constants de motifs du couronnement, de la fête du Sed et de la fête du Nouvel An ne font que rehausser
l’ambiance de cordialité et d’amabilité, car c’était le moment la famille tenait portes ouvertes avec
l’échange de cadeaux parmi les gens de toutes les classes et de tous les milieux [15]. Avec le contact
personnel en prime, les serviteurs immédiats du palais jouissaient d’un avantage spécial, et, disons-le
tout de suite, injuste (Le roi m’a vu ! [en français dans le texte]) et bien qu’il ne soit pas question de
refuser aux hauts fonctionnaires leurs droits sur le roi, la toute grande majorité des propriétaires de
tombeaux qui jouissent de l’attention de la famille royale sont les serviteurs du palais, et particulièrement
les majordomes, les « principaux serviteurs ». Il n’est donc que tout naturel de constater que le
personnage principal de notre fac-similé 3 soit un certain « Schulem, un des principaux serviteurs du
roi », sans lequel nous n’aurions jamais eu cette histoire-ci.
Un élément visible et presque immanquable dans le tableau est le bouquet festif mais officiel,
ordinairement de lotus ou de papyrus, qui est soit porté, soit posé sur un pied comme dans notre fac-
similé 3, symbole d’accueil et de bienvenue Abraham en Égypte »). Nous traitons ci-dessous de sa
signification.
Depuis le commencement, le problème principal du propriétaire jubilant du tombeau était de savoir
comment indiquer la présence réelle du pharaon mêlé aux affaires privées de l’homme sans se rendre
coupable de lèse-majesté. Le roi n’est jamais représenté directement dans les scènes de l’Ancien et du
Moyen Empire [16]. Au part, c’était la fameuse formule htp dj nsw « une faveur du roi » qui, seule,
servait à indiquer la, présence royale [17]. Par la suite, quand les propriétaires de tombeaux ont risqué
une « intimité croissante », le nom du roi est apparu dans les inscriptions signalant sa présence sur la
scène [18]. Plus tard encore, ce sont ses cartouches royaux, dans toute leur splendeur officielle, qui vont
montrer qu’il est réellement [19]. Enfin, c’est le roi lui-même qui est représenté, assis sur un trône sous
un kiosque [20]. C’est une scène standard, dans laquelle le personnage assis reçoit les honneurs des
personnages debout, habituellement au nombre de trois ou quatre, bien qu’on puisse y trouver, outre le
propriétaire du tombeau et le roi, des membres de la famille du propriétaire aussi bien que la famille du
roi, les amis du propriétaire et les amis du roi, en plus desquels « il y a toujours des spectateurs [21] »,
notamment des fonctionnaires, des serviteurs, des gardes, des valets, des porteurs d’éventail, etc., dans
une variété surprenante de combinaisons, et il n’y en a jamais deux qui soient exactement identiques.
Naturellement le roi est assis pendant que les autres sont debout, mais il y a des exceptions, presque
exclusivement dans le cas des enseignants [22], toujours montrés occupés à enseigner, ce qui permet au
mentor vénéré d’être assis pendant que son jeune pupille, portant tous ses insignes royaux, se tient
debout devant lui [23]. Cette scène édifiante remonte à l’Ancien Empire [24]. Il arrive que des étrangers,
habituellement des Asiatiques, soient cités à comparaître, à la fois pour rendre hommage et pour recevoir
« le souffle de vie » de la présence du Pharaon [25]. Quand de telles personnes sont présentes, le
propriétaire du tombeau apparaît comme quelqu’un qui est employé au service des étrangers (fig. 2)
puisque quelque exotique qu’ait été la scène, le propriétaire du tombeau devait avoir une raison d’être
personnellement présent [26]. »
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Dans les petites intrigues présentées par le petit nombre limité de personnages, d’accessoires et de
gestes habituels utilisés, nous voyons « roi et roturier debout ensemble en la présence d’Osiris ou le
propriétaire de la stèle debout devant deux reines ou le roi debout comme intercesseur entre le
propriétaire du tombeau en prière et une divinité [27]. » « En règle générale, le roi est assis dans son
kiosque » ou, plus tard, debout à la Fenêtre des Apparitions, seul ou accompagné d’autres, soit humains
soit divins. Il peut être significatif que la figure 1 de notre fac-similé 3 n’a ni kiosque ni fenêtre ; un
[échantillon] suffira à donner une idée des interprétations que ce dessin rend possibles (voir fig. 3).
Si nous devions insérer le fac-similé 3 dans les centaines de scènes qui y ressemblent et que l’on
trouve partout dans l’archéologie égyptienne et demander à un expert de l’interpréter en même temps
que le reste, il devrait, nous nous en rendons compte maintenant, tenir compte de tout un tas de choses.
Prenez par exemple la figure 1 du fac-similé 3 : c’est de toute évidence Osiris en vêtements royaux,
mais une étude récente de ce personnage bien connu nous avertit que « l’on ne doit jamais oublier » que
« il y a une telle diversité de représentations d’Osiris avec le fléau, la houlette et le sceptre w3s
qu’aucune identification certaine n’est possible », si l’image n’est pas accompagnée d’un texte [28].
Ce n’est qu’à l’aide d’étiquettes écrites, affirme un autre commentateur, que l’on peut dire de quel dieu il
s’agit, ce qu’est le contexte de l’intrigue et quelle est l’activité exacte qui est visée [29]. « Dans tous ces
livres, écrit Natacha Rambova, le processus est toujours le même, mais il est décrit ou représende
diverses manières sous différents angles de signification », tandis que les textes qui accompagnent
donnent « une image de nombreuses analogies et de formes relationnelles complexes [30] ». Quel
épisode de quelle histoire une image donnée représente-t-elle ? Tout dépend : aucun savant ne doit
tenter de nous dire une fois pour toutes ce que le fac-similé 3 représente réellement. Même la date et
l’emplacement exacts d’un document ne donnent aucun indice certain de son identité, car les choses
étaient souvent passées de l’un à l’autre, comme le Papyrus Ramesseum, qui, quoique appartenant à
l’origine à un grand pharaon, nous parvient de la bibliothèque d’un citoyen priqui vivait deux cents ans
plus tard, alors que le contenu proprement dit remonte à la Première Dynastie. Ce sont des
considérations qui sont importantes en ce qui concerne Abraham. Et puisque les fac-similés 1 et 3
sont des scènes rituelles, nous ne devons pas oublier ce que Gardiner a écrit à propos du scénario du
Ramesseum : « Je trouve que, par-dessus tout, il est salutaire de se rappeler le caractère partiel et
incomplet de nos sources… l’intérêt qu’a suscité le texte théâtral publié par Sethe qui nous faisait
découvrir des rites de couronnement dont les sources conventionnelles ne trahissaient pas le moindre
indice [31]. » Nous devons donc nous attendre à avoir affaire à des sources non conventionnelles aussi
bien qu’à des sources conventionnelles. Pour comprendre ce qu’un document égyptien essaie
d’exprimer, que dis-je, » pour saisir ne serait-ce que les situations les plus simples », selon Philippe
Derchain, il faut faire une comparaison avec tous les textes parallèles possibles, une analyse rigoureuse
de tous les détails et avoir une connaissance lexicale intime de chaque mot [32]. »
Il saute aux yeux que, dans le fac-similé 3, nous n’avons rien qui ressemble à un portrait d’Abraham
ou de qui que ce soit d’autre. Il ne faut d’ailleurs pas s’y attendre : sur les innombrables portraits de
personnes sur les stèles funéraires, » sur la plupart des stèles on ne peut deviner que le sexe, parfois
l’âge approximatif de la personne [33] » ; selon une étude récente, même les splendides portraits royaux
ne sont pas des portraits : Les Égyptiens évitent en tout temps d’essayer de représenter des
personnalités et préfèrent dans tous les cas une représentation statique dans laquelle seule l’indication la
plus sommaire suffit pour évoquer l’idéal derrière l’apparence [34], une autre étude encore affirme que ce
n’est que « par un effort d’imagination de notre part », en bloquant délibérément nos réactions
esthétiques, que nous pouvons parvenir au « contact le plus authentique avec le document [35] ». Au lieu
d’être contrariés par ceci, les critiques en comprennent maintenant la sagesse. Comme le dit Samuel G.
F. Brandon, en parlant d’une scène rituelle typique comme le fac-similé 3 : « Malgré l’iconographie
bizarre… la grande importance spirituelle de l’idée qui l’a inspirée doit être patente pour tous ceux qui la
contemplent [36]. »
Pour en arriver à la composition de base de notre fac-similé 3, nous nous trouvons devant une
situation standard dans laquelle un homme ou une femme est en train d’être présenté(e) par une autre
personne à un personnage auguste qui est assis. C’est le nombre minimum d’acteurs pour une scène
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d’offrande, un jugement ou une présentation. Elle ressemble à des centaines d’autres stèles funéraires
le thème habituel est la présentation d’une offrande de nourriture à la personne assise sur le siège.
Mais parmi elles il y en a beaucoup la nourriture et la formule d’offrande manquent, l’accent étant mis
sur la présentation de la personne au personnage royal à titre spécialement honorifique. Tantôt la
personne sur le trône est un dieu, tantôt un roi, tantôt le propriétaire de la stèle lui-même, recevant des
membres de son propre ménage. Parfois la même scène est répétée à deux ou trois niveaux différents,
la même réception se jouant au ciel, sur la terre et dans le monde d’en bas, le tout simultanément ! Il est
habituel de montrer divers membres de la famille qui vivent encore sur la terre comme étant présents à
ces occasions qui revêtent l’aspect festif d’une joyeuse fête de famille, divers fils et filles, etc., sont
couronnés de cônes de parfum de fête, portant d’immenses lotus ou bouquets festifs pour le joyeux
événement.
Qui est qui ?
Dans le fac-similé 3, la personne qui est sur le trône est effectivement Osiris et cependant il est censé
ici être un être humain normal. Comme chacun sait, le défunt dans les textes funéraires égyptiens est
régulièrement désigné comme « l’Osiris Untel », mais jusqu’où va cette identité et à quel point était-elle
censée être littérale ? Il fut un temps cela intriguait considérablement les savants : Si cet échange, ce
mélange, cette fluctuation constante de l’identification des personnes se produit à toutes les pages du
texte écrit, au point que cela nous donne le tournis, pourquoi devrions-nous nous attendre à une
cohérence linéaire parfaitement logique dans le dessin [37] ? Mais Derchain trouve dans cette liberté
d’échange même « une logique admirable » méritant l’étude sérieuse qu’elle n’a pas encore reçue [38].
Au centre de la religion égyptienne, observe Rudolf Anthes, il n’y avait pas de certitude dogmatique (du
genre de celle sur laquelle les détracteurs de Joseph Smith insistent) ; nous trouvons au contraire ce qu’il
décrit comme une sorte d’arabesque merveilleusement entremêlée et perpétuellement fluctuante [39].
Ulrich Luft trouve même que les dessins les plus bizarres sont « en mouvement perpétuel » à cause de
l’idéalisation pure qui les sous-tend [40]. » Ce que nous avons dans ces dessins libres mais
conventionnels, dit Frankfort [41], ce sont « des chaînes débridées d’associations et de conclusions », et
si nous voulons les traiter », nous devons nous efforcer d’entendre la résonance de cette polyphonie de
significations [42]. » Et, plus récemment, Otto insiste sur le fait que « nous devons être prêts à
reconnaître une pluralité mystérieuse de significations (geheimnisvolle Vieldeutigkeit) » dans ces choses,
que l’on trouve « dans sa forme la plus pure et la plus secrète » dans le temple, mais, même là, dans des
rites d’un « sens religieux universel non dogmatique [43] ». Nous pouvons voir dans notre fac-similé 3
ce que Robert Hari perçoit dans une composition qui y ressemble beaucoup (fig. 4), « encore un exemple
du goût qu’ont les Égyptiens pour jouer avec des analogies [44] ». Une interprétation rigide devient
encore moins satisfaisante quand on pense, avec Wolfgang Helck, qu’au cours des siècles « les vieilles
désignations (Bezeichnungen), formules et rites, tout en conservant intacte leur forme verbale (Wortlaut),
changent de signification interne [45]. »
Il y a plus d’un siècle, Édouard Naville a observé « que rien n’est plus difficile que de reconnaître les
signes distinctifs de chaque divinité » dans une image égyptienne, car si « toute divinité a des emblèmes
spécifiques qui sont comme des idéogrammes des caractéristiques qui lui sont propres [46] », on se les
passe avec une indifférence totale vis-à-vis des dieux concernés, les distinctions entre eux étant presque
éliminées dans ce processus d’équivalence, d’égalisation, d’interpénétration, les noms, les formes, les
pouvoirs devenant tous entremêlés dans une nature de base commune qui est la marque des dieux
égyptiens. Jan Bergman définit le processus comme étant un processus de proximité, d’association, de
fusion et, en fin de compte, d’identification complète [47]. Au cours de l’année écoulée, le point de vue de
Naville a été confirmé dans une étude de ce Dieu anonyme qui vèle le mode de vie (Lebenslehren)
correct et qui n’a d’autre nom que « Dieu » (Ntr) et peut être désigné sans discrimination comme singulier
ou pluriel ; il est tout-puissant, omniscient, caché et juste ; il est Créateur, Souverain, Juge et Nourricier ;
il réclame le culte, l’obéissance et la confiance de l’homme [48]. Et pourtant tout en lui est « non
spécifique », de sorte qu’on l’identifie tout naturellement au roi, au dieu soleil, ou à tout autre dieu et qu’il
s’identifie dans tous les sanctuaires locaux à la divinité locale et est « considéré comme la puissance
divine universelle… l’incarnation de la divinité en soi » ; en bref, il est « n’importe quel dieu que l’on veut
[49] ».
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Tout étant si grand ouvert, il n’est pas étonnant que les mortels se mêlent aussi à l’action. L’absorption de
l’individu dans l’essence et l’image d’un dieu dans le contexte funéraire a été notée dès le but [50].
Mais plus particulièrement, dans des représentations telles que le fac-similé 3, il nous est souvent
rappelé qu’il nous est possible de nous trouver à n’importe lequel des trois niveaux de l’existence, ou à
tous les trois, par ce qu’on pourrait appeler « la règle de trois ». « La logique de l’esprit égyptien est l’un
de ses aspects les plus frappants, écrit Gardiner, et rien n’est plus remarquable que l’impartialité avec
laquelle on considérait les vivants, les morts et les dieux. Les hommes, les dieux, les morts… indiquent
une classification hiérarchique des êtres humains et surhumains Les trois classes avaient les mêmes
besoins et étaient traitées de la même manière… En fait, le temple, le tombeau et la maison des vivants
se ressemblaient fortement [51]. » Dans deux livres importants, Alexandre Moret démontre en long et en
large le principe fondamental que 1) les rites de palais, temple et tombeau sont essentiellement les
mêmes, 2) que les mêmes ordonnances sont accomplies au ciel, sur terre et dans le monde d’en bas et
3) par les vivants, les morts et les immortels et 4) que dieu, roi et gens du commun se livrent tous aux
même activités rituelles à des niveaux différents [52]. Le pouvoir des dieux était « court-circuité », comme
le dit Georges Posener, et « devint une faculté du Roi ; il devint leur remplaçant et s’identifiait comme tel
auprès d’eux [53] ». Dans l’autre direction, en tant que « Horus l’héritier de Geb, possédé par son père
[54] », le pharaon était aussi le type et le modèle de tous les hommes [55], de sorte qu’un Égyptien
ordinaire peut prier « qu’il lui soit permis d’entrer dans l’éternité… et de voir le Seigneur Unique de tous
assis sur son Grand Trône » et « de recevoir la couronne que le dieu condescend à lui transmettre »,
gloire qu’à son tour il transmettra à ses enfants, lesquels « seront établis » sur son trône dans ses
« offices de l’éternité [56] ». « À toutes les pages, ils confondent l’Osiris-N humain [c.-à-d. le défunt] avec
le dieu Osiris », écrit Louis Speleers avec irritation ; « cette confusion était délibérée et ne doit pas
déranger le lecteur qui y est préparé… Inutile de chercher une explication… [elle se situe] dans le
dérangement de leur cerveau [57]. » C’est la plus bête de toutes les explications ; il doit y avoir mieux.
Qui est assis sur mon trône ?
La formule « Tu feras ce qu’Osiris a fait, car tu es celui qui est sur son trône [58] » implique que « le trône
‘fait’ le roi [59] ». « Le trône rendait manifeste un pouvoir divin qui changeait l’un de plusieurs princes en
un roi capable de régner [60]. » Quand le roi ou son remplaçant se lève du lit en forme de lion, ayant
vaincu les puissances de la mort (fac-similé n° 1) lors de la fête du Sed, c’est le trône plutôt, que l’homme
qui est acclamé quand il s’y assied [61]. Le trône sur lequel on s’assied ne fait aucune différence, car il
n’y en a qu’un, l’archétype du ciel, de la terre et du monde d’en bas [62]. Mais qui s’assiérait sur le trône
du Pharaon pendant que celui-ci est vivant et présent ? « Aucun Pharaon d’Égypte, s’écrie l’un des
savants détracteurs de Joseph Smith, n’aurait cédé son trône, ne serait-ce que temporairement, à
Abraham ou à qui que ce soit d’autre, Ç’aurait donc été un ‘événement impossible’ [63]. » Mais on a
montré depuis lors qu’il y avait, à ce genre d’événement, d’amples précédents.
Cela remonte au titre très ancien de « Rpct sur le Trône de Geb », Geb, le dieu de la terre représentant le
principe de la succession patriarcale royale ici-bas. Comme Helck l’a démonté, nous pouvons
commencer avec la fête du Sed, marquant la fin d’un règne et le début d’un autre dans un seul rite : dans
la scène, le vieux roi est mort ce sont ses funérailles mais son successeur n’est pas encore monté sur
le trône, qui, par conséquent, est toujours le sien. Mais, à cause de sa situation, quelqu’un doit agir pour
le défunt roi en attendant que le nouveau prenne les choses en main, et cette personne, c’est le Rpct à
l’origine, le fils lui-même « dans son attente du trône », dans son rôle d’Horus et par conséquent
« comme son père, descendant de Geb [64] ». Suivant l’exemple du Sed, le prince pouvait représenter
son père dans diverses missions, portant le titre « pour des tâches précises comme substitut
(Stellvertreter) du roi, autorisé à donner des ordres » en son nom et appelé fils de Geb pour proclamer
son poste légitime [65]. Étant donné les charges croissantes de l’empire, le roi devait avoir besoin de plus
d’un substitut et très tôt des fonctionnaires importants de la cour qui n’étaient pas de sang royal furent
délégués pour représenter la royauté dans diverses missions et se virent conférer le titre dans un esprit
« vraiment patriarcal » pour montrer qu’ils agissaient pour le roi et comme le roi [66]. Le grand Imhotep,
un homme de génie mais néanmoins homme du commun, détenait le titre de Rpct sur le Trône de Geb
dans la troisième Dynastie [67] ; un autre sage, Aménophis, fils de Hapou, se vante d’avoir joué le rôle de
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