Analyse croisée entre usage des TIC et structure d`usage pour l

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Analyse croisée entre usage des TIC et structure d’usage pour l’activité
professionnelle : le rôle du bricolage
Résumé
Dans le contexte de la mise en pratique de TIC, les acteurs « bricolent » souvent un
usage prescrit de façon à ce que ce dernier soit efficace en fonction de l’objectif
qu’on lui aura assigné. On fait ici appel à la notion de bricolage comme phase de
l’appropriation. De ce fait, l’appropriation est réalisée mais détournée en fonction
la relation existant entre les usages des TIC (pour une activité professionnelle) et
les structures d’usages (entreprises).
Abstract
In the context of implementation of TIC, the actors often arrange or “bricolent” a
prescribed use according to the objective assigned. Here, the concept of
“bricolage” is considered like phase of the appropriation. So the appropriation is
achieved but diverted in function of the relation existing between the uses of the
TIC and the structures of uses.
Mots clés : uses of TIC, appropriation, bricolage, structurationnism
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Introduction
La mise en œuvre de TIC au sein des organisations implique, les études empiriques
l’ont souligné, de réfléchir à la démarche d’implémentation. Ce qui est en jeu,
c’est l’utilisation efficace des TIC, du point de vue des utilisateurs comme du point
de vue des organisations. Cette perspective s’inscrit dans la lignée des recherches
menées sur l’informatisation des organisations et des échanges, suivant des
doctrines économiques établies. Le développement du processus d’informatisation
au cours des vingt dernières années, a généré ou révélé un certain nombre de
changements profonds et structurels au sein des organisations, qui touchent
aujourd’hui tout autant la vie interne des organisations, les relations entre les
différents marchés et les pratiques des acteurs que la façon de réfléchir et de
conceptualiser les phénomènes organisationnels et économiques. (Benghozi,
2002)
1
. L’emploi des TIC est un élément fondamental de l’efficacité des
entreprises, la plupart du temps, notamment parce qu’elles améliorent les
procédures de contrôle, développent la flexibilité des organisations, favorisent une
mise en synergie de compétences spécifiques.
Ce qui est pour nous central, c’est la nécessité de mettre en relation la structure
et la dynamique dans lesquelles s’insèrent les TIC et l’action entreprise par
l’individu. Nous ne voulons pas ici proposer une revue de la littérature exhaustive
sur la dimension dialectique entre structure organisationnelle et mise en œuvre des
TIC l’instar de nombreux chercheurs depuis une vingtaine d’années, notamment
ceux issus du courant structurationniste), mais nous nous focalisations sur la
1
Benghozi P. J. 2002, "Technologie et organisation : le hasard et la nécessité", Annales des
Télécommunications, mars-avril, pp. 289-305.
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compréhension du rôle de la structure (notamment dans ce qu’elle suppose de
liberté « donnée » aux acteurs pour s’approprier un dispositif sociotechnique) dans
la mise en œuvre réussie (c'est-à-dire efficace) de TIC au sein d’une organisation. A
cette fin, nous reprenons pour partie, la littérature structurationniste : elle nous
permet de comprendre (notamment au travers des apports de certains auteurs
comme de Sanctis, Poole ou Orlikowski) comment la structuration d’une activité
permet aux acteurs d’avoir une autonomie de « bricolage » des TIC qui semble
nécessaire à l’appropriation du dispositif sociotechnique. Nous envisageons ainsi le
bricolage comme une phase de l’appropriation des TIC pour les usagers.
1 Interactions entre structures d’activité professionnelle et pratiques sociales
La réalité sociale de l’usage de TIC est duale dans le sens elle mêle dimensions
objectives et subjectives de l’acteur et du système. Ainsi que le citent Deltour &
Vaast, 2000
2
, « la structure et les propriétés institutionnelles des systèmes sociaux
sont créés par l’action humaine et contribuent à former les futures actions
humaines. Les structures sont produites et reproduites par interactions entre
actions et structures ». Ainsi, la théorie de la structuration met en avant différents
points clés essentiels à notre réflexion (Clark, Modgil & Modgil, 1990)
3
: elle met
en avant les pratiques sociales qui se trouvent au fondement de la constitution des
individus et de la société. Les pratiques sociales sont mises en œuvre par des
personnes informées qui ont une capacité d’autoréflexion dans l’interaction
quotidienne. Elles ont ainsi une conscience (plus ou moins tacite) de ce qu’ils font
(pratique) et de leur capacité à développer ces pratiques dans certaines
2
Deltour F, Vaast E, 2000, Quant technologie et organisation construisent un réseau d’échanges
professionnels ; une étude de cas structurationniste, 5ième Colloque de l’AIM, 8-10 novembre
3
Clark J, Modgil C, Modgil S, 1990, Anthony Giddens : consensus and contreversy. In eds Anthony
Giddens, Consensus & controversy, Falmer press, New york, p352.
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circonstances. Celles- sont stables dans le temps et l’espace et supposent une
certaine répétition. Ainsi, en reproduisant des pratiques sociales issues de la vie en
société, les acteurs établissent les règles et la structure des dispositifs de cette
dernière. Ainsi, la structure est dépendante de l’activité. C’est en même temps le
moyen et le résultat d’un processus de structuration que Giddens nomme double
herméneutique « we create society at the same time as we are created by it
4
».
Ainsi, les interactions entre structure et acteurs revêtent plusieurs dimensions :
celle de la communication interpersonnelle qui permet à chacun de donner du sens
aux actions. Celle du pouvoir qui, par utilisation de moyens matériels ou non,
autorise la production et la reproduction de structure de domination lors des
interactions. Celle des valeurs qui permettent aux acteurs de contrôler et
sanctionner leurs actions en fonction de normes de valeurs.
S’appuyant sur la pertinence à mettre en relation la structure dans laquelle
s’insère l’activité et l’activité proprement dite, la théorie de la structuration est
aujourd’hui employée plus fréquemment pour étudier les rapports entre les TIC,
l’action et la structure sociale (De Sanctis & Poole, 1994)
5
. A travers le prisme du
structurationnisme, les TIC et les systèmes d’information de façon plus générale
(S.I.) sont considérés et conceptualisés comme le produit des actions humaines ;
ces dernières sont renouvelées et contraignent autant qu’elles permettent de
telles productions. Dans cette perspective, Mayère (2003)
6
affirme que « plutôt que
de théoriser la conception et l’usage comme des moments déconnectés ou des
4
Giddens A., 1984, The constitution of society: outline of the theory of structuration, Berkerley,
University of California Press.
5
De Sanctis G., Poole M.S., 1994, Capturing the complexity in advanced technology use: adaptive
theory. Ed Science The institute of management. Vol 5 Organization science, p121-147.
6
Mayere A., 2003, Rationalisation de la communication et organisations contemporaines : le cas de
projets d’implantations de projets PGI/ERP, in Communication et Organisation, Ed Université M.
Montaigne, Bordeaux.
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étapes distinctes dans le « cycle de vie » d’une technologie, le modèle
structurationniste de la technologie considère les artefacts techniques comme
potentiellement modifiables tout au long de leur existence ». Dans le même ordre
d’idée, de Vaujany (2000)
7
, dans son travail pour classifier les technologies,
explique « qu’afin d’évaluer l’usage des technologies de l’information et de la
communication, les structurationnistes s’appuient sur un postulat managérial plus
ou moins explicité, qui justifie (…) l’insertion d’un modèle sociologique au sein des
sciences de gestion. Ce postulat (…) suppose que l’intéressant pour les
gestionnaires est de comprendre comment les usages d’un outil peuvent glisser
d’une fonction de reproduction de mode de fonctionnements existants, à une
fonction de production de nouveaux modes de fonctionnement. Cette émergence
d’une innovation sociale à l’usage, est une préoccupation centrale pour le courant
structurationniste ».
2 Le bricolage au cœur des pratiques et des usages des TIC
Dans cette perspective, si l’on écoute attentivement les remarques des utilisateurs
des TIC, notamment en entreprise, on entend régulièrement les phrases suivantes :
« j’ai bricolé mon ordinateur pour avoir cette requête », ou encore « j’ai bricolé
sur l’ERP parce que je ne me souvenais pas comment on faisait », ou également
« en bricolant le logiciel, tu pourrais faire la même chose que moi ». De même, les
MOA (maîtres d’ouvrages) ou les informaticiens des SI en entreprise reprennent à
leur compte ce langage : « mais qu’est-ce que tu as encore bricolé pour que ça ne
marche pas ? », « je vais te bricoler un accès » ou encore « de toute façon, vous
7
De Vaujany FX, 2000, Technologies perturbatrice, technologie neutre et technologie régénérante :
construction et approfondissement de trois archétypes technologiques, 5ième Colloque de l’AIM, 8-10
Novembre.
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