COURS DE JULIE ALLARD
Qu'est-ce que la philosophie morale?
Philosophie? Cette question philosophique a autant de réponses que d'écoles
philosophiques. Plus généralement, il s'agit d' une façon de réfléchir sur le monde, sur les
objets. Cela suppose un certain recul par rapport au monde, et pour avoir ce recul, on
réfléchit sur des concepts.
Philosophie morale? Il s'agit de la philosophie pratique dans le sens elle s'intéresse à
l'action et aux raisons de cette action. Par exemple, qu'est-ce que le bien, le mal, le bonheur?
Ce n'est pas une discipline seulement descriptive car elle dit comment il faut agir, elle est
normative (// droit). Elle ne se contente pas de dire ce qui est mais ce qui devrait être; elle
prescrit ( ex: si vous voulez bien faire, il faut faire ceci, cela,...)
3 notions importantes en philosophie morale :
la morale : généralement considérée comme un impératif, les obligations, les
commandements se réfèrent à des valeurs qui les justifient (on obéit aux
obligations). Il existe un point commun avec la religion : on obéit aux
obligations car il existe des valeurs ; un point divergent : religion -> foi et
morale -> autonomie, responsabilité
1
l'éthique : à l'origine, l'éthique (ethos = moeurs; morale d'une communauté) était
équivalente à la morale ( +absolu). L'éthique énonce des règles de conduites
issues des usages et des moeurs. Aujourd'hui, la morale a un côté plus
péjoratif
2
la déontologie : c'est une notion plus pratique, utile. Étymologiquement, le mot provient
du grec deontos qui signifie devoir. Il s'agit donc de l'ensemble des
devoirs qui s'applique à un champ d'action humaine (=>
éthique appliquée). Elle fonctionne par codes, énumérations positives
de devoirs. C'est une notion plus positive, plus tangible, explicite mais
elle ne définit pas tous les comportements.
3 questions de philosophies morales dont les réponses ont dessiné les grandes écoles de philosophie
morale:
A) Quelle est l'origine de la morale? Qu'est-ce qui fait que l'on se conduit bien ou mal?
1
Si on obéit à la morale, c'est par volonté autonome d'agir pour le bien et on est responsable du mal que l'on fait
2
Cf marxisme
A) Quelle est l'origine de la morale? Qu'est-ce qui fait que l'on se
conduit bien ou mal? Est-ce notre raison ou nos sentiments qui
nous influence(nt) à choisir le bien ou le mal?
B) Peut on connaître le bien et le mal? Peut-on les enseigner, les
apprendre ou bien s'acquièrent-ils par expérience? Sont-ils des
objets de connaissance? La morale est-elle une question de
connaissance?
C) Quelles sont les finalités de l'action? Commet-on une action pour le
bien parce que c'est bien ou pour notre propre intérêt? Est-ce le
bien et le mal sont des valeurs absolues ou relatives?
6/03/08
Est-ce notre raison ou nos sentiments qui nous influence(nt) à choisir le bien ou le mal?
Qu'est-ce qui nous pousse à agir moralement?
Sommes-nous naturellement enclin au bien ou au mal?
2 grandes tendances :
1/ LE RATIONALISME MORAL
Ce qui fait de nous des êtres moraux, c'est notre raison. Il y a identification entre
rationnel/moral et irrationnel/immoral. Ce qui fait l'essence de l'homme, c'est sa raison; ce qui le
rend capable du bien, c'est son humanité.
L' homme a une tendance naturelle pour le mal qu'il doit réfreiner; c'est le rôle de la raison :
renoncer à nos penchants pour le mal pour faire le bien et résister à nos intérêts égoïstes. L'homme a
une destinée et s'élève au-dessus des autres animaux car il est capable d'une raison particulière.
Action, volonté, autonomie, ... sont les maîtres mots de cette philosophie. L'homme est à la hauteur
de l'exigence morale quand par sa volonté il choisit, sans y être contraint, le bien plutôt que le mal,
parce que sa raison lui dit de le faire. On a affaire à une conception de l'homme moderne (XVIIè -
XVIIIè siècle) qui se caractérise par sa capacité de résistance , d'émancipation face à la nature. C'est
une période de progrès scientifiques qui permettent à l'homme de maîtriser la nature.
Il existe d'autres formes de rationalisme moral, comme celui de l'Antiquité. Chez les stoïciens,
celui-ci se définit comme ce que veut la nature. Pour le stoïcisme, la raison veut que nous occupions
notre place dans la nature : chaque être humain a une place dans la nature, dans l'ordre.
Rationalisme moral car seule la raison peut nous apprendre à rester à notre place. Le mal se définit
donc comme l'oubli de notre place dans l’ordre naturel. Le bien et le mal, c'est ce que veut la nature,
le monde entier.
Voir Marc-Aurèle, Pensée pour moi-même, aphorisme 33.
Faire le bien, c'est faire ce que la nature exige de nous. Agir rationnellement, c'est se
soumettre à la nature. Il énonce un principe formel car fondé sur l'autonomie, on fait nous-mêmes le
bien et le mal.
Il y a donc un point commun entre ces deux formes de rationalisme : l'action selon le précepte
de la raison. Par contre, le rationalisme moral moderne prône un détachement de la nature, tandis
que l’antique met en exergue l'obéissance à la nature.
2/ L' EMPIRISME MORAL
Ce qui fait de nous des êtres moraux, ce sont nos sentiments. Pourquoi? La raison n'est pas
capable de distinguer le bien du mal, ce sont les sentiments qui font la différence; les sentiments
sont à l'origine de l'action morale. Ce qui nous rend digne de l'exigence mrale, c'est quand on
éprouve des sentiments à l'égard des autres; c'est le bien. Les sentiments nous affectent, noyus font
agir; or la raison ne ressent jamais rien. Pour choisir le bien plutôt que la mal, il faut les distinguer
et les éprouver au sens affectif du terme. Le principe s'énonce donc ainsi : ce qui nous pousse au
bien, c'est un sentiment, un sentiment d'indignation (c'est ce qui est commun aux hommes). À partir
de l'expérience, les sentiments émergent et nous poussent à agir. La capacité à s'émouvoir du
malheur d'autrui fonde la morale.
Le fondateur de l'empirisme morale est David HUME
3
: ce que le rationalisme n'a pas vu, c'est
3
Philosophes écossais du XVIIIè siècle. Il est l'un des penseurs principaux des Lumières Ecossaises, un mouvement
alternatif des Lumières (XVI XVIIè : il faut s'émanciper des croyances pour penser par nous-mêmes; après la crise
que la raison n'engendre pas l'action. La raison est indifférente au bien et au mal (Voir « Traité de la
nature humaine ») .
Raison > vérité (réalité) > vrai/faux
Morale > sentiments > bien/mal
Il a une autre vision de la raison. Elle est impuissante, ni bonne, ni mauvaise, elle est
seulement cognitive. Elle peut parfois nous orienter, calculer les effets, informer nos sentiments.
Pour lui, l'homme est égoïste, il recherche avant tout sa satisfaction, tout au plus peut-il
éprouver un sentiment de sympathie pour l'autre. Les maîtres mots de cette philosophie seront dès
lors : compassion, pitié, sollicitude, ...
B) Peut on connaître le bien et le mal? Peut-on les enseigner, les apprendre ou bien
s'acquièrent-ils par expérience? Sont-ils des objets de connaissance? La morale est-elle
une question de connaissance?
Sont-ils extérieurs aux sentiments humains? Ou intérieurs?
Sont-ils des valeurs objectives ou subjectives?
2 grandes tendances :
1/ LE COGNITIVISME MORAL
Il existe réellement une différence entre le bien et le mal et on peut la découvrir car elle
n'est pas conventionnelle, mais réelle. Si on la connaît, on sait à coup sûr à quoi on s'expose.
L'enjeu ici est donc de connaître avec certitude certitude cette différence. Le bien et le mal, les
valeurs morales en général, sont des éléments de la réalité. L'ambition est donc de créer une science
morale avec des règles morales, comme une science physique.
Exemple : Platon
Pour lui, la morale est une question de savoir. Si on connaît le bien et le mal, on ne peut pas
faire le mal; si on fait la mal, c'est qu'on se trompe, on prend le mal pour le bien; c'est une erreur
due à un défaut de connaissance. Son but, « moraliser » la société.
Pour Platon, donc, on ne peut pas vouloir le mal. On fait le mal par ignorance et non par
volonté. Ceci est lié à une conception du savoir particulière : les hommes sont ignorants (prennent
les apparences pour des réalités; l'apparence du bien cache le mal) car le mal est plus présent que le
bien. Ils n'ont pas accès à la réalité car ils sont attachés à leur corps; le mal commis est commis
malgré soi. Il faut se détacher de son corps (travail des philosophes). Mais la volonté n'est pas
bonne par nature, elle n'est ni bonne, ni mal car elle n'est pas éclairée; c'est une question de science
(page 219 du texte de Platon)
Il existe d'autres formes de cognitivisme moral : celui de DESCARTES
4
. Il instaure la volonté
philosophique de rompre avec la tradition scolastique pour fonder la science. Il s'agit d'un
cognitivisme plus partiel, plus subtile. Il a développé une théorie de la connaissance (« Théorie de la
connaissance de Descartes »).
protestante). En GB, autre tendance : la philosophie s'autonomise par l'empirisme qui provient de la raison et de
l'expérience.
4
René Descartes, né à La Haye en Touraine (devenue Descartes) le 31 mars 1596 et mort à Stockholm
(Suède) le 11 février 1650, est un mathématicien, physicien et philosophe français, considéré comme l'un
des fondateurs de la philosophie moderne.
Avant la modernité, l'enseignement philosophique se calquait sur la méthode platonicienne :
maître/élève. Descartes veut plutôt pratiquer la méditation, l'introspection (l'esprit se retourne sur
lui-même). Il veut donc penser seul, et pas comme antérieurement, collectivement, d'où ses
« Méditations métaphysiques » , c'est un ouvrage presque autobiographique.
Lorsqu'il est en introspection, il s’aperçoit que ses sens le trompent. Ce qu'il croyait vrai paraît
faux lorsqu'il se retourne sur lui-même. Il doute donc de tout, mais il lui reste une certitude : il
pense car s'il ne pensait pas, il ne douterait pas et s'il pense, il existe (c'est le doute systématique de
Descartes, le célèbre « Cogito ergo sum »). le doute est une méthode philosophique, un doute
systématique de la tradition, des préjugés, des croyances. L'enjeu, aboutir à la certitude
5
.
Nous en tirons deux éléments importants :
Aussi longtemps que le doute reste, nous devons nous abstenir d'un jugement. Il faut
préférer ne pas choisir, plutôt que de se tromper.
Il fait une distinction entre méditation et action. Si on a des doutes, on n'agit pas, au risque
de se tromper sinon. Cependant, des questions se posent dans l'urgence, dans une période de
doute, de méditation. On l'a dit, Descartes préfère ne pas agir plutôt que de se tromper.
Toutefois, bien souvent, on ne peut pas ne pas agir et, heureusement, le doute est provisoire.
Il pense qu'à force on parviendre à une science morale, on n'aura plus peur. Mais que fait-on
d'ici là? On adopte une morale provisoire, des règles qui doivent suppléer notre
connaissance imparfaite. Il énonce trois règles
6
dans le « Discours de la méthode » :
« Se conformer aux coutumes de son pays » car il n'a plus de conviction personnelle
puisqu'il doute toujours.
« Prendre le probable comme certain », dans l'action ; or, tout ce qui est incertain doit
être faux du point de vue de la raison. Il existe une illustration simple : lorsque l'on est
perdu dans la forêt, mieux vaut emprunter n'importe quel chemin, puisque il nous
mènera ailleurs que là où nous sommes perdus.
« Changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde » dans l'incertitude ; or, il revendique
l'émancipation.
Descartes fait également une distinction entre entendement et volonté. C'est une relation très
importante pour comprendre le cognitivisme moral : l’entendement, qui connaît, sait où se trouve la
frontière (objective) entre le vrai et le faux, le bien et le mal. Il doit donc l’indiquer à la volonté, qui
dirige l’action. Il doit dominer la volonté pour l’orienter vers le vrai et le bien, auxquels la volonté
reste indifférente. Cela veut dire en gros que la connaissance doit précéder l’action. Quand nous
nous trompons, c’est parce que nous utilisons mal notre entendement. Il existe des règles de
l'entendement, une façonde progresser dans la connaissance qui, si elle est suivie, permet d’éviter de
se tromper, et donc de commettre le mal moral.
5
Attention : ne pas confondre avec le scepticisme
6
Page 7 du « Discours de la méthode »
Actuellement, le courant s'appelle le positivisme moral (juridique, économique,
psychologique, ...). le cognitivisme moral a débouché sur ce qu’on appelle le positivisme : les
objets moraux doivent être des objets de la connaissance. Le positivisme repose sur une certaine
idéologie, une certaine foi dans la science. Voir la devise de l'ULB « scientae vincere tenebrae », les
sciences vaincront (venir à bout) les ténèbres (ignorance, le mal, l'obscur, le Diable, ...).
Le cognitivisme moral engendre plusieurs implications :
Si la connaissance était parfaite, le mal n'existerait pas.
Si nous commettons le mal, c'est que nous nous trompons.
Nous ne voulons pas le mal en connaissance de cause.
L'entendement (faculté de connaître) doit dominer la volonté, il faut perfectionner la
connaissance pour qu'elle puisse contrôler notre action.
C'est indissociable d'une certaine foi dans la connaissance, la science va apparaître comme un
rempart contre le mal. Aujourd'hui, cette position paraît naïve dans notre société moderne. En effet,
la science a fait beaucoup de mal : un exemple, la bombe atomique. On commence à être méfiant
vis-à)vis de la science (clonage, OGM, vaccin, ...) Néanmoins, la vérité scientifique fut une arme
redoutable des philosophes contre le fanatisme religieux. Mais, avec les dérives technologiques,
notre foi en la science, base de notre idéologie, est ébranlée, ce qui provoque un retour à des
croyances plus archaïques (comme le fanatisme religieux).
Ainsi, il existe un rationalisme non cognitiviste qui effectue une distinction entre raison et
action. La raison a un côté théorique et un autre pratique. Le bien et le mal ne sont des objets de
connaissance et doivent rester des objets d'incertitude. Ce qui fait qu'une action est morale, c'est
qu'on ne peut pas la reconnaître par la raison. À l'inverse, le rationalisme cognitiviste, appelé alors,
l'intuitionnisme moral affirme que le bien et le mal relève de l'évidence affective, on a une intuition
du bien, du mal.
Il existe aussi un « anti-cognitivisme moral », dont ARISTOTE
7
est le penseur central. Il va
déconstruire la logique de Platon : il faut sauver la liberté humaine ; ce qui fait la qualité de nos
actions, c'est qu'elles sont déterminées par une volonté libre. Nul ne veut faire le mal, mais une
mauvaise action n’est pas nécessairement une action involontaire. Selon Aristote, Platon a tort car il
oppose l'acte volontaire (en connaissance de cause) à l'acte involontaire
8
(commise par ignorance
mais que l'on regrette). Mais Platon a oublié un type d'acte : l'acte non volontaire, accompli
indépendamment de la volonté, par ignorance mais sans regrets.
Implications :
(a) Pour qu'une action soit non volontaire, il ne faut pas éprouver de regrets (ignorance)
(b) Dans « Ethique à Nicomaque »
9
, il définit l'ignorance.
IGNORANCE
7
Aristote (en grec ancien Ἀριστοτέλης [Aristotélês]) est un philosophe grec qui naquit à Stagire (actuelle Stavros) en
Macédoine (d’où le surnom de « Stagirite »), en 384 av. J.-C., et mourut à Chalcis, en Eubée, en 322 av. J.-C. Il a
discuté les thèses philosophiques de son maître Platon et a développé les siennes propres dans le sens d'un réalisme
philosophique qui prend en compte les informations fournies par les sens. Il s'est également beaucoup intéressé aux
sciences physiques, biologiques, astronomiques, rhétoriques et éthiques. Il est également l'inventeur de la logique
formelle.
8
Par exemple, gifler sa fille et regretter tout de suite après
9
Livre II, chapitre 2, page 2
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