DIMENSION CIVILE
DE LA SECURITE
049 CDSDG 12 F
Original : anglais
Assemblée parlementaire de lOTAN
SOUS-COMMISSION
SUR LA
GOUVERNANCE DEMOCRATIQUE
LES FORCES DU CHANGEMENT ET DE LA CONTINUITE
EN RUSSIE :
IMPLICATIONS AU NIVEAU NATIONAL ET
INTERNATIONAL
PROJET DE RAPPORT
LUCIO MALAN (ITALIE)
RAPPORTEUR*
Secrétariat international 13 avril 2012
* Aussi longtemps que ce document n’a pas été approuvé par la Commission sur la dimension
civile de la sécurité, il ne représente que les vues du rapporteur.
Les documents de l’Assemblée sont disponibles sur son site Web, à l’adresse, http://www.nato-pa.int
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TABLE DES MATIERES
I. INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
II. VLADIMIR POUTINE ET LA « VERTICALE DU POUVOIR » ..................................... 2
III. LE REVEIL RUSSE ? .................................................................................................. 6
A. LE PROCESSUS ELECTORAL .......................................................................... 6
B. LA GENESE DU MOUVEMENT DE PROTESTATION ...................................... 7
C. LA REPONSE DU GOUVERNEMENT ............................................................... 9
1. Le train de réformes de Dmitri Medvedev ................................................... 9
2. Le programme politique de Vladimir Poutine ............................................ 10
IV. LES IMPLICATIONS POUR LA POLITIQUE ETRANGERE DE LA RUSSIE ............ 10
V. CONCLUSIONS ........................................................................................................ 12
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................... 14
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I. INTRODUCTION
1. La Russie de 2012 est-elle la même que celle de 2011 ? Le pays est diripar les mêmes
personnes qui s’échangent les fonctions de président et de Premier ministre et la Douma
comprend toujours les quatre mêmes partis. Il y a peu de chances pour que la politique intérieure
ou étrangère de la Russie change radicalement. Et pourtant, on ne peut pas nier que l’état d’esprit
de la population et le paysage politique intérieur ont profondément évolué. Au cours des quelques
derniers mois, la société civile russe a fait preuve d’une force considérable et d’une capacité à se
mobiliser en très grand nombre, du jamais vu dans la Russie de M. Poutine. On pourrait même
aller jusqu’à dire que le modèle traditionnel de la politique et de la gouvernance russes est en train
de changer : la perception byzantine selon laquelle le gouvernement se situe au-dessus du peuple
est remplacée par l’idée européenne selon laquelle le gouvernement est au service du peuple.
L’émergence de la classe moyenne et l’utilisation croissante des technologies modernes
d’information et de communication sont les principaux catalyseurs du changement.
2. Même si le tandem politique de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev avec leur parti Russie
unie est appelé à rester au pouvoir pendant encore quelques années au moins, le système
politique russe fait déjà l’objet de profonds réaménagements. Il y a quelques mois,
Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev décrivaient la structure politique russe comme « idéale » et
ne prévoyaient pas le rétablissement de l’élection directe des gouverneurs de régions avant « un
siècle » ; aujourd’hui, en revanche, la Douma examine un ensemble de réformes présidentielles
qui auront, en principe, pour conséquence de défaire le système politique mis en place si
méthodiquement par M. Poutine depuis son arrivée au pouvoir en 2000.
3. L’évolution démocratique qui a lieu en Russie relève de la responsabilité de la population
russe. Toutefois, il est important pour la communauté internationale de suivre ces événements en
raison des répercussions qu’ils pourraient avoir sur la politique étrangère de la Russie ainsi que
sur l’architecture politique et sécuritaire de la région et du monde. Le dialogue et la coopération
avec la Russie ont indéniablement de l’importance dans un certain nombre de domaines tels que
la stabilisation de l’Afghanistan, la non-prolifération des armes de destruction massive, la lutte
contre le terrorisme, la piraterie et le trafic de stupéfiants, ainsi que, depuis peu, le rétablissement
de la paix et de la stabilité dans la région MOAN, notamment en Syrie.
4. Le grand principe de la politique du « nouveau départ » avec la Russie est que le fait
d’aborder les questions de la démocratie et des droits de l’homme ne doit pas empêcher la
coopération concrète sur des projets spécifiques d’intérêt mutuel. Pour autant, il paraît difficile de
dissocier complètement l’évolution intérieure de la Russie et la politique internationale. Les
relations entre les Etats-Unis et la Russie sont par exemple altérées par le « projet de loi
Magnitski » soumis au Congrès américain. Ce projet, du nom d’un avocat russe anticorruption qui
a été arrêté et a trouvé la mort suite aux tortures qu’il aurait subies en prison, vise à imposer des
sanctions aux fonctionnaires russes soupçonnés d’avoir participé à cette affaire. Le Parlement
européen a adopté une résolution similaire sur la question. Un autre sujet de profond agacement
pour Moscou est le texte de loi américain, connu sous le nom d’amendement Jackson-Vanik, qui,
hérité de la Guerre froide, conditionne les relations commerciales entre les Etats-Unis et la Russie
à la politique de cette dernière en matière de droits de l’homme. D’un autre côté, les dirigeants
russes évoquent eux-mêmes l’influence de la politique des autres pays sur leur situation intérieure,
en faisant régulièrement référence au prétendu rôle de l’Occident, et des Etats-Unis en particulier,
dans l’incitation et l’apport d’un soutien aux rassemblements antigouvernementaux en Russie. Les
déclarations selon lesquelles les manifestants étaient payés par le département d’Etat américain
semblent avoir eu l’effet inverse de celui escompté, à savoir l’amplification du mouvement de
protestation.
5. L’objectif du présent rapport est de passer en revue les derniers événements survenus en
Russie depuis les élections parlementaires et présidentielle, afin de mieux comprendre les
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2
mutations que ce partenaire important de l’Alliance est en train de connaître et quelles implications
elles pourraient avoir sur la coopération OTAN-Russie. Bien que respectant totalement le droit
souverain de la Russie à décider elle-même de son système politique et de ses orientations, le
rapporteur souhaite vivement que ce pays évolue vers plus d’ouverture, d’intégration, de respect
des droits de l’homme fondamentaux et d’amélioration des procédures électorales.
II. VLADIMIR POUTINE ET LA « VERTICALE DU POUVOIR »
6. La présente section a pour but de donner un bref aperçu du système politique mis en place
depuis 10 ans. La centralisation du pouvoir opérée en Russie sous les présidents Poutine et
Medvedev doit être observée sous l’angle de la présidence Eltsine. Les années 90 évoquent pour
de nombreux Russes de mauvais souvenirs : chute de l’empire, conflits perdus, appauvrissement
de la population, ascension des oligarques et augmentation record de la fraude et de la corruption.
Sous le président Eltsine, le peuple russe jouissait d’un niveau de liberté jamais vu auparavant, de
droits civiques et de possibilités nouvelles, mais le bilan démocratique n’était pas parfait : les
thodes employées pour assurer la réélection du président en 1996 ont été douteuses.
M. Eltsine a commencé son mandat sous les traits d’un courageux et charismatique dirigeant, mais
10 ans plus tard, son impopularité était au plus haut, notamment à cause de sa santé défaillante et
de son style de gouvernance en dents de scie.
7. Contrairement à d’autres pays d’Europe centrale et orientale, où la transition a coïncidé avec
une libération nationale, en Russie la majorité de la population n’a pas compris ce qui pouvait
justifier ses souffrances lors des douloureuses réformes économiques. La démocratie et le
libéralisme étaient associés à la rigueur économique et à l’injustice. A la fin des années 90, le pays
était mûr pour accueillir quelqu’un comme Vladimir Poutine, c’est-à-dire un homme fort, capable
d’apporter la stabilité et la discipline, fût-ce aux dépens des avancées démocratiques de son
prédécesseur.
8. M. Poutine a été aux yeux des Russes un bon dirigeant, surtout lors de son premier mandat.
L’économie a été relancée, en partie sous l’effet naturel de l’arrivée à maturité et de la stabilisation
du nouveau système économique mis en place dans les années 90, et en partie grâce au recours
à de nombreux économistes libéraux tels que le Premier ministre Mikhaïl Kasyanov, le conseiller
économique auprès du président Andr Illarionov, le ministre des Finances Alex Kudrin et le
ministre du Développement économique German Gref. Un système d’imposition favorable aux
entreprises a été instauré et des mesures ont été prises pour réduire l’ampleur de « l’économie
parallèle ».
9. Le problème est que, dans le même temps, M. Poutine a progressivement mis en place une
« verticale du pouvoir », c’est-à-dire une chaîne d’autorité hiérarchique destinée à s’assurer que
toutes les structures du pouvoir lui vouaient loyauté et allégeance. L’influence des économistes
libéraux s’est petit à petit amenuisée, et des membres de l’équipe Poutine à Saint-Pétersbourg et
au service de sécurité de la Fédération de Russie (FSB) ont été nommés à des postes clés :
Dmitri Medvedev (ancien vice-Premier ministre, président de la Russie jusqu’au 6 mai 2012, puis
au-delà de cette date, Premier ministre), Igor Sechin (actuel vice-Premier ministre et prétendu
leader des « siloviki », qui occupent les structures militaires, sécuritaires et policières),
Nikolaï Patrushev (actuel directeur du FSB), Sergueï Ivanov (ancien ministre de la Défense et
actuel chef de l’administration présidentielle) et quelques autres (Roxburgh, 2012).
10. Sous Boris Eltsine, les relations entre le président et le parlement étaient tendues. Il avait été
contraint de faire des compromis, comme par exemple de nommer en 1998 un cabinet de
gauche dirigé par Yevgeny Primakov après que son candidat, Viktor Tchernomyrdin, ait été
rejeté à deux reprises par la Douma. Sous Vladimir Poutine, en revanche, le Parlement russe a été
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d’un soutien sans failles au chef de l’Etat, approuvant fidèlement toutes les grandes initiatives
législatives du gouvernement.
11. Le nombre de partis a radicalement baissé dans les années 2000, sous l’effet de
l’augmentation du nombre minimal de membres porté à 50 000 (puis à 45 000) dans la moitié
au moins des 83 circonscriptions électorales russes, de l’incitation des partis à fusionner et du
refus d’enregistrer les partis dont les programmes ou les statuts étaient soi-disant en contradiction
avec la Constitution russe. Le 13 avril 2011, la Cour européenne des droits de l’homme de
Strasbourg a vivement critiqué la loi russe sur les partis politiques en la qualifiant de draconienne,
et établi que la dissolution en 2007 du parti républicain, dirigé par Vladimir Ryzhkov, était injustifiée
(Abdullaev, 2011).
12. Suite à ce « remaniement des partis », orchestré, selon l’opposition, par le chef adjoint de
l’administration présidentielle, l’influent Vladislav Surkov (vice-Premier ministre depuis 2011), le
nombre de partis a été ramené à sept, dont quatre représentés à la Douma. Le parti
pro-gouvernemental, Russie unie, jouit d’une confortable majorité à la Douma (deux bons tiers en
2007-2011), et presque tous les gouverneurs de régions s’en réclament. C’est le parti du pouvoir
par excellence, même s’il a essayé ces dernières années de se donner une image idéologique en
adoptant le concept de « conservatisme russe ». Les autres partis représentés au parlement
Russie juste, le parti démocratique libéral de Vladimir Zhirinovsky et le parti communiste disent
refléter respectivement les idées sociales-mocrates, nationalistes et communistes.
13. Ce qui a le plus manqué ces dernières années dans le système politique russe est la
présence d’un parti démocrate libéral véritablement indépendant. Le seuil électoral fixé à 7 % a
empêché au seul parti libéral indépendant encore en lice Yabloko d’être représenté à la
Douma. Si quelques représentants autonomes de l’opposition libérale tels que
Vladimir Ryzhkov ont été élus députés en 2003 grâce au scrutin uninominal existant dans
certaines circonscriptions, lors des élections de 2007 et 2011, ce type de scrutin a été supprimé, et
seules des listes de parti ont pu concourir. Les partis politiques créés par des démocrates comme
Boris Nemtsov, M. Ryzhkov, M. Kasyanov et Garry Kasparov n’ont pas pu se faire enregistrer. Les
radicaux indépendants de droite comme de gauche, dont le controversé Eduard Limonov et son
parti national-bolchevique, n’ont pas réussi non plus à obtenir l’enregistrement de leurs partis. Les
voies parlementaires ordinaires leur étant inaccessibles, ces hommes politiques n’ont eu d’autre
choix que de se lancer dans le « militantisme de rue ».
14. Parallèlement à cette dynamique de construction d’un pouvoir vertical, M. Poutine a aboli en
2004 l’élection directe des gouverneurs de régions. Cette décision a été prise suite aux attaques
terroristes de Beslan, et présentée comme une mesure nécessaire pour lutter contre le terrorisme
en ayant plus de contrôle sur la fiabilité et l’efficacides administrateurs. L’élection directe des
maires a été, elle aussi, progressivement supprimée. A Moscou, ville connue pour sa diversité et
le militantisme politique est une tradition de longue date, les techniques électorales ont permis
de s’assurer que les 35 sièges du Parlement municipal soient occupés par 32 représentants de
Russie unie et 3 communistes (Russia Today, 2011).
15. La consolidation du pouvoir opérée par Vladimir Poutine s’est également manifestée par des
actions « coup de poing » à l’encontre des oligarques et des médias leur appartenant. Deux
grandes chaînes de télévision russes la NTV de Vladimir Gusinsky et l’ORT de Boris
Berezovsky ont été rachetées par l’Etat. M. Berezovsky (le plus puissant oligarque de la période
Eltsine et une personnali très influente puisqu’il aurait orchestré l’accession de Poutine aux
fonctions de Premier ministre puis de président) et M. Gusinsky (dont la NTV était saluée pour son
professionnalisme et son indépendance par rapport au Kremlin) ont été contraints de s’exiler à
l’étranger. L’exemple le plus connu est évidemment celui de Mikhail Khodorkovsky, qui était
autrefois l’homme le plus riche de Russie et qui apportait son soutien aux partis d’opposition. Son
cas est devenu le symbole d’une inculpation motivée par des raisons politiques. Alors que sa peine
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