Communiqué de presse
Marseille, mercredi 17 avril 2013
Le chant du cygne des étoiles super-massives dure plusieurs heures
Une équipe internationale composant la collaboration FIGARO
1
(France Italie
Australie), comprenant des astronomes du laboratoire d’astrophysique de
Marseille LAM (CNRS/AMU), ARTEMIS à Nice et IRAP à Toulouse, a découvert que
les étoiles très massives pouvaient exploser suivant une voie originale. Cette
découverte a été présentée hier dans le cadre du colloque international sur les
sursauts gamma à Nashville aux Etats-Unis. Elle a été publiée le 20 mars dernier
dans The Astrophysical Journal.
Les sursauts gamma ont été découverts dans les années soixante-dix sous forme de
brusques bouffées de rayons gamma détectées par des satellites militaires américains
dont la finalité était la détection d’explosions de bombes nucléaires dans l’atmosphère. Ce
n’est qu’à partir des années quatre-vingt-dix que l’on a compris qu’ils se produisaient à
des distances considérables où les effets de la dilatation de l’Univers se font sentir.
On connaissait jusqu’à présent deux classes de sursauts gamma. Les sursauts courts d'une
part, qui durent moins de deux secondes, et sont
sans doute associés à la fin catastrophique d'un
système binaire d'étoiles à neutrons (une étoile à
neutron possède la masse de notre Soleil, mais dans
un rayon de dix kilomètres au lieu de 600 000
kilomètres), dont les membres se rapprochent
inexorablement sous l’effet du rayonnement
gravitationnel ; ces sources sont considérées comme
les meilleurs candidats pour la détection d’ondes
gravitationnelles par l’instrument franco-italien
VIRGO (CNRS/INFN), actuellement en phase de mise
au point. D’autre part les sursauts « longs » durent
de quelques secondes à quelques minutes. Ils sont
associés à la fin de vie d’une étoile massive, de
l’ordre d’une dizaine de fois la masse du Soleil ;
l’étoile brule très rapidement son combustible
nucléaire, hydrogène puis éléments plus lourds, et à
l’épuisement des ressources un trou noir se forme en
son centre tandis que les couches externes se
précipitent vers le centre (figure 1).
Dans les deux cas un jet de matière allant à une
1
Fast International GRB Afterglow Robotic Observations, collaboration internationale
soutenue en France par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS/PNHE),
Programme National Hautes Energies, l’Instituto Nazionale di AstroFisica (Italie), et
l’Australian Research Council.
Figure 1: Explosion d’un sursaut
gamma : après la formation d’un trou noir
au centre de l’étoile, les couches externes
vont se précipiter. Une partie de la matière
pourra s’échapper sous forme de deux jets
lancés à une vitesse très proche de celle de
la lumière (crédit : CNRS/ARTEMIS Céline
Lavalade)
vitesse très proche de celle de la lumière est émis, qui sera observé par les astronomes
sous forme d’une émission puissante de rayons gamma et X, les formes les plus
énergétiques de la lumière, mais aussi en optique, infrarouge et radio.
Le 9 décembre 2011 le satellite Swift de la NASA a détecté un sursaut très puissant mais
aussi très original, appelé GRB 111209a. En effet, contrairement aux sursauts gamma
« classiques », sa durée était d'au moins 7 heures. Immédiatement il était suivi par une
armada d’instruments à toutes les longueurs d’ondes, dont le télescope TAROT du CNRS
placé à l’Observatoire Européen Austral au Chili et l’observatoire de rayons X XMM-
Newton de l’Agence Spatiale Européenne.
L’équipe internationale conduite par l’astronome franco-italien Bruce Gendre a profité de
l’ensemble de ces données pour chercher ce qui avait pu produire un sursaut d’une telle
intensité pendant une telle durée. En effet, dans les deux cas indiqués plus haut, le sursaut
ne peut durer que quelques secondes, au mieux quelques minutes. « C’était une surprise
totale déclare Bruce Gendre car on ne comprenait pas comment un sursaut pouvait
durer aussi longtemps. Vous n’attendez pas qu’une explosion dure plusieurs heures ! Il a
fallu trouver le bon moteur pour alimenter le jet aussi longtemps »
Il fallait donc imaginer un mécanisme pour alimenter le jet sur une aussi longue durée.
Bruce Gendre et ses collaborateurs ont proposé qu’un autre « monstre » soit invoqué :
une étoile bleue super-géante, faisant 50 fois la masse du Soleil et composée presque
exclusivement d’hydrogène, implose à la fin de sa vie en produisant le trou noir en son
centre. Dans ce cas cependant, la taille énorme d’une telle étoile elle s'étendrait
jusqu'au-delà de l'orbite de Jupiter fait que les couches externes prendront plusieurs
heures pour se précipiter vers le centre, alimentant le jet pendant plusieurs heures.
L'un des problèmes est que normalement, les étoiles bleues super-géantes sont
environnées d'un vent stellaire très puissant qui les dépouille de leurs couches externes. Il
ne reste plus alors que le
cœur de l'étoile mis à nu, et ce
rapidement après leur
formation. Pour maintenir les
couches externes en place,
l’équipe a proposé que l'étoile
soit composée quasi-
exclusivement d'hydrogène et
d'hélium. Or, depuis le début
de l’Univers, plusieurs
générations d’étoiles ont été
produites, chacune
enrichissant un peu plus le
milieu interstellaire en
éléments lourds comme
l’oxygène et le carbone lors
des explosions de
supernovae. GRB 111209a a
été produit à une distance relativement modérée, à un moment l’Univers devrait être
déjà enrichi en éléments lourds, à qui on doit la vie. Ces faits semblent, au premier abord,
incompatibles entre eux. Cependant, on sait maintenant qu’il existe toujours des régions,
de plus en plus rares, composées presque exclusivement d’hydrogène dans notre
Figure 2: Une étoile super-géante bleue comme celle à l’origine
de GRB 111209a est composée presque exclusivement d’hydrogène et
d’hélium. Sa masse est cinquante fois celle du Soleil et sa taille va au-
delà de l’orbite de Jupiter. (Crédit NASA/GSFC)
voisinage galactique. « GRB 111209a a été produit dans une région composée
presqu’exclusivement d’hydrogène, une sorte de fossile dans l’Univers actuel » déclare
Michel Boër, chercheur au laboratoire ARTEMIS à Nice. « Fort heureusement, ces régions
deviennent de plus en plus rare au gré des explosions de supernovas, car sinon cela
pourrait être un problème pour nous » s’amuse-t-il.
Si un sursaut long devait se produire dans notre environnement, il aurait des
conséquences fatales sur la vie sur Terre, ce qu’ont pointé les astronomes depuis
longtemps. Cependant, l’enrichissement en éléments lourds de l’Univers fait que les
sursauts gamma deviennent de plus en plus rares, en particulier dans des galaxies comme
la nôtre, riches en populations d’étoiles évoluées.
La découverte de GRB 111209a, un événement très rare et que nous n’aurions pas pu
détecter s’il avait été un peu plus loin, montre que nous n’en avons pas fini avec les
surprises dans le zoo des explosions qui se produisent dans l’Univers. La compréhension
de ces événements extrêmes est importante pour la synthèse des étoiles et les
mécanismes qui peuvent produire la vie, mais aussi la menacer.
L’équipe à l’origine de cette découverte est composée de Bruce Gendre
(ASDC/ARTEMIS/IRAP), Giulia Stratta (INAF), Jean-Luc Atteia (IRAP-CNRS/UPS),
Stéphane Basa (LAM-CNRS/AMU), Michel Boër (ARTEMIS-CNRS/OCA/UNS), David
Coward (University of Western Australia), Sarah Cutini (INAF), Valerio D’Elia (INAF), Eric
J. Howell (University of Western Australia), Alain Klotz (IRAP-CNRS/UPS) et Luigi Piro
(INAF)
Bibliographie
The Ultralong Gamma-Ray Burst 111209a : The Collapse of a Blue Super-Giant ?, The
Astrophysical Journal, 2013 March 20, Volume 766, page 30
Contacts
Chercheur LAM l Stéphane Basa l T 04 91 05 69 35 - 06 37 21 61 20 l
Presse LAM/Institut Pythéas l Thierry Botti I T 04 95 04 41 06 l [email protected]
Communication CNRS Provence et Corse l Karine Baligand l T 06 82 99 41 25 I
Communication AMU I Delphine Bucquet I T 06 12 74 62 32 I delphine.bucquet@univ-
amu.fr
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