1 S. I. I.T.U. B. TECHNIQUES IMMUNOLOGIQUES PREPARATION D’ANTICORPS PRINCIPES THEORIQUES Un anticorps (Ab) est une protéine produite par le système immunitaire et qui peut se fixer sur une molécule spécifique, généralement une protéine, son antigène (Ag). La très grande spécificité de la reconnaissance d'un Ag par un Ab et la stabilité de l'interaction Ag-Ab a fait que des techniques dérivées de l'immunologie ont été exploitées même pour des études n'ayant rien à voir avec la recherche dans cette discipline. Les anticorps sont des protéines de la famille des immunoglobulines (Ig). Dans l'organisme il existe plusieurs types d'Ig (IgA, IgG, IgM, etc.). Dans les applications biochimiques on utilise surtout des IgG, des anticorps pouvant se lier à deux antigènes. Beaucoup moins utilisés, mais ayant un potentiel de développement intéressant, les IgY sont produits par les oisaux, dont les poules, et se retrouvent dans les oeufs, éliminant la néccessité de prise de sang. Pour une discussion plus en profondeur sur la structure des anticorps, on peut se référer à un bon manuel d'immunologie. Une présentation simple mais relativement complète de cette information, par D. Wilkinson, est aussi disponible MÉTHODES ET APPAREILLAGE De nos jours on se procure généralement les anticorps chez des fournisseurs commerciaux. Dans certains cas, il faut produire les anticorps soi-même, particulièrement si on travaille sur des protéines rares ou récemment découvertes. Il faut tout d'abord immuniser des animaux pour les faire produire des anticorps contre la protéine sur laquelle on travaille. On peut préparer des anticorps polyclonaux ou monoclonaux. À partir de cette préparation brute il faut souvent procéder à la purification de l'anticorps. La qualité d'une préparation d'anticorps pour des fins de dosages ou d'identification repose sur deux facteurs principaux, la spécificité et l'avidité (ou affinité). Tout d'abord, l'anticorps ne doit réagir que contre la protéine d'intérêt pour éviter les réactions croisées avec d'autres protéines susceptibles de la contaminer, c'est la spécificité. D'autre part, il doit réagir fortement avec cette protéine et avoir une grande affinité pour elle, c'est l'avidité. 2 Immunisation des animaux Certaines espèces sont particulièrement employées pour produire des anticorps: le lapin, la souris, le rat, la chèvre, le mouton et le cheval. Le choix de l'animal repose sur divers critères. Si on doit produire beaucoup d'antisérum, on choisit alors un animal plus gros. cependant les gros animaux sont plus couteux (achat, élevage, etc.) et sont souvent moins faciles à manipuler. D'autre part, si on veut un animal facile à manipuler et à élever en laboratoire, on se tournera vers des espèces plus petites. Les petits animaux comme les rats ou les souris se gardent facilement dans des installations peu couteuses et sont faciles à manipuler. Cependant, on ne peut pas prélever de grandes quantités de sang. Des espèces de tailles intermédiaires, comme le lapin, sont donc souvent employées. La quantité d'antigène disponible est aussi un facteur très important: plus l'animal est gros, plus il faut d'antigène pour induire une réponse immunitaire utile. Quoi qu'il en soit, il est important de choisir un animal qui est phylogénétiquement le plus éloigné possible de la source de la protéine avec laquelle on veut faire l'immunisation. En effet, une protéine est d'autant plus antigénique qu'elle ne ressemble pas à une protéine normalement présente chez l'espèce qu'on veut immuniser. Ainsi, si on veut préparer un anticorps contre une protéine de rat, on préférera souvent immuniser un cheval ou une chèvre plutôt qu'un autre rongeur comme la souris. Tel que mentionné précédemment cependant, les limitations inhérentes à l'emploi de gros animaux peuvent inciter à se tourner quand même vers une espèce moins appropriée mais plus facile à élever et à manipuler. Il est aussi évident qu'on ne peut pas immuniser un animal contre une protéine commune aux animaux de sa propre espèce! Les souris sont particulièrement employées pour la production d'anticorps monoclonaux. On peut injecter l'antigène de plusieurs façons, l'important est que l'antigène reste le plus longtemps possible dans l'organisme et arrive dans la circulation sanguine petit à petit pour maximiser la production d'anticorps. Les principales voies d'administration sont des injections sous-cutanées, intradermiques, ou intramusculaires; les injections intraveineuses et intrapéritonéales ne sont employées que dans des cas particuliers. Pour ralentir la libération de l'antigène dans la circulation sanguine et activer la réponse immunitaire on combine généralement l'antigène à une émulsion appelée adjuvant. Le plus connu est sans contredit l'adjuvant de Freund qui est composé d'huile minérale additionnée d'un agent émulsionnant (adjuvant incomplet) et de particules de bacille inactivé de la tuberculose (adjuvant complet). Ce type de procédure avec adjuvant complet est cependant douloureuse pour les animaux et sont très fortement déconseillées par les organismes de protection des animaux. D'autres produits sont plus rarement employés comme des sels d'alun, de l'albumine sérique de boeuf méthylée, etc. Le système immunitaire produit relativement facilement des anticorps contre les grosses molécules comme les protéines et les polysaccharides, on qualifie ces molécules d'immunogènes. Cependant les molécules de petite taille (e.g. hormones stéroïdiennes, petits peptides, etc.) sont très peu antigéniques. On peut cependant produire des anticorps contre de petites molécules qu'on appelle alors "haptènes". Il faut tout d'abord conjuguer ces petites molécules sur des vecteurs ("carriers"), des protéines comme l'albumine ou l'hémocyanine de patelle (sorte d'invertébré). Ce 3 complexe, une fois injecté chez l'animal induira la formation d'anticorps contre l'haptène en tant que tel et le vecteur. Après avoir débarrassé les anticorps contre l'haptène proprement dit de ceux reconnaissant le vecteur, on peut alors utiliser ces anti-haptènes. C'est de cette façon qu'on peut préparer des anticorps contre certaines hormones, médicaments ou des petits peptides. Le sérum contenant l'anticorps recherché est appelé antisérum. Il contient normalement plusieurs espèces d'anticorps différents (environ une dizaine de clonotypes) dirigés contre plusieurs épitopes (déterminants ou sites de liaison) du même antigène, on appelle cette préparation polyclonale. Avec un tel mélange, une même molécule d'antigène peut fixer en même temps plusieurs anticorps différents, chacun sur son épitope spécifique. On a développé des techniques permettant d'isoler et de cloner des lymphocytes ne produisant qu'une espèce moléculaire (i.e. clonotype) d'anticorps, ces anticorps sont appelés monoclonaux. Ces anticorps ne reconnaissent qu'un seul épitope de l'antigène. Préparation d'anticorps polyclonaux Un mélange polyclonal contient plusieurs anticorps reconnaissant plusieurs épitopes différents d'un même l'antigène. Cela se fait en injectant la protéine d'intérêt à des animaux de l'espèce choisie. La réponse primaire suit l'activation des lymphocytes T après la première exposition à l'antigène. Elle est généralement longue, une à deux semaines, et de faible intensité. Pour augmenter la production d'anticorps, on procède à d'autres injections, des rappels. Une réponse secondaire résultera alors de l'action des lymphocytes B. Elle sera alors plus intense et plus rapide. On peut faire plusieurs rappels pour stimuler la production d'anticorps ou, le cas échéant, la réactiver. L'antigène est rarement administré seul. Habituellement on le combine à un mélange, un adjuvant, qui a pour rôle de stimuler la réponse antigénique. On prélève le sérum de cet animal après qu'il a eu le temps de produire une quantité suffisante d'anticorps. Le sérum contenant principalement l'anticorps recherché est souvent appelé antisérum. Évidemment cet antisérum, en plus d'être polyclonal, est polyvalent. Il contient des anticorps contre toutes les protéines étrangères (virales, bactériennes) auxquelles l'animal a été exposé plus ou moins récemment. Il devient alors souvent nécessaire de purifier l'anticorps qui nous intéresse. Cette technique est relativement peu coûteuse. Cependant la spécificité de l'anticorps n'est pas nécessairement très forte. Pour éviter que cette préparation ne donne des réactions croisées, il faut purifier l'anticorps. De plus, pour augmenter la spécificité, il est essentiel que l'antigène injecté soit le plus pur possible. Préparation d'anticorps monoclonaux Une préparation d'anticorps monoclonal contient une seule espèce d'anticorps (clonotype) ne reconnaissant qu'un seul épitope de l'antigène. Pour obtenir une telle préparation, on injecte tout d'abord l'antigène à une souris. Après quelques jours, la rate contiendra un grand nombre de lymphocytes B produisant divers clonotypes. Les 4 lymphocytes B ne peuvent pas proliférer dans des cultures de cellules in vitro. Ces lymphocytes B de la rate peut quand même être isolée et fusionner avec des cellules de myélome, qui sont des cellules transformées, donc des lignées immortelles qui peuvent être maintenues indiniment en culture. Les cellules résultant de cette fusion sont souvent appelées hybridomes. Les souches de myélome utilisées doivent être des mutants n'ayant pas, soit la thymidine kinase (TKase), soit la HGPRTase, deux enzymes nécessaires à la biosynthèse de novo des nucléotides. Ces cellules ne peuvent se développer et se multiplier qu'en produisant des nucléotides par les voies métaboliques de récupération des nucléotides. Ces voies sont inhibées par des antagonistes de l'acide folique comme l'aminoptérine. Ces myélomes mutants meurent dans un milieu contenant de l'aminoptérine ou tout antagoniste de l'acide folique parce qu'ils sont incapables de biosynthétiser des nucléotides. En effet l'aminoptérine bloque la biosynthèse des nucléotides via les voies métaboliques de récupération ("salvage pathways") et la mutation empêche le fonctionnement des voies de novo. Le milieu contient aussi de la thymidine et de l'hypoxantine, les deux bases azotées qui les points de départ des voies de récupération. Le résultat de la fusion donnera un mélange contenant alors trois types de cellules. Tout d'abord, il y a les cellules de rate non fusionnées qui produisent des anticorps, mais qui sont incapables de croitre in vitro. Ensuite, il y a les cellules transformées non fusionnées qui sont capables de se multiplier mais sont inhibées par l'aminoptérine. Enfin, il y a des hybridomes, les cellules résultant de la fusion des cellules transformées et des lymphocytes. Les hybridomes sont capables de se multiplier indéfiniment car ils possèdent le génome des cellules transformées. De plus, comme ils possèdent aussi le génome des lymphocytes, les hybridomes sont capables de biosynthétiser des nucléotides par la voie de récupération en utilisant la thymine et l'hypoxanthine du milieu. Donc seuls les hybridomes seront capables à la fois de proliférer dans ce milieu et de produire des anticorps. Evidemment la plupart des hybridomes ne produisent pas l'anticorps recherché, ils faut alors procéder à un criblage pour les isoler et les cloner. Pour isoler des clones ne produisant qu'une seule espèce d'anticorps, on a recourt à la technique des dilutions limites. On dilue les hybridomes à une concentration très faible. On prépare des cultures avec de très petits volumes. La dilution limite fait en sorte que les probabilités que ce très petit volume contienne deux cellules sont extrêmement faibles. On est donc quasi assuré que les cellules obtenues dans chaque culture ne proviennent que d'une seule cellule initiale; ce sont donc des clones purs qui. évidemment, ne produisent qu'un seul clonotype d'anticorps. Les clones produisant un anticorps adéquat peuvent à ce moment être identifiés. La dilution limite peut être répétée sur les clonotypes pour s'assurer que la lignée cellulaire est vraiment pure. Le rendement de cette méthode est évidemment très faible, et une très faible fraction des hybridomes produiront un clonotype contre l'antigène. Ces clones doivent être alors l'objet de cultures massives pour produire des quantités suffisantes d'anticorps. Même si ces cultures massives peuvent être faites in vitro, elles sont cependant plus souvent faites in vivo. Pour cela, on injecte ces cellules dans l'abdomen d'autres souris où elles proliféreront sous forme d'ascites. Ces ascites sécréteront des anticorps dans la cavité péritonéale de ces souris.Ces anticorps 5 pourront ensuite être récupérés en prélevant le liquide ascitique. Ces techniques sont très couteuses en terme d'installations, de réactifs, de temps et de main-d'oeuvre. Les anticorps obtenus sont cependant extrêmement spécifiques. Cependant, comme cette spécificité ne dépend que d'un seul épitope, les anticorps monoclonaux se fixent aussi fortement sur toute protéine contaminante contenant "par hasard" cet épitope. De plus, les techniques immunochimiques nécessitant la formation de précipitine ou de gros complexes anticorps-antigène sont inutilisables avec des anticorps monoclonaux. Purification des anticorps Dépendant de l'usage prévu, on emploiera des préparations plus ou moins purifiées d'anticorps. Certaines applications n'exigent qu'un antisérum, d'autres nécessiteront des anticorps purs, mais la plupart auront des exigences entre ces deux extrêmes. La technique de purification la plus souvent employée est la chromatographie d'affinité. Mais avant, on peut procéder à une séparation brute des Ig des autres protéines sériques (albumine, transferrine, etc.) par précipitation différentielle au sulfate d'ammonium. Une chromatographie d'échange ionique est aussi possible, quoique moins employée. De plus en plus, on procède par chromatographie d'affinité avec la protéine A ou la protéine G comme ligand pour la région constante des anticorps (Fc). Ce sont des protéines de source bactérienne ayant la capacité de se fixer sur la région Fc des anticorps. Une protéine récemment découverte, la protéine L, se liant aux chaînes k de certaines classes d'anticorps, devient de plus en plus populaire. Ensuite, pour purifier l'anticorps spécifique, on peut procéder à une chromatographie d'affinité avec l'antigène comme ligand. Seul l'anticorps contre cette protéine devrait s'attacher sur la colonne, toutes les autres protéines du sérum étant lavées dans l'éluat. On peut aussi utiliser des "peptides artificiels" ressemblant à certains épitopes particulièrement antigéniques de l'antigène (ligands peptidomimétiques). Il ne reste qu'à désorber l'anticorps qui est à ce moment pratiquement pur. Les colonnes de chromatographie classiques sont aussi en voie d'être remplacées par des billes magnétisées de résine sur lesquelles est lié le ligand choisi. Le gros avantage de cette approche est la rapidité de séparation. Plutôt que de laisser percoler divers tampons à travers une colonne, on peut facilement récupérer les billes magnétisées (et ce qui est lié dessus) avec un aimant....